Imaginez que vous voulez vendre 500 bitcoins d’un coup. Vous passez l’ordre sur un exchange connu et, en quelques secondes, le prix dégringole de plusieurs milliers de dollars. Votre trade, censé être rentable, se transforme en perte sèche. Ce scénario, malheureusement, arrive tous les jours aux gros acteurs du marché crypto. Pourtant, une solution gagne du terrain à toute vitesse : les bureaux OTC.
En 2025, ces desks over-the-counter ne sont plus une option de niche. Ils deviennent le canal privilégié pour tous les trades importants. Les chiffres parlent d’eux-mêmes : pendant que les volumes spot des grands exchanges centralisés reculent, le marché OTC explose. Mais pourquoi ce basculement ?
Les bureaux OTC : la réponse à la fragmentation de la liquidité crypto
Le marché des cryptomonnaies n’a jamais été aussi fragmenté. Des centaines d’exchanges coexistent, chacun avec son propre carnet d’ordres. Quand un gros ordre arrive sur une plateforme, il peut vider plusieurs niveaux de liquidité et provoquer un slippage massif. Le prix final obtenu s’éloigne fortement du prix affiché au départ.
Les bureaux OTC fonctionnent différemment. Ils mettent directement en relation un acheteur et un vendeur de gros volumes, hors des carnets d’ordres publics. Le trade s’exécute à un prix négocié à l’avance, sans influencer le marché visible. Résultat : quasiment zéro impact sur le prix.
Cette discrétion est cruciale dans un écosystème où chaque gros mouvement est scruté par les bots et les traders retail. Un simple ordre visible peut déclencher une cascade de ventes ou d’achats spéculatifs.
Une croissance impressionnante face aux exchanges traditionnels
Les données du premier au troisième trimestre 2025 sont éloquentes. Sur la plateforme Finery Markets, qui regroupe plus de 7,1 millions de transactions, le marché OTC a enregistré une croissance annuelle de 138 %. À titre de comparaison, les vingt plus grands exchanges centralisés n’ont progressé que de 22 % sur la même période.
CoinGecko confirme la tendance : le volume spot des principaux CEX a chuté de 27,7 % au deuxième trimestre 2025, passant de 5,4 trillions à 3,9 trillions de dollars. Les DEX s’en sortent un peu mieux avec +25,3 %, mais restent très loin derrière la dynamique OTC.
Cette divergence montre que les gros acteurs se détournent progressivement des plateformes publiques au profit de circuits plus discrets et plus stables.
Comparaison des croissances 2025 (Q1-Q3)
- Marché OTC : +138 % en volume annuel
- Top 20 CEX : +22 % seulement
- DEX : +25,3 % au T2
- CEX spot : -27,7 % au T2
Les avantages concrets qui séduisent les institutions
Pour un hedge fund ou un family office, chaque point de pourcentage compte. Les bureaux OTC offrent plusieurs atouts décisifs.
D’abord, la certitude du prix. Le desk fournit une cotation ferme pour le volume désiré. Pas de surprise à l’exécution. Ensuite, la confidentialité. Aucun ordre n’apparaît dans le carnet public, évitant le front-running et les mouvements spéculatifs.
Enfin, des frais souvent plus compétitifs. Sans intermédiaires multiples et grâce à une négociation directe, les coûts peuvent être inférieurs à ceux des exchanges, surtout pour les très gros volumes.
« L’OTC permet de déplacer des volumes importants sans déplacer le marché. C’est la clé pour les acteurs institutionnels. »
Comment fonctionne concrètement un bureau OTC moderne ?
Un client contacte le desk avec son besoin : acheter ou vendre X bitcoins, ethers ou altcoins, pour un montant souvent supérieur à un million de dollars. Le desk recherche alors la contrepartie parmi son réseau de liquidité : autres institutions, mineurs, whales, fonds.
Une fois la contrepartie trouvée, les deux parties négocient le prix, souvent basé sur une moyenne pondérée du marché (VWAP) ou un prix fixe. Le règlement intervient rapidement, parfois le jour même.
Les meilleurs desks agrègent des dizaines de sources de liquidité pour proposer les prix les plus serrés possibles. Certains, comme les plateformes On-Demand Trading, ont même développé des mécanismes spécifiques pour sourcer rapidement de gros blocs tout en minimisant le risque.
La sécurité : un argument qui pèse de plus en plus lourd
Dans un secteur marqué par les hacks et les escroqueries, la sécurité des fonds est primordiale. Les bons bureaux OTC mettent en place des protocoles rigoureux : vérification KYC/AML renforcée, custody froide, assurances.
Certaines plateformes revendiquent avoir bloqué des millions de dollars de paiements vers des adresses frauduleuses grâce à leurs systèmes de détection. Cette couche de protection supplémentaire rassure les clients institutionnels, souvent soumis à des obligations réglementaires strictes.
Qui utilise vraiment les bureaux OTC aujourd’hui ?
Les profils sont variés, mais on retrouve principalement :
- Les institutions financières traditionnelles qui entrent progressivement dans la crypto
- Les hedge funds et fonds quantitatifs
- Les mineurs qui liquident régulièrement leurs récompenses
- Les whales individuelles ou family offices
- Les projets crypto lors de déverrouillages de tokens
Même les exchanges eux-mêmes utilisent parfois l’OTC pour rééquilibrer leurs réserves sans impacter leurs propres carnets.
Les acteurs qui dominent le marché OTC en 2025
Certains noms sont incontournables. Coinbase Prime et Kraken OTC trustent les premières places grâce à leur infrastructure institutionnelle et leur liquidité profonde. Mais de nouveaux venus gagnent rapidement des parts de marché.
Des plateformes comme On-Demand Trading se distinguent par leur capacité à exécuter des trades de plus de 10 millions de dollars en une journée, avec des volumes mensuels dépassant les 240 millions. Elles acceptent même des tickets plus modestes, dès 500 dollars, démocratisant ainsi un peu l’accès.
Leur modèle de frais transparents, sans spread caché, et la possibilité de négocier les commissions sur les gros volumes, séduit une clientèle exigeante.
Les défis qui restent à relever
Malgré leur succès, les bureaux OTC ne sont pas exempts de critiques. La transparence limitée peut inquiéter certains régulateurs. Le risque de contrepartie existe, même s’il est souvent couvert par des garanties.
Enfin, l’accès reste parfois réservé aux clients vérifiés avec des volumes minimaux élevés, ce qui exclut une partie des traders.
Cependant, la tendance est claire : plus le marché mûrit, plus l’OTC prend de l’importance. Les institutions qui arrivent en masse exigent stabilité, discrétion et efficacité – exactement ce que proposent ces desks.
Vers un marché crypto à deux vitesses ?
On pourrait assister à une segmentation croissante : les exchanges publics pour le trading retail et spéculatif, les bureaux OTC pour les mouvements stratégiques et institutionnels.
Cette dualité pourrait stabiliser le marché global en réduisant les flash crashes provoqués par les gros ordres. Elle reflète aussi la maturation du secteur : la crypto passe d’une phase sauvage à une infrastructure financière plus sophistiquée.
En conclusion, si vous tradez des volumes conséquents, ignorer les bureaux OTC en 2025 revient à laisser de l’argent sur la table. Leur croissance fulgurante n’est pas un hasard : ils répondent à un besoin réel dans un marché de plus en plus complexe et fragmenté.
Le futur des gros trades crypto se joue en coulisses, loin des carnets d’ordres publics. Et cette évolution ne fait que commencer.
