Imaginez transférer plusieurs millions de dollars entre Dubaï et Lagos en moins de dix secondes, sans passer par cinq banques intermédiaires et sans payer 7 % de frais. Ce qui ressemblait encore à de la science-fiction il y a deux ans devient réalité dès aujourd’hui. Visa, le mastodonte qui traite plus de 200 milliards de transactions par an, vient de passer la seconde sur les stablecoins.
Visa ne joue plus : les stablecoins entrent dans la cour des grands
Le 27 novembre 2025, Visa a officiellement annoncé un partenariat stratégique avec Aquanow, l’un des leaders mondiaux des infrastructures crypto institutionnelles. Objectif : déployer massivement les règlements en stablecoins (principalement l’USDC de Circle) dans la zone CEMEA – Europe centrale, Moyen-Orient et Afrique. Un territoire qui représente déjà plus de 40 pays et des flux transfrontaliers colossaux.
Ce n’est pas une simple expérimentation. C’est une offensive industrielle.
Pourquoi Visa mise tout sur les stablecoins maintenant ?
Depuis 2021, Visa teste discrètement les règlements en USDC avec Crypto.com et plus récemment avec Solana aux États-Unis. Les résultats ont été sans appel : délais divisés par 1000, coûts divisés par 30. Mais jusqu’à présent, ces initiatives restaient limitées au marché américain.
Aujourd’hui, le géant des paiements change d’échelle. La zone CEMEA concentre trois phénomènes explosifs :
- Une diaspora qui envoie chaque année plus de 100 milliards de dollars de remises vers l’Afrique et le Moyen-Orient
- Des corridors commerciaux en plein boom (Émirats – Inde – Afrique de l’Est)
- Une adoption crypto fulgurante (Nigeria, Émirats, Turquie dans le top 10 mondial)
Dans ce contexte, conserver les vieux rails SWIFT devient un handicap compétitif majeur.
« Notre partenariat avec Aquanow constitue une nouvelle étape clé dans la modernisation des infrastructures de paiement et la préparation des institutions à l’avenir des mouvements monétaires. »
Godfrey Sullivan – Responsable produits Visa CEMEA
Aquanow : le partenaire parfait que personne n’avait vu venir
Aquanow n’est pas un petit acteur. La plateforme canadienne traite déjà plus de 15 milliards de dollars de volume mensuel pour des institutions (banques, fintechs, fonds). Elle est particulièrement réputée pour ses ponts liquides entre fiat et crypto dans plus de 50 juridictions.
Le vrai coup de génie de Visa ? Aquanow est déjà pleinement licenciée dans les Émirats (VARA), en Europe (MiCA-ready) et dans plusieurs pays africains. Autrement dit, le déploiement peut commencer quasiment demain matin.
Ce que ce partenariat permet concrètement dès 2026 :
- Règlements 24/7 en USDC entre banques et fintechs de la zone CEMEA
- Conversion instantanée USDC → monnaie locale via les partenaires Visa Direct
- Réduction moyenne de 80-95 % des frais sur les transferts transfrontaliers
- Traçabilité totale et conformité KYC/AML native
Les stablecoins sont en train de devenir l’arme fatale des paiements B2B
On a trop longtemps vu les stablecoins comme un simple outil spéculatif du monde crypto. Grave erreur. Leur vraie révolution est en train de se jouer dans les coulisses des flux financiers institutionnels.
Quelques chiffres qui donnent le tournis :
- Volume quotidien moyen des stablecoins : +340 % en 2025 (Chainalysis)
- USDC en circulation : 58 milliards de dollars (novembre 2025)
- Plus de 300 institutions dans le monde utilisent déjà des stablecoins pour leurs trésoreries ou paiements
Et Visa n’est pas seul. Mastercard, SWIFT (avec son projet de tokenisation), et même JPMorgan avec son JPM Coin observent la même tendance. Mais Visa frappe plus fort et plus vite.
Quelles conséquences pour l’écosystème crypto ?
L’arrivée massive de Visa dans les stablecoins va créer un cercle vertueux phénoménal :
- Liquidité accrue sur les blockchains compatibles (Ethereum, Solana, Stellar, Polygon)
- Légitimité institutionnelle renforcée pour l’USDC face au géant USDT
- Explosion probable des cas d’usage réels (paiements commerçants, paies internationales, trade finance)
Et surtout, une pression énorme sur les régulateurs pour clarifier enfin le cadre des stablecoins. Car quand Visa décide de bouger, les autorités finissent toujours par suivre.
« Ensemble, Visa et Aquanow ouvrent de nouvelles voies aux institutions pour participer à l’économie numérique avec la rapidité et la transparence de l’Internet. »
Phil Sham – CEO d’Aquanow
Et la France dans tout ça ?
La zone CEMEA inclut officiellement plusieurs pays d’Europe centrale et orientale. La France n’est pas directement concernée, mais l’effet domino sera rapide. Plusieurs grandes banques françaises testent déjà en parallèle des solutions similaires avec Société Générale en chef de file via sa filiale Forge et son euro stablecoin.
Mais surtout, dès qu’un corridor Europe-Afrique fonctionnera parfaitement en USDC, les entreprises françaises exportatrices vers le continent africain vont se ruer dessus. On parle ici de dizaines de milliards d’euros de flux annuels.
Le futur des paiements se dessine sous nos yeux
On est à un tournant historique. Les stablecoins ne sont plus une curiosité crypto. Ils deviennent le nouveau standard des paiements internationaux, exactement comme l’e-mail a remplacé le fax dans les années 90.
Visa ne fait pas que suivre la tendance. Il est en train de la créer de force, en imposant ses rails là où les blockchains publiques étaient encore vues comme expérimentales il y a 24 mois.
Et quelque chose me dit que ce n’est que le début. Mastercard annoncera probablement sa contre-attaque d’ici le premier trimestre 2026. Et derrière, tout l’écosystème bancaire va devoir choisir : monter dans le train ou rester sur le quai.
Une chose est sûre : l’année 2026 s’annonce comme celle où les stablecoins passeront définitivement du stade de promesse à celui de réalité quotidienne pour des millions d’entreprises et, à terme, de particuliers.
Le monde de la finance traditionnelle vient d’ouvrir grand la porte à la révolution blockchain. Et cette fois, elle ne la refermera pas.
