Imaginez un instant : vous êtes à Séoul, au cœur d’un quartier financier où les écrans géants affichent des cours de cryptomonnaies en temps réel. La Corée du Sud, connue pour son dynamisme technologique, est sur le point de franchir une étape majeure dans l’univers des actifs numériques. En juin 2025, les régulateurs sud-coréens ont dévoilé un plan ambitieux pour introduire des ETF crypto et réguler les stablecoins, une initiative qui pourrait redessiner le paysage financier du pays. Ce projet, porté par la Financial Services Commission (FSC), vise à moderniser le marché local tout en s’alignant sur les standards mondiaux. Mais qu’implique vraiment ce plan, et pourquoi suscite-t-il autant d’enthousiasme ? Plongeons dans cette révolution en cours.
Un Tournant pour le Marché Crypto Sud-Coréen
La Corée du Sud a toujours été un acteur clé dans l’adoption des cryptomonnaies. Avec plus de 6 millions d’utilisateurs de crypto en 2023, le pays se classe parmi les leaders mondiaux en termes de volume d’échanges. Cependant, des restrictions réglementaires strictes, comme l’interdiction des ETF crypto depuis 2017, ont freiné l’intégration des actifs numériques dans le système financier traditionnel. Aujourd’hui, les régulateurs semblent prêts à lever ces barrières, portés par une vague mondiale d’adoption des ETF crypto, notamment aux États-Unis et à Hong Kong.
Les ETF crypto pourraient transformer la Corée du Sud en un hub financier numérique, attirant à la fois les investisseurs locaux et internationaux.
Kim Byung-hwan, Président de la FSC
Ce changement d’approche s’inscrit dans un contexte politique favorable. Le président nouvellement élu, Lee Jae-myung, a fait campagne sur des promesses de libéralisation du marché crypto, notamment en légalisant les ETF basés sur des actifs numériques. Ce projet, détaillé dans un rapport soumis au Comité présidentiel de planification des politiques, vise à positionner la Corée du Sud comme un leader régional dans l’innovation financière. Mais comment ce plan se concrétisera-t-il ?
Les ETF Crypto : Une Porte vers l’Investissement Institutionnel
Les ETF (Exchange-Traded Funds) sont des fonds négociés en bourse qui permettent aux investisseurs d’acheter des parts d’un panier d’actifs, comme le Bitcoin ou l’Ethereum, sans détenir directement les cryptomonnaies. En Corée du Sud, l’introduction de ces produits financiers pourrait ouvrir la voie à une participation accrue des investisseurs institutionnels, jusqu’ici freinés par des régulations strictes. Le plan de la FSC, prévu pour le second semestre 2025, repose sur trois piliers principaux :
Les bases du plan ETF de la FSC :
- Création d’une infrastructure légale pour structurer et gérer les ETF crypto.
- Mise en place de mesures de protection des investisseurs, comme des règles de garde et de tarification.
- Alignement avec les normes internationales pour attirer les capitaux étrangers.
Cette initiative répond à une demande croissante du marché local. Par exemple, la plateforme d’échange Upbit, qui domine 80 % du volume des transactions crypto en Corée du Sud, pourrait bénéficier d’une augmentation de la liquidité grâce à l’arrivée des ETF. De plus, en réduisant le phénomène du Kimchi Premium – la surcote des prix des cryptomonnaies en Corée par rapport aux marchés mondiaux – les ETF pourraient stabiliser le marché local.
Régulation des Stablecoins : Un Équilibre Délicat
Parallèlement aux ETF, la FSC travaille à la régulation des stablecoins, ces cryptomonnaies indexées sur des actifs stables comme le won coréen ou le dollar américain. Les stablecoins sont devenus essentiels dans les échanges crypto, représentant près de 50 % des sorties de capitaux crypto en Corée du Sud au premier trimestre 2025. Cependant, leur adoption massive soulève des préoccupations, notamment sur la demande accrue en dollars et les risques systémiques.
Les stablecoins doivent être régulés pour protéger les utilisateurs tout en favorisant l’innovation responsable.
Banque de Corée
Pour répondre à ces défis, la FSC propose une législation spécifique, intégrée dans le Digital Asset Basic Act. Cette loi exigera des émetteurs de stablecoins un capital minimum de 50 millions de wons (environ 36 800 dollars) et une approbation préalable de la FSC. L’objectif est double : réduire les risques financiers tout en alignant les règles sud-coréennes sur les standards internationaux, comme ceux appliqués à Hong Kong ou à Singapour.
Réformer les Frais d’Échange : Une Mesure pour les Jeunes Traders
Un autre aspect clé du plan est la révision des frais de transaction imposés par les plateformes d’échange comme Upbit, Bithumb et Coinone. Actuellement, les frais moyens s’élèvent à 0,05 %, un taux jugé élevé par les jeunes traders, qui représentent une part importante des utilisateurs crypto en Corée du Sud. La FSC envisage de ramener ces frais à environ 0,015 %, tout en imposant une transparence accrue sur leur structure.
Pourquoi réduire les frais d’échange ?
- Encourager la participation des jeunes investisseurs, souvent freinés par des coûts élevés.
- Renforcer la compétitivité des plateformes sud-coréennes face aux marchés étrangers.
- Améliorer la transparence pour éviter les pratiques abusives.
