Imaginez un petit pays d’Amérique centrale qui défie les plus grandes institutions financières mondiales. Un président charismatique qui accumule du Bitcoin comme si demain n’existait pas, pendant que le Fonds Monétaire International serre la vis. C’est exactement ce qui se passe au Salvador en cette fin d’année 2025. Et au centre de cette partie de poker à haut risque : le fameux portefeuille Chivo. Va-t-il vraiment être vendu ?

Chivo : le symbole d’une révolution Bitcoin menacée ?

Lancé en grande pompe en 2021 lors de l’adoption du Bitcoin comme monnaie légale, Chivo était bien plus qu’une simple application. C’était le fer de lance de la stratégie de Nayib Bukele pour démocratiser l’accès aux cryptomonnaies. Gratuit, développé par l’État, il permettait aux Salvadoriens d’envoyer et de recevoir des BTC et des dollars sans frais exorbitants. Un outil révolutionnaire dans un pays où les transferts d’argent représentent une part énorme de l’économie.

Mais aujourd’hui, ce portefeuille national pourrait passer entre des mains privées. Le FMI vient en effet d’annoncer que les négociations pour sa vente sont “bien avancées”. Une nouvelle qui tombe comme un coup de tonnerre dans la communauté crypto, déjà habituée aux rebondissements salvadoriens.

Le bras de fer entre Bukele et le FMI

Pour comprendre l’enjeu, il faut remonter à mai 2025. Le Salvador signe un accord crucial avec le Fonds Monétaire International : un prêt de 1,4 milliard de dollars pour soutenir son économie. En échange ? Des conditions strictes, dont deux touchent directement la politique Bitcoin du pays.

Première exigence : arrêter les achats publics de Bitcoin. Deuxième : limiter l’usage du BTC et, surtout, se séparer de Chivo. Des mesures présentées comme nécessaires pour “réduire les risques” liés à la volatilité des cryptomonnaies.

« L’accord repose sur plusieurs mesures clés, notamment l’engagement des autorités à cesser d’acheter des bitcoins. »

Fonds Monétaire International, communiqué officiel

Mais Nayib Bukele n’est pas homme à se laisser dicter sa conduite. Quelques mois seulement après l’accord, il annonce une stratégie d’achat quotidienne : un Bitcoin par jour, “jusqu’à nouvel ordre”. Et le moins que l’on puisse dire, c’est qu’il tient parole. En novembre 2025, le Salvador aurait acquis pas moins de 1090 BTC en un seul mois.

Ce défi ouvert met le FMI dans une position délicate. D’un côté, l’institution a besoin de montrer qu’elle fait respecter ses conditions. De l’autre, elle ne peut se permettre de faire imploser l’économie salvadorienne en bloquant le prêt.

Pourquoi le FMI veut-il la peau de Chivo ?

Chivo n’est pas un simple wallet. C’est un outil de souveraineté numérique. En contrôlant l’application, l’État salvadorien pouvait encourager massivement l’adoption du Bitcoin. Distribution de 30 dollars en BTC à chaque citoyen lors du lancement, transactions sans frais, intégration directe avec le système bancaire national… Tout était pensé pour rendre le BTC incontournable.

Pour le FMI, cette mainmise de l’État sur un outil financier représente un risque majeur. L’institution préfère voir le Bitcoin confiné au secteur privé, avec une adoption volontaire plutôt que poussée par le gouvernement. La vente de Chivo à une entreprise privée permettrait de couper ce lien direct entre politique nationale et cryptomonnaie.

Les principaux arguments du FMI contre Chivo :

  • Risque de volatilité transmise à l’économie nationale via un outil d’État
  • Concurrence déloyale avec les acteurs privés du secteur financier
  • Manque de régulation adéquate pour un wallet géré par le gouvernement
  • Possibilité de détournement politique de l’outil

Des arguments qui peuvent sembler techniques, mais qui cachent une réalité plus profonde : une lutte idéologique entre deux visions du monde. D’un côté, la finance traditionnelle centralisée et prudente. De l’autre, une révolution décentralisée portée par un président millennial.

Les conséquences possibles d’une vente

Si la vente de Chivo se concrétise, les impacts pourraient être multiples. Tout d’abord pour les Salvadoriens eux-mêmes. L’application actuelle offre des avantages uniques : zéro frais sur les transactions Lightning, conversion instantanée BTC/USD, intégration avec les distributeurs Chivo ATM répandus dans le pays.

Un repreneur privé pourrait décider de monétiser ces services. Fini les transactions gratuites ? Possible. Modification des conditions d’utilisation ? Probable. Perte de confiance des utilisateurs habitués à un outil “national” ? Presque certain.

