Alors que l’Union Européenne vient de franchir une étape majeure dans la réglementation des crypto-actifs avec l’entrée en vigueur du règlement MiCA, de nombreux regards se tournent désormais vers les États-Unis. Quelle approche la première puissance mondiale va-t-elle adopter, en particulier concernant les stablecoins, ces jetons adossés à des monnaies traditionnelles ? Si un consensus semble se dégager sur la nécessité de réguler, la forme exacte que prendront ces règles reste encore à définir, dans un contexte politique et économique particulier.
MiCA met la pression sur les régulateurs américains
Le 30 juin dernier, les dispositions de MiCA concernant spécifiquement les stablecoins sont entrées en application dans les 27 pays membres de l’UE. Circle, l’émetteur de l’USDC, a d’ailleurs été le premier à obtenir un agrément sous ce nouveau régime. Une avancée notable qui place l’Europe comme précurseur en matière d’encadrement des crypto-monnaies. Mais qu’en est-il outre-Atlantique ?
Pour Anastasija Plotnikova, CEO de Fideum, les États-Unis ont un avantage certain : celui de ne pas avoir à se coordonner entre plusieurs États membres aux intérêts parfois divergents. Mais cela ne signifie pas pour autant que la tâche sera aisée. Des débats intenses sont à prévoir sur le périmètre et les exigences applicables aux émetteurs de stablecoins.
Eneko Knörr, fondateur de Stabolut, pense lui que tout dépendra fortement de l’issue des prochaines élections présidentielles et des choix politiques qui en découleront. Les États-Unis pourront “soit embrasser la révolution crypto, soit prendre le risque de prendre du retard dans la compétition mondiale”. Il souligne notamment le contraste entre la position pro-crypto de Donald Trump et l’approche plus prudente de Joe Biden.
Un équilibre délicat entre supervision et innovation
Si Plotnikova et Knörr s’accordent à dire que les règles européennes sur les stablecoins ne sont pas idéales, ils estiment que les États-Unis devraient adopter une approche différente. L’enjeu : trouver le juste équilibre entre une supervision robuste et le maintien d’un environnement propice à l’innovation. Un exercice périlleux.
L’histoire nous a cependant montré qu’un pays qui surréglemente étouffe l’innovation et pousse les talents et les investissements à aller ailleurs.
Ces derniers mois, la question de la réglementation des stablecoins a fait l’objet d’intenses discussions au Congrès. Des élus comme Maxine Waters, Patrick McHenry ou encore French Hill se sont attelés à rechercher un consensus. L’ancien président de la Chambre des représentants Paul Ryan a même suggéré qu’une loi sur les stablecoins pourrait aider à atténuer les inquiétudes liées à la dette américaine, en dopant la demande de bons du Trésor.
Les stablecoins, une solution à la dette ?
Une idée séduisante, mais qui a ses limites selon Plotnikova. Pour elle, la crise de la dette américaine, qui dépasse désormais les 34 000 milliards de dollars, “a dépassé le point où des entités privées peuvent simplement la résoudre”. Knörr est plus nuancé. S’il reconnaît que cela ne réglera pas totalement le problème, il juge qu’une augmentation des achats de bons du Trésor “pourrait être très bénéfique pour les États-Unis”.
L’avenir réglementaire des stablecoins aux États-Unis reste donc encore flou à ce stade. Mais une chose est sûre : les prochains mois, rythmés par la campagne présidentielle, seront déterminants. Selon Plotnikova, “j’ai bien peur que les réglementations crypto ne soient reléguées au second plan jusqu’à 2025”, sauf à ce que des “législations précipitées” soient adoptées dans les prochaines semaines.
Quoi qu’il en soit, il apparaît évident que les États-Unis devront, tôt ou tard, trancher sur le cadre applicable à ces actifs qui prennent une place croissante dans l’écosystème crypto. Un cadre qui, espérons-le, saura conjuguer protection des utilisateurs et liberté d’innover. Le monde entier aura les yeux rivés sur Washington.