En 2021, le Salvador a marqué l’histoire en devenant le premier pays à adopter le Bitcoin comme monnaie légale. Une décision audacieuse portée par son président, Nayib Bukele, qui a vu dans la cryptomonnaie une opportunité de redéfinir l’économie de son pays. Mais aujourd’hui, un rapport explosif du Fonds Monétaire International (FMI) jette un pavé dans la mare : le Salvador aurait-il manipulé ses annonces d’achats de Bitcoin ? Cette accusation relance un débat brûlant sur la stratégie crypto de Bukele et son affrontement avec l’institution financière mondiale.
Un Bras de Fer Historique entre le Salvador et le FMI
Depuis que le Salvador a fait du Bitcoin une monnaie officielle, les tensions avec le FMI n’ont cessé de croître. L’institution, garante de la stabilité financière mondiale, voit d’un mauvais œil cette expérience inédite. Mais pourquoi ce conflit ? Le FMI craint que l’utilisation du Bitcoin, avec sa volatilité légendaire, ne fragilise l’économie salvadorienne, déjà marquée par une dette publique élevée. En décembre 2024, un prêt de 1,4 milliard de dollars a été accordé au Salvador, mais avec des conditions strictes : limiter l’exposition au Bitcoin et réduire les achats publics de la cryptomonnaie.
Les exigences du FMI : un frein à la vision de Bukele ?
- Arrêt des achats publics de Bitcoin par le gouvernement.
- Rendre l’acceptation du Bitcoin volontaire pour les commerces.
- Publication des rapports trimestriels sur les portefeuilles crypto publics.
- Liquidation du fonds Fidebitcoin d’ici juillet 2025.
Malgré ces contraintes, Nayib Bukele semble déterminé à poursuivre sa stratégie. Sur les réseaux sociaux, il affiche une posture de défi, proclamant que les achats de Bitcoin « ne s’arrêteront pas ». Une déclaration qui a fait vibrer la communauté crypto, mais qui soulève des questions : le Salvador respecte-t-il vraiment ses engagements envers le FMI ?
Des Achats de Bitcoin Fantômes ?
Le nœud du problème réside dans un récent rapport du FMI, publié le 15 juillet 2025. Selon l’institution, le Salvador n’aurait effectué aucun nouvel achat de Bitcoin depuis l’accord de prêt de décembre 2024. Les annonces triomphantes de Bukele, relayées par le Bitcoin Office national, seraient-elles un mirage ? Le rapport précise que l’augmentation des réserves affichées provient de simples transferts internes entre portefeuilles gouvernementaux, notamment entre le Strategic Bitcoin Reserve Fund et le wallet Chivo.
« Le stock total de Bitcoin détenu par le secteur public est resté inchangé depuis l’approbation du programme. »
FMI, Rapport Article IV, juillet 2025
Cette révélation est un coup dur pour la crédibilité de Bukele. Alors que le président clamait acheter un Bitcoin par jour, le FMI affirme que ces mouvements n’étaient que des regroupements comptables. Pas d’argent public dépensé, pas de nouvelles acquisitions sur le marché. Cette accusation soulève une question cruciale : Bukele cherche-t-il à maintenir une image de pionnier crypto pour galvaniser ses soutiens, ou y a-t-il une stratégie plus complexe derrière ces annonces ?
Une Stratégie Crypto Controversée
Depuis 2021, le Salvador s’est positionné comme un laboratoire mondial pour les cryptomonnaies. Outre l’adoption du Bitcoin comme monnaie légale, Bukele a lancé des initiatives ambitieuses : le wallet Chivo, la Bitcoin City, et même une centrale géothermique pour miner du Bitcoin avec l’énergie des volcans. Mais ces projets ont rencontré des obstacles. Par exemple, une étude de 2023 a révélé que 88 % des Salvadoriens n’utilisaient pas le Bitcoin dans leurs transactions quotidiennes.
Les projets crypto du Salvador : un bilan mitigé
- Chivo Wallet : Lancé avec un bonus de 30 $ en Bitcoin, mais des problèmes techniques et des fraudes ont terni son image.
- Bitcoin City : Un projet ambitieux qui n’a pas encore vu le jour, suscitant des doutes sur sa faisabilité.
- Mining géothermique : Annoncé comme révolutionnaire, mais inactif en 2025 selon des rapports récents.
Face à ces échecs, le FMI a intensifié ses pressions. L’accord de prêt exige la dissolution du wallet Chivo d’ici juillet 2025 et une transparence accrue sur les avoirs en Bitcoin. Mais Bukele semble jouer un double jeu : respecter formellement l’accord tout en maintenant une rhétorique pro-crypto pour séduire les investisseurs et la communauté internationale.
Un Conflit Idéologique sur la Finance Mondiale
Au-delà des chiffres, ce bras de fer entre le Salvador et le FMI incarne un affrontement idéologique. D’un côté, Bukele défend une vision de souveraineté économique, où le Bitcoin pourrait réduire la dépendance aux institutions financières traditionnelles. De l’autre, le FMI protège un système monétaire basé sur les devises fiat, perçu comme plus stable mais parfois accusé de maintenir les pays émergents sous contrôle.
