En 2021, El Salvador a marqué l’histoire en devenant le premier pays à adopter le Bitcoin comme monnaie légale. Cette décision audacieuse, portée par le président Nayib Bukele, a suscité l’admiration des amateurs de cryptomonnaies et l’inquiétude des institutions financières internationales. Mais aujourd’hui, une question brûle les lèvres : le pays continue-t-il vraiment d’acheter du Bitcoin quotidiennement, comme il le prétend ? Un récent rapport du Fonds Monétaire International (FMI) met en lumière des contradictions troublantes, révélant une réalité bien différente des annonces officielles.
Le Rêve Bitcoin d’El Salvador : Une Promesse Fragile
L’initiative d’El Salvador d’intégrer le Bitcoin dans son économie nationale a été un pari audacieux. Sous l’impulsion de Nayib Bukele, le pays a non seulement adopté la cryptomonnaie comme moyen de paiement légal, mais a également lancé un programme d’achat quotidien d’un Bitcoin, surnommé le « Daily BTC ». Ce projet ambitieux visait à positionner le pays comme un pionnier dans l’adoption des cryptomonnaies, tout en renforçant ses réserves stratégiques. Mais ce rêve semble aujourd’hui s’effriter sous le poids des engagements internationaux et des critiques croissantes.
L’Accord avec le FMI : Un Tournant Décisif
En février 2025, El Salvador a conclu un accord crucial avec le FMI pour un prêt de 1,4 milliard de dollars. Cet accord, destiné à soutenir l’économie du pays, imposait des conditions strictes : la suppression du statut de monnaie légale du Bitcoin et l’arrêt des achats quotidiens de cryptomonnaie. Selon le FMI, ces mesures étaient nécessaires pour réduire les risques économiques liés à la volatilité du Bitcoin. Pourtant, malgré cet engagement, les autorités salvadoriennes ont continué à proclamer des achats réguliers de Bitcoin, semant la confusion.
Le stock de Bitcoins détenu par le secteur public reste inchangé.
Douglas Pablo Rodríguez Fuentes, Président de la Banque Centrale d’El Salvador
Le rapport du FMI, publié le 15 juillet 2025, apporte un éclairage cinglant. Dans une note en bas de page, il précise que les soi-disant augmentations des réserves de Bitcoin ne sont que des transferts entre portefeuilles contrôlés par le gouvernement, et non de nouveaux achats. Cette révélation contredit directement les déclarations publiques de Nayib Bukele, qui affirmait que le programme « Daily BTC » se poursuivait sans relâche.
Les Déclarations Contradictoires de Nayib Bukele
Nayib Bukele, connu pour son style de communication direct et son usage intensif des réseaux sociaux, a maintenu une posture défiante face au FMI. En mars 2025, il a publié un message provocateur, rejetant les injonctions du FMI et affirmant que les achats de Bitcoin ne s’arrêteraient pas. Cette déclaration a galvanisé les supporters de la cryptomonnaie, mais a également attiré l’attention sur les incohétudes des chiffres avancés par le gouvernement.
Ce n’est pas en avril, ni en juin, ni en décembre que cela s’arrêtera. Si le monde nous a ostracisés, nous ne cèderons pas.
Nayib Bukele, Président d’El Salvador
Ces affirmations ont été remises en question par plusieurs observateurs. Dès 2023, des voix au sein de la communauté crypto, comme l’utilisateur Pledditor, ont pointé du doigt des écarts dans les chiffres des réserves de Bitcoin annoncées par le gouvernement. Selon eux, les données officielles ne correspondaient pas aux achats déclarés, suggérant une possible manipulation des chiffres pour maintenir l’illusion d’une accumulation continue.
Des Réserves de Bitcoin Sous Scrutin
La transparence des réserves de Bitcoin d’El Salvador a toujours été un sujet sensible. En 2023, un article de la BBC avait déjà soulevé des doutes, notant que les estimations des réserves reposaient principalement sur les publications de Nayib Bukele et des captures d’écran du site Nayib Tracker. Ce dernier, censé suivre les achats de Bitcoin du pays, a été critiqué par son propre créateur, Elias Zerrouq, qui a dénoncé l’utilisation de données erronées par le président.
