Imaginez un empire bâti sur des promesses mirobolantes qui s’effondre en quelques jours, emportant avec lui des milliards de dollars appartenant à des millions d’utilisateurs. C’est exactement ce qui est arrivé avec FTX en novembre 2022. Trois ans plus tard, en cette fin décembre 2025, les répliques du séisme continuent de secouer le monde des cryptomonnaies. La SEC, jamais rassasiée, vient de frapper un nouveau coup contre les anciens proches de Sam Bankman-Fried.
La SEC poursuit son offensive contre les cadres de FTX
Sam Bankman-Fried purge déjà une lourde peine de 20 ans de prison pour fraude massive et complot. Mais pour la Securities and Exchange Commission, cela ne suffit apparently pas. L’autorité américaine de régulation des marchés financiers veut s’assurer que ses anciens complices ne puissent plus jamais occuper de postes à responsabilité dans le monde des affaires.
Caroline Ellison, Gary Wang et Nishad Singh, trois figures clés de l’ancien empire FTX, sont désormais dans le viseur. Ces anciens dirigeants ont pourtant déjà été condamnés à des peines de prison ferme pour leur rôle dans l’une des plus grandes fraudes de l’histoire des cryptomonnaies. Pourquoi la SEC s’acharne-t-elle encore ?
Une requête pour des interdictions définitives
Le 20 décembre 2025, la SEC a déposé une nouvelle motion auprès du tribunal fédéral. L’objectif est clair : obtenir des jugements définitifs interdisant à ces trois individus d’occuper des postes de dirigeant ou d’administrateur dans toute entreprise cotée en bourse, et ce pour de nombreuses années.
Concrètement, le régulateur demande une interdiction de 10 ans pour Caroline Ellison et de 8 ans pour Gary Wang et Nishad Singh. Ces mesures s’ajouteraient aux peines pénales déjà prononcées par la justice américaine dans le cadre des poursuites criminelles menées par le Department of Justice.
Bankman-Fried, Wang et Singh, avec la connaissance et le consentement d’Ellison, ont exempté Alameda des mesures d’atténuation des risques et ont fourni à Alameda une ligne de crédit virtuellement illimitée financée par les clients de FTX.
Extrait de la plainte de la SEC
Cette citation tirée des documents officiels rappelle le cœur du scandale : l’utilisation abusive des fonds des clients de FTX pour financer les opérations spéculatives d’Alameda Research, la société de trading sœur fondée par SBF.
Qui sont ces lieutenants de Sam Bankman-Fried ?
Pour comprendre l’ampleur de cette affaire, il est essentiel de revenir sur le rôle précis de chacun de ces acteurs dans l’effondrement de FTX.
Caroline Ellison était la directrice générale d’Alameda Research. Ancienne petite amie de Sam Bankman-Fried, elle a joué un rôle central dans la gestion des fonds détournés. Elle a notamment admis avoir falsifié des bilans comptables pour tromper les prêteurs et investisseurs.
Gary Wang, cofondateur et directeur technique de FTX, est celui qui a conçu la fameuse “porte dérobée” logicielle. Ce code secret permettait à Alameda de puiser sans limite dans les dépôts des clients de la plateforme d’échange.
Nishad Singh, ingénieur en chef chez FTX, a quant à lui contribué au transfert illégal de fonds et orchestré des donations politiques massives financées par l’argent détourné. Ces contributions visaient à influencer la régulation en faveur des cryptomonnaies.
Rappel des peines déjà prononcées :
- Caroline Ellison : 2 ans et demi de prison (juillet 2024)
- Gary Wang : 3 ans de prison (août 2024)
- Nishad Singh : 4 ans de prison (septembre 2024)
- Sam Bankman-Fried : 20 ans de prison
Ces condamnations pénales sont venues après que les trois cadres ont choisi de coopérer avec la justice, témoignant contre leur ancien patron en échange de peines réduites.
Une capitulation sans combat
Face à cette nouvelle offensive civile de la SEC, les trois anciens dirigeants ont surpris en choisissant de ne pas résister. Ils ont formellement consenti aux jugements proposés, sans même nier les allégations portées contre eux.