« Si cela ne s’est pas arrêté quand le monde nous a ostracisés, cela ne s’arrêtera pas maintenant. »
Nayib Bukele, mars 2025
Cette déclaration de Bukele, postée sur les réseaux sociaux, illustre sa détermination. Pourtant, les données on-chain semblent contredire ses annonces. En mars 2025, le Salvador a revendiqué l’achat de 19 BTC en une semaine, mais le FMI affirme qu’il s’agissait de transferts internes. Cette divergence met en lumière un problème de transparence, crucial pour maintenir la confiance des investisseurs et des citoyens.
Les Enjeux Économiques pour le Salvador
Le Salvador se trouve à un carrefour. Avec une dette publique équivalant à 87,5 % du PIB et une croissance économique parmi les plus faibles d’Amérique centrale, le pays a désespérément besoin du soutien du FMI. Pourtant, Bukele mise sur le Bitcoin pour attirer les investisseurs et stimuler le tourisme, notamment via des initiatives comme Bitcoin Beach. Selon des estimations, les réserves de Bitcoin du Salvador, évaluées à environ 750 millions de dollars en juillet 2025, ont généré des gains non réalisés de près de 400 millions de dollars.
Les chiffres clés des réserves Bitcoin du Salvador
- Nombre de BTC : 6 241 (selon le Bitcoin Office).
- Valeur estimée : 750 millions de dollars (juillet 2025).
- Gains non réalisés : Environ 400 millions de dollars.
- Investissement initial : 297 millions de dollars.
Ces chiffres impressionnants masquent une réalité plus complexe. La volatilité du Bitcoin reste un risque majeur. En 2022, une chute brutale du marché crypto avait exacerbé la crise de la dette salvadorienne. Aujourd’hui, bien que le Bitcoin ait atteint des sommets historiques, la dépendance à une seule cryptomonnaie pourrait fragiliser l’économie à long terme.
La Réaction de la Communauté Crypto
La communauté crypto suit ce feuilleton avec passion. Des figures comme Michael Saylor, cofondateur de MicroStrategy, ont salué la stratégie de Bukele, déclarant que « l’adoption du Bitcoin est inarrêtable ». D’autres, plus sceptiques, pointent du doigt les risques d’une telle politique. Sur les réseaux sociaux, les débats font rage : certains y voient une révolution financière, d’autres un pari risqué avec l’argent public.
« Bitcoin est une machine monétaire mimétique. Si le FMI n’accumule pas de réserves, il risque l’extinction. »
Tuur Demeester, analyste crypto
Cette polarisation reflète les enjeux plus larges de l’adoption des cryptomonnaies. Le Salvador est devenu un symbole pour les défenseurs du Bitcoin, mais aussi un avertissement pour ceux qui craignent ses excès, comme le blanchiment d’argent ou la spéculation incontrôlée.
Quel Avenir pour le Bitcoin au Salvador ?
Le Salvador se trouve dans une position délicate. D’un côté, Bukele doit honorer ses engagements envers le FMI pour garantir la stabilité économique. De l’autre, il cherche à maintenir son image de pionnier crypto pour attirer les investisseurs et renforcer sa popularité. La liquidation prévue du wallet Chivo et du fonds Fidebitcoin pourrait marquer un tournant, mais Bukele semble explorer des moyens de contourner les restrictions, notamment via des entités non gouvernementales.
Scénarios possibles pour le Salvador
- Conformité totale : Le Salvador cesse ses achats et se plie aux exigences du FMI, au risque de décevoir la communauté crypto.
- Défiance continue : Bukele persiste avec des achats via des entités privées, défiant ouvertement le FMI.
- Compromis : Un équilibre entre conformité formelle et maintien d’une stratégie pro-crypto à petite échelle.
Quel que soit le scénario, la transparence sera clé. Les accusations du FMI ont déjà ébranlé la confiance dans les annonces du gouvernement. Pour regagner la crédibilité, Bukele devra prouver que ses réserves sont bien gérées et que sa stratégie profite réellement aux Salvadoriens.
Un Pari sur l’Avenir de la Finance
L’expérience du Salvador avec le Bitcoin est bien plus qu’une simple politique économique. C’est un pari sur l’avenir de la finance mondiale, un défi lancé aux institutions traditionnelles comme le FMI. Si Bukele réussit, il pourrait inspirer d’autres nations à suivre son exemple. Mais un échec pourrait renforcer les arguments des sceptiques, qui voient dans le Bitcoin un actif trop risqué pour les économies fragiles.
Pour l’instant, le Salvador navigue en eaux troubles. Entre la pression du FMI, les ambitions de Bukele et la volatilité du marché crypto, l’avenir reste incertain. Une chose est sûre : le monde entier observe ce petit pays d’Amérique centrale, devenu le théâtre d’une révolution financière sans précédent.
