Imaginez un monde où payer en euros sur la blockchain devient aussi simple et rapide qu’envoyer un message WhatsApp, mais avec la garantie d’une banque derrière chaque centime. Ce monde n’est plus une utopie : il arrive en 2026, porté par dix des plus grandes banques du continent.
Le 3 décembre 2025, BNP Paribas a officiellement annoncé rejoindre le projet Qivalis. Derrière ce nom encore peu connu se cache l’une des initiatives les plus ambitieuses jamais lancées par la finance traditionnelle européenne : un stablecoin adossé à l’euro, entièrement conforme au règlement MiCA, et pensé pour concurrencer directement Tether et Circle.
Qivalis : quand les banques passent à l’offensive
Amsterdam, siège choisi pour cette nouvelle entité. Dix établissements bancaires de premier plan – dont ING, UniCredit, CaixaBank, Société Générale et désormais BNP Paribas – ont décidé de ne plus regarder le train des stablecoins passer. Elles montent dedans, et elles veulent le conduire.
Le calendrier est clair : demande de licence de monnaie électronique déjà déposée auprès de la Banque centrale néerlandaise, tests intensifs en 2026, lancement commercial prévu pour la seconde moitié de l’année prochaine. Le nom du stablecoin n’est pas encore public, mais son ambition l’est : devenir l’alternative européenne crédible aux géants du dollar numérique.
« Un stablecoin natif en euro n’est pas seulement une question de commodité, mais d’autonomie monétaire à l’ère numérique. »
Jan-Oliver Sell, PDG de Qivalis
Pourquoi maintenant ?
La réponse tient en trois lettres : MiCA. Le règlement européen Markets in Crypto-Assets, entré en vigueur progressivement depuis 2024, offre enfin un cadre juridique clair pour émettre des stablecoins dans l’Union. Avant, c’était la jungle réglementaire. Aujourd’hui, c’est une autoroute balisée.
Les banques l’ont bien compris : celui qui prendra la pole position sur le marché des euros tokenisés risque de dominer les paiements transfrontaliers, la DeFi européenne, et même les échanges inter-entreprises pendant des décennies.
Le marché des stablecoins en quelques chiffres choc (décembre 2025) :
- Capitalisation totale : près de 300 milliards de dollars
- Part des stablecoins en euro : moins de 2 %
- USDT + USDC : plus de 92 % du marché
- Volume quotidien moyen : 120 milliards de dollars
- Europe : 4e continent le plus actif… mais presque exclusivement en dollar numérique
Les dix mousquetaires de l’euro tokenisé
À l’heure actuelle, le consortium Qivalis regroupe :
- BNP Paribas (France)
- ING (Pays-Bas)
- UniCredit (Italie)
- CaixaBank (Espagne)
- Société Générale (France)
- ABN AMRO (Pays-Bas)
- Crédit Agricole (France)
- Santander (Espagne)
- Et deux autres établissements encore non communiqués publiquement
Cette liste représente plus de 30 % des actifs bancaires de la zone euro. Autant dire que quand ces géants bougent, le sol tremble.
Les vraies raisons derrière ce projet titanesque
Derrière les discours officiels sur « l’innovation au service du client », trois motivations bien plus stratégiques se dessinent.
1. La peur de l’euro numérique de la BCE
La Banque centrale européenne avance à grands pas sur son euro numérique. Les dernières déclarations laissent entendre un lancement possible dès 2028-2029. Les banques commerciales craignent d’être reléguées au rang de simples sous-traitants techniques. En lançant leur propre stablecoin privé, elles gardent la main sur la relation client et les données.
2. La défense de la souveraineté monétaire
Quand une entreprise française paie un fournisseur allemand en USDC, une partie de la valeur créée en Europe file vers des réserves américaines. À grande échelle, cela pose un problème de balance des paiements et de dépendance géopolitique. Qivalis veut inverser la tendance.
3. Les marges colossales du paiement instantané
Les virements SEPA actuels coûtent entre 0,5 % et 3 %. Un transfert en stablecoin ? Quelques centimes, quelle que soit la somme. Les banques savent que les entreprises sont prêtes à payer cher pour de la rapidité et de la prévisibilité. Elles veulent leur part du gâteau avant que Revolut, Wise ou les plateformes DeFi ne raflent tout.
Ce que ce stablecoin va changer concrètement
Pour le citoyen lambda, l’impact sera d’abord invisible… puis soudain massif.
- Salaires versés directement en euros tokenisés (et immédiatement disponibles 24/7)
- Paiements transfrontaliers en quelques secondes sans frais exorbitants
- Intégration native dans Apple Pay, Google Pay et les wallets crypto
- Possibilité d’utiliser la DeFi européenne sans jamais toucher au dollar
- Programmabilité (paiements automatiques, escrow, streaming de salaire…)
Pour les entreprises, c’est encore plus révolutionnaire : trésorerie tokenisée, règlements instantanés avec les fournisseurs, réduction drastique des frais de change. Certains analystes estiment que le simple fait de remplacer 10 % des paiements B2B actuels par ce stablecoin générerait plusieurs dizaines de milliards d’euros d’économies par an.
Les défis techniques et réglementaires
Tout n’est pas encore gagné. Plusieurs obstacles majeurs restent à franchir.
Les quatre grands défis de Qivalis :
- Obtenir la licence monnaie électronique (priorité absolue)
- Choisir la blockchain (Ethereum ? Polygon ? Une solution privée ?)
- Convaincre les régulateurs nationaux (certains, comme l’Allemagne, restent méfiants)
- Créer l’interopérabilité avec l’euro numérique de la BCE (futur obligatoire)
Et la concurrence dans tout ça ?
Qivalis n’arrive pas dans un désert. D’autres projets existent déjà :
- Société Générale a déjà son EUR CoinVertible (mais sur Ethereum et peu utilisé)
- Circle prépare l’EURC version MiCA-compliant
- Stasis, Membrane Finance ou encore Eurite proposent déjà des euros tokenisés
Mais aucun n’a le poids politique et financier du consortium Qivalis. Quand dix des plus grandes banques se mettent ensemble, les autres acteurs risquent de se retrouver relégués au rang de solutions de niche.
Ce que cela signifie pour vous, investisseur crypto
À court terme : probablement peu de choses. À moyen terme : potentiellement énorme.
L’arrivée d’un stablecoin bancaire en euro légitime va :
- Augmenter massivement l’adoption institutionnelle en Europe
- Faire grimper la demande pour les infrastructures blockchain européennes
- Créer un cercle vertueux pour la DeFi locale
- Et, cerise sur le gâteau, réduire la prime dollar qui pèse actuellement sur le marché crypto européen
Certains analystes parlent déjà d’un « moment Sputnik » pour la blockchain européenne.
Conclusion : 2026, l’année de tous les tournants
Entre l’euro numérique de la BCE, le lancement de Qivalis, l’explosion attendue de la tokenisation d’actifs réels et la maturation du règlement MiCA, 2026 s’annonce comme l’année où l’Europe passera enfin de spectatrice à actrice majeure de la révolution blockchain.
Les banques traditionnelles, longtemps moquées par la communauté crypto, viennent de jouer leur carte maîtresse. Elles ne veulent plus subir la finance décentralisée : elles veulent la dompter.
Et quelque part, Satoshi doit sourire : même les banquiers finissent par comprendre que le futur de l’argent est numérique, décentralisé… et inarrêtable.
2026 approche. Préparez vos wallets.
