Imaginez un monde où chaque centime dépensé par un gouvernement est traçable, immuable, et accessible à tous les citoyens en temps réel. C’est l’idée audacieuse que le sénateur philippin Bam Aquino a présentée lors du Manila Tech Summit en août 2025. En proposant de placer l’intégralité du budget national des Philippines sur une blockchain, il ambitionne de redéfinir la transparence financière et de faire de son pays un pionnier mondial. Mais est-ce réalisable, et quelles implications une telle révolution pourrait-elle avoir ?
Une Révolution pour la Transparence Budgétaire
Le sénateur Bam Aquino, figure progressiste des Philippines, a surpris son auditoire en dévoilant une vision novatrice : utiliser la technologie blockchain pour gérer le budget national. Cette proposition, encore à l’état de projet, vise à rendre chaque transaction publique, traçable et inaltérable. Si elle aboutit, elle pourrait faire des Philippines le premier pays au monde à adopter un tel système, marquant un tournant dans la gouvernance numérique.
Personne n’oserait mettre ses transactions sur une blockchain où chaque étape est enregistrée et visible par tous. Mais nous, nous voulons essayer.
Bam Aquino, sénateur philippin
L’idée repose sur un principe simple mais puissant : la blockchain, par sa nature décentralisée et immuable, garantit que les données enregistrées ne peuvent être modifiées rétroactivement. Cela pourrait limiter les risques de corruption et renforcer la confiance des citoyens envers leurs institutions.
Les Philippines, déjà un pionnier en Asie
Les Philippines ne partent pas de zéro. Le ministère du Budget et de la Gestion (DBM) a déjà mis en place une plateforme blockchain, la première du genre en Asie, pour gérer certains documents financiers clés. Des instruments comme les ordres de libération d’allocation spéciale (SARO) et les avis d’allocation de trésorerie (NCA) sont actuellement enregistrés sur la blockchain Polygon, garantissant leur authenticité et leur accessibilité publique.
Ce que la plateforme actuelle permet :
- Publication des SARO et NCA sur une blockchain publique.
- Vérification en temps réel par les citoyens.
- Protection contre la falsification grâce à l’immuabilité des données.
Cette initiative, développée par la startup philippine BayaniChain en collaboration avec Prismo et Polygon, constitue une base solide. Cependant, passer d’un système limité à quelques documents à la gestion de l’ensemble du budget national représente un défi d’une tout autre ampleur.
Pourquoi la Blockchain ? Les Avantages Expliqués
La blockchain est souvent associée aux cryptomonnaies comme Bitcoin ou Ethereum, mais ses applications vont bien au-delà. Dans le contexte budgétaire, elle offre plusieurs avantages majeurs :
- Transparence totale : Chaque transaction est enregistrée publiquement, permettant aux citoyens de vérifier l’utilisation des fonds.
- Immuabilité : Une fois enregistrées, les données ne peuvent être modifiées, réduisant les risques de fraude.
- Accessibilité : Les informations sont disponibles en temps réel, renforçant la participation citoyenne.
- Efficacité : Les processus automatisés réduisent les coûts administratifs et les erreurs humaines.
Ces atouts séduisent de plus en plus de gouvernements à travers le monde. Par exemple, le département du Commerce des États-Unis a récemment annoncé son intention de publier des données économiques clés, comme le PIB, sur une blockchain, une initiative saluée comme un pas vers une gouvernance plus ouverte.
Les Défis d’une Mise en Œuvre à Grande Échelle
Malgré son potentiel, le projet de Bam Aquino soulève des questions complexes. Étendre une plateforme existante pour gérer un budget national de plusieurs billions de pesos nécessite des ressources technologiques, financières et politiques considérables.
Les obstacles potentiels :
- Complexité technique : La blockchain doit être capable de gérer un volume massif de transactions sans compromettre la performance.
- Coût : Le développement et la maintenance d’un tel système pourraient être coûteux.
- Résistance politique : Certains responsables pourraient craindre une transparence accrue, synonyme de perte de contrôle.
- Adoption citoyenne : Former la population à utiliser et comprendre cette technologie reste un défi.
Paul Soliman, PDG de BayaniChain, a tempéré l’enthousiasme en rappelant que la blockchain n’est pas une solution miracle contre la corruption. Cependant, il insiste sur son potentiel à créer des enregistrements immuables, garantissant une responsabilité accrue des fonctionnaires.
La blockchain n’élimine pas la corruption, mais elle crée des traces indélébiles qui obligent les responsables à rendre des comptes.
Paul Soliman, PDG de BayaniChain
Ce point de vue nuance l’optimisme de Bam Aquino, mais renforce l’idée que la technologie peut poser les bases d’une gouvernance plus responsable.
Un Modèle pour le Monde ?
Si les Philippines parviennent à mettre en œuvre ce projet, elles pourraient inspirer d’autres nations. La transparence budgétaire est un enjeu universel, et la blockchain offre une solution moderne à un problème ancien. Déjà, des initiatives similaires émergent, comme aux États-Unis, où le secrétaire au Commerce Howard Lutnick promeut l’utilisation de la blockchain pour les données économiques.
Pour les citoyens philippins, un budget sur blockchain signifierait un accès sans précédent aux informations financières. Chaque dépense, qu’il s’agisse d’infrastructures, d’éducation ou de santé, pourrait être suivie en temps réel, renforçant la confiance dans les institutions publiques.
Les Prochaines Étapes
Pour l’instant, la proposition de Bam Aquino reste à l’état de concept. Aucun projet de loi formel n’a été déposé, et le sénateur lui-même admet qu’il est incertain quant au soutien politique qu’il recevra. Cependant, l’annonce a déjà suscité un débat national sur l’avenir de la gouvernance et l’utilisation des technologies émergentes.
Prochaines étapes possibles :
- Dépôt d’un projet de loi détaillant la mise en œuvre.
- Collaboration avec des experts en blockchain pour évaluer la faisabilité.
- Campagnes de sensibilisation pour éduquer les citoyens sur la technologie.
- Partenariats avec des entreprises comme BayaniChain pour développer l’infrastructure.
Le chemin vers un budget national entièrement sur blockchain est semé d’embûches, mais il témoigne d’une volonté croissante d’innover dans la gestion des finances publiques. Les Philippines, avec leur plateforme existante, sont bien positionnées pour relever ce défi.
Un Pari sur l’Avenir
En proposant de placer le budget national sur une blockchain, Bam Aquino ne se contente pas de suivre une tendance technologique : il imagine un avenir où la transparence et la responsabilité deviennent la norme. Si ce projet aboutit, il pourrait non seulement transformer la gouvernance aux Philippines, mais aussi établir un précédent mondial. Reste à savoir si les décideurs politiques et les citoyens sont prêts à relever ce défi.
Si nous réussissons, nous serons le premier pays à avoir un budget sur blockchain.
Bam Aquino, sénateur philippin
Alors que le monde observe, les Philippines pourraient bien devenir un laboratoire d’innovation pour la gouvernance numérique. Ce projet, s’il se concrétise, marquerait une étape décisive dans l’utilisation de la blockchain pour le bien public.
