Imaginez la scène : nous sommes le 1er janvier 2025, les feux d’artifice à peine éteints, et Bitcoin bondit déjà de plusieurs milliers de dollars en quelques heures. Les réseaux sociaux s’enflamment, les influenceurs crient au « bull run confirmé », les ETF américains avalent des milliards. Un mois plus tard, le cours flirte avec des sommets historiques. Fast-forward un an plus tard, décembre 2025. Tout le monde attend la même magie pour janvier 2026… et là, une voix posée vient jeter un seau d’eau glacée sur l’euphorie collective.
21Shares dit stop à l’euphorie : « Oubliez le remake de janvier 2025 »
Ophelia Snyder, cofondatrice et présidente de 21Shares – l’un des leaders mondiaux des ETF crypto avec plus de 10 milliards sous gestion – a accordé une interview vérité à Cointelegraph le 5 décembre 2025. Son message est clair : les conditions qui ont provoqué l’explosion de janvier 2025 ne sont plus réunies. Point final.
« Il est très difficile d’imaginer Bitcoin répéter les gains de janvier 2025 en janvier 2026. Les moteurs de volatilité ne vont pas se résoudre rapidement. Un nouveau pump en janvier dépendra du sentiment général du marché, pas seulement du rééquilibrage des ETF. »
Ophelia Snyder, cofondatrice de 21Shares
Quand la personne qui voit littéralement les milliards institutionnels entrer ou sortir des ETF Bitcoin vous dit « calmez-vous », on a plutôt intérêt à écouter.
Pourquoi janvier 2025 a été une tornade parfaite
Pour comprendre pourquoi 2026 risque d’être différent, revenons douze mois en arrière. Plusieurs étoiles s’étaient alignées avec une précision presque effrayante :
- Le lancement officiel des ETF Bitcoin spot aux États-Unis le 11 janvier 2024 avait créé un effet de rareté et de nouveauté absolue
- Les gestionnaires de portefeuille institutionnels devaient rééquilibrer massivement en début d’année (phique (le fameux « January effect »)
- Le halving Bitcoin d’avril 2024 était encore frais dans tous les esprits
- La Fed commençait à parler de baisse de taux dès mars 2025
- Le sentiment de « bear market terminé » était à son paroxysme après deux ans de douleur
Résultat ? Près de 15 milliards de dollars étaient entrés dans les ETF Bitcoin rien qu’en janvier 2025. Le cours était passé de 68 000 $ à plus de 92 000 $ en moins de 30 jours. Un scénario de rêve.
2026 : les ingrédients manquent à l’appel
Aujourd’hui, la situation est radicalement différente. Ophelia Snyder le martèle : l’effet de surprise des ETF est totalement digéré. Les flux entrants restent positifs (environ 1,2 milliard par mois en moyenne sur le second semestre 2025), mais ils sont beaucoup plus progressifs et prévisibles.
Ce qui a changé en un an
- Les ETF Bitcoin ne sont plus une nouveauté – ils sont devenus un produit financier classique
- Le halving 2024 est maintenant ancien (le prochain est dans plus de 2 ans)
- Les grandes institutions ont déjà pris position ou attendent un meilleur point d’entrée
- Le contexte macroéconomique est plus incertain (inflation persistante, dettes publiques records)
- Le « risk-on » généralisé de début 2025 s’est transformé en prudence
En clair : il n’y a plus ce « turbo » émotionnel et structurel qui avait tout emporté sur son passage l’an dernier.
Ce n’est pas Bitcoin le problème, c’est le monde autour
Le point le plus important de l’interview de Snyder est là : Bitcoin n’a rien perdu de son potentiel fondamental. Ce qui freine, c’est le climat économique global.
Quand les marchés actions tremblent, quand l’or reprend sa couronne de valeur refuge, quand les obligations d’État à 10 ans flirtent avec des rendements jamais vus depuis 2007… les investisseurs institutionnels réduisent naturellement leur exposition aux actifs risqués. Et oui, même avec toute la légitimité acquise, Bitcoin reste classé « actif risqué » dans 95 % des comités d’investissement.
Conséquence directe : les entrées dans les ETF ralentissent, les sorties augmentent légèrement dès qu’un indicateur macro déçoit, et le prix consolide ou corrige.
Les chiffres qui confirment le refroidissement
Regardons les données brutes des derniers mois (source : 21Shares, BitMEX Research, Farside Investors) :
- Janvier 2025 → +14,8 milliards $ nets dans les ETF Bitcoin US
- Novembre 2025 → +1,1 milliard $
- Octobre 2025 → +900 millions $
- Septembre 2025 → +2,4 milliards $ (pic lié à la baisse des taux de la Fed)
La tendance est claire : l’argent rentre toujours, mais à un rythme dix fois plus lent. C’est sain pour la stabilité long terme… mais mortel pour ceux qui attendaient un nouvel « janvier fou ».
Alors, faut-il abandonner tout espoir de bull run en 2026 ?
Absolument pas. Ophelia Snyder ne dit pas « il n’y aura pas de bull run ». Elle dit « il n’y aura probablement pas de bull run en janvier ». La nuance est énorme.
En réalité, plusieurs scénarios restent parfaitement plausibles :
- Scénario 1 – Slow burn : Bitcoin consolide entre 80 000 et 100 000 $ tout le premier trimestre 2026, puis explose au printemps quand la macroéconomie se détend enfin
- Scénario 2 – Pump retardé : un événement catalyseur (baisse massive des taux, adoption d’un État, etc.) déclenche la hausse, mais en avril-mai plutôt qu’en janvier
- Scénario 3 – Double pump : un petit rally en janvier (rééquilibrage mécanique), suivi d’une correction, puis le vrai mouvement haussier plus tard
L’histoire montre que les plus gros mouvements haussiers arrivent souvent après les périodes de doute, pas pendant l’euphorie généralisée.
Ce que les institutionnels font vraiment en ce moment
Derrière les déclarations publiques, les grandes manœuvres continuent. Exemples concrets :
- Les fonds souverains du Golfe et d’Asie continuent discrètement leurs achats OTC
- Plusieurs grandes banques privées suisses et allemandes ont reçu le feu vert interne pour proposer des ETF Bitcoin à leurs clients private banking dès Q1 2026
- Les family offices américains augmentent leur allocation moyenne de 0,8 % à 2,1 % sur Bitcoin (source : UBS Wealth Report 2025)
- MicroStrategy, Tether et d’autres corporate treasuries continuent d’empiler sans bruit
L’accumulation silencieuse est en cours. Elle ne fait juste pas la une des journaux.
Conclusion : la patience reste la meilleure arme en 2026
Le message de 21Shares n’est pas baissier. Il est réaliste. Oublier l’idée d’un « janvier automatique » permet paradoxalement de mieux se positionner pour le vrai mouvement, celui qui viendra quand plus personne ne l’attendra.
Car l’histoire de Bitcoin est remplie de ces moments : 2013, 2017, 2021… les plus gros gains sont toujours arrivés après les périodes où tout le monde criait « cette fois c’est différent, le bull run est mort ».
2026 ne sera peut-être pas l’année du pump de janvier.
Mais elle pourrait bien être l’année où Bitcoin passe définitivement du statut d’actif spéculatif à celui de réserve de valeur institutionnelle mondiale.
Et ça, ça vaut largement d’attendre quelques mois de plus.