Ce que nous savons sur les réserves de Bitcoin d’El Salvador
- Le gouvernement revendique des achats quotidiens d’un Bitcoin.
- Le FMI affirme que ces « achats » sont des transferts entre portefeuilles.
- Les données de Nayib Tracker, utilisées par Bukele, ont été qualifiées d’erronées par leur créateur.
En juillet 2025, alors que le FMI confirmait l’arrêt des achats de Bitcoin, le Bitcoin Office, une entité officielle salvadorienne, a publié un message annonçant un nouvel achat de Bitcoin. Cette déclaration, non corroborée par Bukele ou d’autres hauts responsables, a ajouté une nouvelle couche de confusion. Pourquoi ces annonces persistent-elles malgré les engagements pris avec le FMI ?
Les Implications Économiques et Politiques
L’adoption du Bitcoin par El Salvador a été un pari risqué, mêlant innovation et controverse. D’un côté, le pays a attiré l’attention des investisseurs crypto et a renforcé son image de pionnier. De l’autre, il s’est heurté à la méfiance des institutions internationales, qui considèrent le Bitcoin comme une source d’instabilité économique. L’accord avec le FMI, bien que bénéfique pour stabiliser les finances du pays, semble avoir mis un frein à cette ambition crypto.
Le prêt de 1,4 milliard de dollars obtenu auprès du FMI a permis de débloquer une première tranche de 118 millions de dollars en juillet 2025. Selon le rapport du FMI, l’économie salvadorienne montre des signes d’amélioration, notamment grâce à une meilleure gestion des finances publiques. Cependant, le retrait du Bitcoin comme monnaie légale et l’arrêt des achats quotidiens marquent un tournant dans la stratégie du pays.
La Communauté Crypto Réagit
La communauté crypto, toujours attentive aux développements au Salvador, a réagi avec un mélange de déception et de suspicion. Des figures comme ForrestHODL ont émis l’hypothèse que le gouvernement pourrait manipuler ses réserves existantes pour simuler des achats, une stratégie qui pourrait maintenir l’illusion d’une accumulation tout en respectant les contraintes du FMI. Ces spéculations, bien que non confirmées, reflètent un manque de confiance dans la transparence des autorités.
Je suis surpris que cela n’ait pas fait plus de bruit. Bukele a utilisé des données erronées, et aucun grand média n’a vérifié.
Elias Zerrouq, Créateur de Nayib Tracker
La crédibilité de Nayib Bukele, autrefois salué comme un visionnaire par les amateurs de Bitcoin, est désormais en jeu. Les critiques soulignent que l’absence de transparence dans la gestion des réserves nuit non seulement à la confiance des investisseurs, mais aussi à l’image du Bitcoin comme outil économique viable.
Quel Avenir pour le Bitcoin au Salvador ?
L’avenir du Bitcoin au Salvador reste incertain. Alors que le pays semble se conformer aux exigences du FMI, les annonces contradictoires continuent de brouiller les pistes. Le programme « Daily BTC », autrefois symbole de l’audace du Salvador, pourrait n’être qu’une façade, maintenue pour des raisons politiques ou pour galvaniser les supporters de Bukele.
Pourtant, l’expérience salvadorienne reste une leçon précieuse pour le monde des cryptomonnaies. Elle montre à la fois le potentiel et les limites de l’adoption d’une cryptomonnaie comme monnaie nationale. Alors que le Bitcoin continue de diviser, entre innovation disruptive et risque économique, le Salvador se trouve à un carrefour : persévérer dans son rêve crypto ou céder aux pressions internationales.
Les enjeux majeurs pour El Salvador
- Transparence : Restaurer la confiance en publiant des données vérifiables sur les réserves de Bitcoin.
- Équilibre économique : Concilier les ambitions crypto avec les exigences des institutions internationales.
- Adoption réelle : Encourager l’utilisation du Bitcoin par les citoyens malgré la suppression de son statut légal.
En conclusion, l’histoire du Bitcoin au Salvador est loin d’être terminée. Entre les promesses audacieuses de Nayib Bukele et les contraintes imposées par le FMI, le pays navigue dans des eaux troubles. Une chose est sûre : les décisions prises dans les mois à venir auront un impact durable, non seulement sur l’économie salvadorienne, mais aussi sur la perception mondiale des cryptomonnaies.