Cette mesure s’inscrit dans la volonté du président Lee de démocratiser l’accès aux cryptomonnaies. En rendant les transactions plus abordables, la Corée du Sud espère attirer une nouvelle vague d’investisseurs, tout en renforçant la confiance dans ses plateformes d’échange.
Un Contexte Politique et Économique Favorable
Le plan de la FSC ne sort pas de nulle part. Il s’appuie sur une dynamique politique initiée par la victoire de Lee Jae-myung, dont la campagne a mis l’accent sur l’innovation technologique et l’intégration des cryptomonnaies dans l’économie nationale. De plus, la nomination de Kim Yong-beom, ancien PDG de Hashed, au poste de chef du Bureau présidentiel des politiques, envoie un signal fort en faveur d’une politique pro-crypto.
La Corée du Sud doit saisir cette opportunité pour ne pas être distancée par les autres nations financières.
Jeong Eun-bo, Président de la Korea Exchange
Ce soutien politique s’accompagne d’une pression croissante de la part des acteurs du marché. Par exemple, le président de la Korea Exchange, Jeong Eun-bo, a appelé à plusieurs reprises à l’approbation des ETF crypto pour revitaliser un marché boursier en difficulté, marqué par une chute de 15 % de l’indice KOSPI en 2024. En intégrant les cryptomonnaies dans le système financier, la Corée du Sud espère attirer les investisseurs étrangers qui ont fui le marché après les turbulences politiques de fin 2024.
Les Défis à Relever
Malgré l’enthousiasme, plusieurs obstacles subsistent. Tout d’abord, la FSC insiste sur le fait que le plan n’est pas encore finalisé, ce qui laisse planer une incertitude sur son calendrier exact. Ensuite, la régulation des cryptomonnaies reste un sujet sensible, notamment en raison des risques de blanchiment d’argent et de manipulation de marché. Enfin, la domination d’Upbit sur le marché local, avec 80 % des volumes d’échange, soulève des inquiétudes quant à un possible monopole.
Les principaux défis du plan :
- Finaliser une réglementation équilibrée entre innovation et protection des investisseurs.
- Réduire la dépendance vis-à-vis d’Upbit pour diversifier le marché.
- Prévenir les risques financiers liés aux stablecoins et aux ETF.
Pour surmonter ces défis, la FSC a créé un Comité des actifs virtuels, chargé d’évaluer les politiques liées aux cryptomonnaies et de proposer des solutions adaptées. Ce comité jouera un rôle clé dans la mise en œuvre du plan, en collaborant avec les institutions financières et les plateformes d’échange.
Un Modèle Inspiré des Leaders Mondiaux
La Corée du Sud ne part pas de zéro. Elle s’inspire des succès d’autres marchés, notamment les États-Unis, où les ETF Bitcoin et Ethereum ont attiré 12,5 milliards de dollars de flux nets depuis leur approbation en 2024. Hong Kong, qui a lancé ses propres ETF crypto en 2024, sert également de modèle pour les régulateurs sud-coréens. Ces exemples montrent qu’une réglementation bien conçue peut stimuler l’adoption institutionnelle tout en protégeant les investisseurs.
En parallèle, la Corée du Sud observe de près les évolutions au Japon, où la Financial Services Agency (FSA) envisage également d’approuver des ETF crypto d’ici 2026. Cette concurrence régionale pousse Séoul à accélérer ses réformes pour ne pas perdre sa place de leader technologique en Asie.
Quel Impact pour les Investisseurs ?
Pour les investisseurs sud-coréens, l’introduction des ETF crypto pourrait changer la donne. Ces produits offrent une alternative plus sûre et régulée aux achats directs de cryptomonnaies, souvent perçus comme risqués. De plus, les ETF permettraient aux investisseurs institutionnels, comme les fonds de pension, de s’exposer aux actifs numériques sans enfreindre les régulations actuelles.
Avantages des ETF crypto pour les investisseurs :
- Accès simplifié aux cryptomonnaies via des bourses traditionnelles.
- Réduction des risques grâce à une régulation stricte.
- Potentiel de rendements élevés dans un marché en croissance.
Pour les jeunes traders, qui forment une part importante de la communauté crypto sud-coréenne, la baisse des frais d’échange et l’introduction des ETF pourraient rendre le marché plus accessible et attrayant. Cela pourrait également encourager une adoption plus large des cryptomonnaies dans la vie quotidienne, notamment via les stablecoins.
Vers une Nouvelle Ère pour la Corée du Sud
Le plan de la FSC marque un tournant décisif pour la Corée du Sud. En combinant l’approbation des ETF crypto, la régulation des stablecoins et la réforme des frais d’échange, le pays cherche à créer un écosystème financier numérique robuste et compétitif. Cependant, le succès de cette initiative dépendra de la capacité des régulateurs à trouver un équilibre entre innovation et sécurité.
Ce plan est une chance pour la Corée du Sud de devenir un leader mondial des actifs numériques.
Lee Jae-myung, Président de la Corée du Sud
Alors que le monde observe avec intérêt, la Corée du Sud se prépare à écrire un nouveau chapitre de son histoire financière. Les mois à venir seront cruciaux pour déterminer si ce plan audacieux portera ses fruits, mais une chose est sûre : le pays est prêt à embrasser pleinement la révolution crypto.