Imaginez un État américain qui décide, un beau matin, de placer une partie de son trésor public dans du Bitcoin. Pas à travers un fonds de pension ou un détour compliqué, mais directement, comme on achète de l’or. Ce n’est plus de la science-fiction : le Texas vient de franchir le pas.
Le 26 novembre 2025, l’information est tombée presque discrètement dans les fils crypto : le Lone Star State a acquis pour 5 millions de dollars de parts de l’iShares Bitcoin Trust de BlackRock. Un premier mouvement concret qui marque le début d’une réserve stratégique Bitcoin au niveau d’un État américain.
Le Texas devient pionnier d’une nouvelle ère crypto-gouvernementale
Derrière cette opération apparemment anodine se cache une ambition bien plus vaste. La législature texane a voté plus tôt dans l’année une enveloppe de 10 millions de dollars dédiée à l’accumulation de Bitcoin. L’achat via l’ETF BlackRock n’est qu’une solution temporaire, le temps de finaliser les contrats de garde et les procédures de sécurité pour détenir du BTC en direct.
Lee Bratcher, président du Texas Blockchain Council, a confirmé publiquement l’opération la semaine dernière. Pour lui, c’est historique : « Le Texas pose les bases du premier véritable réserve stratégique Bitcoin d’un État américain ».
« Nous ne parlons plus de spéculer sur le prix. Nous parlons de souveraineté numérique et de protection contre l’inflation monétaire. »
Lee Bratcher, Texas Blockchain Council
Comment tout a commencé
Retour en septembre 2025. Le Texas Comptroller’s Office publie un « Request for Information » auprès de l’industrie crypto. Objectif : recueillir les meilleures pratiques pour structurer, sécuriser et gérer une réserve Bitcoin d’État.
Des dizaines d’acteurs – custodians institutionnels, exchanges, cabinets d’audit – répondent. On y parle cold storage multisig, proof of reserves en temps réel, gouvernance décentralisée, assurances Lloyd’s… Tout l’arsenal que les institutions utilisent déjà, mais cette fois pour un gouvernement.
Fin novembre, la phase d’étude est terminée. Le Texas passe à l’action avec cette première allocation de 5 millions via l’ETF BlackRock – le moyen le plus rapide et le plus légal en attendant la mise en place du custodian officiel.
Pourquoi le Texas fait ça (et pourquoi maintenant)
Le Texas n’a pas attendu 2025 pour aimer le Bitcoin. Depuis 2021, l’État a tout fait pour attirer les mineurs : électricité bon marché, régulation favorable, discours pro-innovation. Résultat ? Près de 40 % de la puissance de minage américaine se trouve aujourd’hui au Texas.
Maintenant, l’État passe à l’étape supérieure : devenir lui-même détenteur. Les motivations sont multiples.
Les principales raisons de cette réserve Bitcoin texane :
- Protection contre l’inflation et la dévaluation du dollar
- Diversification des réserves de l’État (actuellement 95 % en obligations et cash)
- Positionnement stratégique dans la course mondiale aux actifs numériques
- Signal fort envoyé aux entreprises crypto : « Ici, vous êtes chez vous »
- Préparation à un éventuel standard Bitcoin (comme El Salvador, mais en version américaine)
Les autres États ne dorment pas
Le mouvement texan fait des émules. Plusieurs États ont déjà franchi des étapes similaires, avec des approches différentes.
- New Hampshire : loi votée autorisant une réserve Bitcoin, émission d’une obligation Bitcoin de 100 millions via le secteur privé
- Arizona : tout crypto saisi ou abandonné ira automatiquement dans une réserve d’État
- Michigan : exposition via les fonds de pension des fonctionnaires
- Wisconsin : avait 350 millions en ETF Bitcoin… mais a tout vendu en mai 2025
Le Texas se distingue par la volonté claire de détenir du Bitcoin en direct, et non pas seulement via des produits dérivés.
Et au niveau fédéral ?
L’élection de Donald Trump a tout changé. Dès son retour à la Maison Blanche, un executive order a été signé pour étudier la création d’une réserve stratégique Bitcoin nationale. Des sources internes indiquent que l’administration attend maintenant l’autorisation du Congrès.
Le Texas, en agissant le premier, met la pression : si un État peut le faire seul, pourquoi pas le pays entier ?
« Les États deviennent des laboratoires d’innovation crypto, exactement comme la Constitution l’a prévu. »
Un sénateur républicain anonyme
Ce que ça change concrètement pour le marché
L’impact est loin d’être symbolique. Quand un État commence à accumuler du Bitcoin, cela crée une demande structurelle, permanente, insensible au prix. C’est exactement ce que recherchent les bitcoiners depuis des années : un acheteur qui ne vendra jamais.
À court terme, les 5 millions via BlackRock sont une goutte d’eau. Mais si le Texas passe à 50, 100, 500 millions… et si d’autres États suivent… on parle rapidement de milliards de dollars de demande nouvelle.
Les questions qui restent en suspens
Tout n’est pas encore réglé. Plusieurs points cruciaux devront être clarifiés dans les prochains mois.
- Quel custodian sera choisi ? (Coinbase Custody, Fidelity Digital Assets, Anchorage ?)
- Quelle clé privée pour l’État ? Multisig avec des officiels ? Proof of reserves public ?
- Le Bitcoin sera-t-il considéré comme une réserve de valeur ou comme un actif spéculatif ?
- Comment réagiront les agences de notation (Moody’s, S&P) face à cette exposition ?
- Et surtout : est-ce que d’autres grandes économies (Californie, Floride, New York) vont suivre ?
Une chose est sûre : le Texas vient d’ouvrir une brèche. Ce qui était impensable il y a encore deux ans – un gouvernement américain détenant du Bitcoin comme réserve de valeur – devient réalité sous nos yeux.
Le Lone Star State, déjà leader du minage, pourrait bien devenir le premier « Bitcoin State » au sens propre. Et si c’était le début d’une nouvelle ruée vers l’or numérique… mais cette fois, menée par les États eux-mêmes ?
À suivre de très près.