Mais il y a plus grave. Chivo représentait un modèle unique au monde : un wallet Bitcoin soutenu par un État. Sa disparition pourrait décourager d’autres pays tentés par l’expérience salvadorienne. L’Argentine de Javier Milei observe attentivement. Le Bhoutan, qui accumule aussi du BTC, suit le dossier. Même certains États américains regardent avec intérêt.

Bukele va-t-il vraiment céder ?

C’est la grande question. Nayib Bukele a bâti sa popularité sur son image d’homme fort qui défie les instances internationales. Rappelez-vous ses tweets légendaires, ses apparitions en casquette à l’envers, son discours à l’ONU avec selfie à la clé. Céder sur Chivo serait perçu comme une capitulation.

Et pourtant, le prêt de 1,4 milliard représente une bouffée d’oxygène vitale pour l’économie salvadorienne. Refuser l’accord pourrait entraîner une crise financière majeure. Bukele joue donc un jeu dangereux : faire croire qu’il pourrait tout envoyer valser, tout en négociant en coulisses.

« Les discussions sur le projet Bitcoin se poursuivent et les négociations sur la vente du portefeuille électronique du gouvernement, Chivo, sont bien avancées. »

FMI, décembre 2025

Cette phrase du FMI est révélatrice. “Bien avancées” ne veut pas dire “conclues”. Dans le langage diplomatique, cela peut signifier que les discussions progressent… ou que l’on veut faire pression en laissant croire qu’un accord est proche.

Plusieurs scénarios restent possibles. Une vente effective à une entreprise salvadorienne proche du pouvoir ? Une privatisation partielle conservant un contrôle étatique ? Ou simplement un accord de façade pour débloquer les fonds, suivi d’un retour en force du projet Bitcoin ?

L’expérience Chivo : succès ou échec ?

Pour comprendre l’enjeu émotionnel, il faut revenir sur le parcours de Chivo. Lancé dans l’urgence en septembre 2021, l’application avait connu des débuts chaotiques. Bugs, problèmes de sécurité, adoption timide au départ. Beaucoup prédisaient l’échec.

Mais au fil des années, Chivo a trouvé son public. Surtout dans les zones rurales et parmi les Salvadoriens recevant des remesas (transferts d’argent) depuis l’étranger. Les frais nuls ou très bas ont changé la vie de millions de personnes. Des commerces entiers se sont convertis au Bitcoin grâce à la simplicité de l’outil.

Quelques chiffres marquants de l’expérience Chivo (estimations 2025) :

  • Plus de 4 millions d’utilisateurs enregistrés (sur 6,5 millions d’habitants)
  • Des milliards de dollars en transactions annuelles
  • Réduction drastique des coûts pour les transferts internationaux
  • Des milliers de commerçants acceptant le BTC via Chivo

Abandonner cet outil reviendrait à renoncer à des années d’efforts pour l’inclusion financière. Un retour en arrière difficile à justifier auprès de la population qui a adopté le système.

Et si c’était un bluff magistral ?

Connaissant Nayib Bukele, rien n’est moins sûr que sa capitulation. Le président salvadorien a déjà prouvé sa capacité à jouer avec les nerfs de ses adversaires. Rappelez-vous quand il avait annoncé acheter du Bitcoin lors des baisses les plus violentes, faisant bondir le cours à chaque fois.

La déclaration du FMI pourrait être interprétée comme une tentative de pression publique. En laissant croire que la vente est imminente, l’institution espère peut-être forcer la main de Bukele. Mais ce dernier pourrait très bien laisser traîner les négociations tout en continuant sa stratégie d’accumulation.

Une autre hypothèse : la vente pourrait être structurée de manière à conserver l’essentiel. Par exemple, en confiant Chivo à une fondation ou une entreprise nationale contrôlée indirectement par l’État. Les apparences seraient sauves pour le FMI, tandis que la réalité resterait inchangée.

Ce que cela dit de l’avenir du Bitcoin national

Au-delà du cas salvadorien, cette affaire pose une question fondamentale : un État peut-il vraiment adopter le Bitcoin comme monnaie légale sans entrer en conflit avec le système financier international ?

Le Salvador a montré qu’il était possible de franchir le pas. Mais il a aussi révélé les limites : dépendance aux prêts internationaux, pression des agences de notation, difficulté à attirer certains investissements étrangers.

Si Bukele parvient à conserver l’essentiel de sa stratégie Bitcoin tout en obtenant le prêt du FMI, ce sera une victoire historique. Une preuve que les petits pays peuvent défier l’ordre établi. Dans le cas contraire, l’expérience salvadorienne pourrait être citée comme exemple d’échec par tous les détracteurs des cryptomonnaies.

Quoi qu’il arrive, une chose est sûre : l’histoire du Bitcoin au Salvador est loin d’être terminée. Et le prochain épisode pourrait bien réserver son lot de surprises. Comme toujours avec Nayib Bukele.

(Article mis à jour au 30 décembre 2025 – l’évolution de la situation est à suivre de près dans les prochaines semaines)

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