La tokenisation, qui consiste à représenter des actifs du monde réel sous forme de jetons numériques sur la blockchain, suscite un engouement considérable. Certains analystes prédisent un marché de 10 000 milliards de dollars d’ici 2030. Pourtant, selon le cabinet McKinsey, la réalité pourrait être plus nuancée, avec une capitalisation totale des actifs tokenisés estimée entre 1000 et 4000 milliards de dollars à cet horizon, loin des prévisions les plus optimistes. Quels sont les freins au développement de la tokenisation ?
Un potentiel de transformation mais des défis à surmonter
La tokenisation présente de nombreux avantages : elle pourrait révolutionner le secteur financier, démocratiser l’investissement et réduire les coûts de transaction. Mais comme le souligne McKinsey, cette technologie en est encore à ses balbutiements et doit surmonter plusieurs obstacles pour s’imposer :
- Des volumes d’échanges encore faibles, ne permettant pas d’assurer une liquidité suffisante
- Une double émission sur les plateformes traditionnelles et blockchain, source de complexité et de coûts
- Une perturbation des processus établis de longue date
Prouver la supériorité de la tokenisation
Pour s’imposer, la tokenisation doit démontrer qu’elle est plus avantageuse que les méthodes actuelles. Prenons l’exemple des obligations :
Trois autres défis potentiels méritent d’être discutés :
Moderniser les systèmes financiers
Comme le note McKinsey, la mise à niveau des systèmes utilisés par le secteur des services financiers, dont certains datent de plusieurs décennies, prendra du temps et devra être réalisée avec le plus grand soin, en assurant un minimum d’uniformité.
Un cadre réglementaire à définir
Les régulateurs devront également se prononcer et, comme nous l’avons vu dans le domaine des crypto-actifs, ils peuvent être relativement lents à agir face aux technologies émergentes.
Des blockchains à la hauteur ?
Il faut aussi s’interroger sur la capacité des blockchains à gérer des volumes importants. La scalabilité reste une préoccupation majeure, même si les solutions de Layer 2 commencent à prendre le relais. La fragmentation des blockchains, qui crée des silos incapables de communiquer entre eux, est un autre défi. Les bridges apportent des réponses mais soulèvent des problèmes de sécurité, avec des piratages retentissants ces dernières années.
La patience est de mise
L’argument global de McKinsey est le suivant : la tokenisation est inévitable et ses bénéfices seront considérables. Mais ses partisans perdent de vue que Rome ne s’est pas faite en un jour.
Les technologies grand public (comme Internet, les smartphones et les médias sociaux) et les innovations financières (comme les cartes de crédit et les ETF) connaissent généralement leur croissance la plus rapide (plus de 100 % par an) au cours des cinq premières années suivant leur lancement.
Les premiers acteurs peuvent tirer leur épingle du jeu en créant une plateforme de tokenisation leader. Mais ils s’exposent aussi au risque d’être détrônés par une start-up proposant une technologie plus avancée, réduisant à néant leurs investissements.
En attendant, donnons-nous rendez-vous en 2030. 21.co et McKinsey ne peuvent pas avoir raison tous les deux sur la valeur totale du marché de la tokenisation. En revanche, ils peuvent tous deux se tromper lourdement.