Cet accord, sous réserve d’approbation du juge, les soumet à des interdictions permanentes de violer les dispositions antifraude des lois sur les valeurs mobilières. Plus concrètement, ils acceptent de se voir bannis du monde des directions d’entreprises pendant 8 à 10 ans après leur sortie de prison.
Cette décision marque une différence notable avec Sam Bankman-Fried, qui continue de clamer son innocence depuis sa cellule et fait appel de sa condamnation.
Pourquoi la SEC veut-elle aller plus loin ?
La question mérite d’être posée. Ces individus ont déjà été lourdement sanctionnés par la justice pénale. Pourquoi le régulateur financier américain souhaite-t-il ajouter cette couche supplémentaire de restrictions ?
La réponse tient dans la mission même de la SEC : protéger les investisseurs et maintenir l’intégrité des marchés financiers. Pour l’autorité, une simple peine de prison ne suffit pas à prévenir le risque que ces personnes, dotées d’une expertise technique et financière évidente, ne recommencent ailleurs.
En imposant des interdictions de direction, la SEC vise à les exclure durablement des postes où ils pourraient à nouveau manipuler des fonds ou tromper des investisseurs. C’est une mesure préventive classique dans les affaires de fraude financière.
Le contexte plus large de la régulation crypto
Cette action s’inscrit dans un mouvement plus large de durcissement réglementaire aux États-Unis. Depuis l’effondrement de FTX, les autorités américaines ont multiplié les poursuites contre les acteurs du secteur crypto.
La SEC, sous la direction de Gary Gensler, considère que la grande majorité des cryptomonnaies sont des titres financiers non enregistrés. Cette position agressive a conduit à des procès contre de nombreux exchanges et projets.
L’affaire FTX représente le cas le plus spectaculaire de cette nouvelle ère. Elle a démontré les risques systémiques que peuvent poser des plateformes centralisées mal régulées dans l’écosystème crypto.
Les leçons à tirer pour l’industrie crypto
Au-delà du cas individuel, cette nouvelle développement envoie un message fort à toute l’industrie des cryptomonnaies. La coopération avec la justice peut atténuer les peines pénales, mais les conséquences civiles et professionnelles restent lourdes.
Les fondateurs et dirigeants de projets crypto doivent désormais intégrer que les régulateurs ne se contenteront plus de simples amendes. Les sanctions personnelles, incluant prison et exclusion professionnelle, sont devenues la norme dans les cas graves de fraude.
Cette affaire renforce également l’importance de la transparence et des contrôles internes. La “porte dérobée” conçue par Gary Wang restera comme un symbole des dérives possibles quand la technique sert à contourner les règles plutôt qu’à les renforcer.
Vers une sortie de prison surveillée
Si le juge approuve les accords proposés, Caroline Ellison, Gary Wang et Nishad Singh sortiront de prison avec un casier judiciaire lourd et des restrictions professionnelles majeures. Leur réinsertion dans le monde des affaires sera extrêmement compliquée.
Ils pourraient se tourner vers des activités moins exposées, comme le conseil technique anonyme ou des projets open-source. Mais toute tentative de revenir sur le devant de la scène crypto serait scrutée de près par les régulateurs.
Cette mise au ban prolongée illustre la détermination des autorités américaines à nettoyer le secteur des cryptomonnaies des éléments ayant abusé de la confiance des utilisateurs.
Conclusion : un chapitre qui se referme lentement
Trois ans après l’effondrement spectaculaire de FTX, les conséquences continuent de se déployer. La nouvelle requête de la SEC contre les anciens lieutenants de SBF marque probablement l’une des dernières étapes majeures de cette saga judiciaire.
Si elle aboutit, elle clôturera le dossier civil pour ces trois individus, tout en renforçant le message dissuasif envoyé à l’ensemble de l’industrie. Le monde crypto évolue, mais les leçons douloureuses de FTX resteront gravées longtemps dans les mémoires.
L’avenir dira si ces sanctions drastiques contribueront à restaurer la confiance des investisseurs ou si elles freineront l’innovation. Une chose est sûre : l’ère de l’autorégulation laxiste dans les cryptomonnaies semble définitivement révolue.
