Imaginez un monde où vous pouvez acheter ou revendre des parts d’un fonds monétaire à 3 heures du matin, un dimanche, en quelques clics et en réglant instantanément en stablecoin. Ce monde n’est plus de la science-fiction : il vient de devenir réalité grâce à Amundi, le leader européen de la gestion d’actifs.
Amundi franchit le Rubicon : la tokenisation est désormais institutionnelle
Le 27 novembre 2025, un communiqué discret mais historique a secoué le petit monde de la finance : Amundi a officiellement mis en ligne la version tokenisée de son fonds phare Amundi Funds Cash EUR, un monétaire de 5,57 milliards d’euros investi dans des obligations d’État européennes à court terme.
Ce n’est pas un simple test en sandbox. C’est une offre commerciale réelle, hybride, qui coexiste avec la version traditionnelle du fonds. Les investisseurs institutionnels peuvent désormais choisir : parts classiques ou tokens ERC-20 sur la blockchain Ethereum publique.
Une stratégie délibérément hybride
Amundi n’a pas choisi la rupture. L’entreprise a opté pour l’intelligence : compléter l’existant plutôt que le remplacer.
« La tokenisation des actifs est une transformation qui va s’accélérer dans les années à venir à travers le monde. Cette première initiative témoigne de notre expertise dans la mise en œuvre de cas d’usage concrets. »
Jean-Jacques Barbéris, responsable des clients institutionnels chez Amundi
Concrètement, le fonds continue d’être géré exactement comme avant. Seule nouveauté : une classe d’actions parallèle émet des tokens sur Ethereum. Le registre traditionnel reste la source de vérité, mais chaque mouvement est dupliqué on-chain pour garantir traçabilité totale.
CACEIS, le bras armé technologique du Crédit Agricole
Derrière cette prouesse technique se cache CACEIS, filiale du Crédit Agricole et conservateur du fonds. L’établissement a développé une plateforme permettant des souscriptions et rachats 24h/24 et 7j/7 directement sur la blockchain.
Les promesses de cette infrastructure :
- Souscription instantanée en stablecoins ou futur CBDC euro
- Règlement en quelques secondes au lieu de T+2 ou T+3
- Conservation sécurisée des tokens par un acteur régulé
- Compatibilité totale avec les systèmes legacy
Jean-Pierre Michalowski, PDG de CACEIS, n’y va pas par quatre chemins :
« Il s’agit d’une étape décisive vers la réalisation de notre objectif : proposer des services de souscription et d’achat 24h/24 et 7j/7 pour les parts de fonds d’investissement payables en monnaies numériques.
Pourquoi Ethereum et pas une blockchain privée ?
C’est LA question que tout le secteur se pose. Alors que BlackRock, Fidelity ou Société Générale expérimentent souvent sur des sidechains ou permissioned ledgers, Amundi a choisi la blockchain publique Ethereum.
La réponse est double :
- Transparence absolue : chaque transaction est vérifiable publiquement
- Effet réseau : Ethereum reste la référence pour les institutionnels qui veulent interopérer avec DeFi, stablecoins et futurs CBDC
Le message est clair : la blockchain publique n’est plus un terrain de jeu pour crypto-anarchistes. Elle devient l’infrastructure de référence des plus grands acteurs financiers.
Un marché RWA qui explose
Le timing n’est pas anodin. Le marché des Real World Assets (RWA) tokenisés est passé de 15,2 milliards de dollars début 2025 à plus de 37 milliards aujourd’hui.
Et la courbe s’emballe :
- BlackRock a lancé BUIDL (2 milliards $ tokenisés sur Ethereum)
- Franklin Templeton a son fonds BENJI sur Stellar et Polygon
- Société Générale a émis des obligations tokenisées depuis 2019
- Goldman Sachs et HSBC testent activement
Mais Amundi marque un point décisif : c’est le premier gestionnaire d’actifs européen à tokeniser un fonds monétaire existant de cette taille sur Ethereum public.
Ce que ça change concrètement pour les investisseurs
Pour l’instant, l’accès reste réservé aux clients institutionnels et professionnels. Mais les implications sont immenses :
Avantages immédiats :
- Liquidité 24/7 (plus de coupure le week-end)
- Règlement instantané
- Possibilité d’utiliser les parts comme collatéral en DeFi
- Traçabilité publique irréversible
- Programmabilité (smart contracts)
À terme, quand les CBDC euro arriveront, vous pourrez littéralement échanger vos parts de fonds monétaire contre de la monnaie digitale de banque centrale en quelques secondes. Sans intermédiaire. Sans délai.
Vers une adoption massive en Europe
L’Europe a pris une longueur d’avance réglementaire avec le règlement pilote DLT en 2023, puis MiCA en 2024. Résultat : le vieux continent devient le terrain de jeu favori des expérimentations institutionnelles.
Les analystes s’accordent : 2026 sera l’année du décollage massif des fonds tokenisés réglementés.
Amundi ne s’en cache pas :
« Amundi poursuivra et développera ses initiatives de tokenisation afin d’en faire bénéficier ses clients en France et à l’international. »
Traduction : ce n’est que le premier d’une longue série.
Et pour le grand public ?
Pour l’instant, les particuliers restent à l’écart. Mais le chemin est tracé.
Quand les plateformes comme Binance, Kraken ou Coinbase intégreront nativement ces fonds tokenisés réglementés (et elles le feront), n’importe qui pourra détenir des parts d’un fonds géré par Amundi dans son wallet, à côté de ses bitcoins ou ses ethers.
On passe d’un monde où la finance traditionnelle et la crypto étaient deux univers parallèles à un monde où elles fusionnent totalement.
Conclusion : le point de non-retour est franchi
Le lancement d’Amundi n’est pas une anecdote. C’est un signal fort envoyé à toute l’industrie : la tokenisation n’est plus une option. C’est la nouvelle norme qui s’impose.
Les barrières entre TradFi et DeFi tombent une à une. Et cette fois, c’est le plus gros acteur européen qui montre la voie.
La question n’est plus de savoir SI la finance traditionnelle va adopter la blockchain.
La question est : qui sera le prochain ?
