Imaginez : vous entrez dans votre agence bancaire habituelle, vous demandez à acheter 10 000 dollars de Bitcoin, et deux minutes plus tard c’est fait. Sans passer par Coinbase, sans KYC supplémentaire, sans wallet externe. Juste votre banquier qui appuie sur un bouton. Ce scénario, qui semblait encore science-fiction il y a deux ans, vient de devenir légal aux États-Unis.
Le tournant historique de l’OCC du 9 décembre 2025
Le 9 décembre 2025, l’Office of the Comptroller of the Currency (OCC) a publié l’Interpretive Letter 1188. En une dizaine de pages, ce document change radicalement la donne : les banques nationales américaines sont désormais explicitement autorisées à réaliser des transactions en cryptomonnaies pour le compte de leurs clients via le modèle du riskless principal.
Concrètement ? La banque achète le Bitcoin (ou l’Ethereum, ou le Solana…) à un client A, et le revend immédiatement à un client B, dans la même seconde, au même prix. Elle empoche une petite commission d’intermédiation, mais ne prend aucun risque de marché. C’est exactement le même modèle que pour les actions, les obligations ou les devises étrangères depuis des décennies.
« Ces activités sont à faible risque et comparables aux pratiques de courtage déjà autorisées dans la finance traditionnelle. »
Office of the Comptroller of the Currency – Lettre 1188
Pourquoi cette décision arrive-t-elle maintenant ?
2025 marque un changement de paradigme réglementaire aux États-Unis. Depuis l’arrivée de la nouvelle administration et des nominations pro-crypto au sein des grandes agences (SEC, Fed, FDIC, OCC), les barrières tombent les unes après les autres.
Début 2025, les trois grands régulateurs bancaires avaient déjà retiré les célèbres « SAB 121 » et autres déclarations dissuasives qui décourageaient les banques de toucher aux actifs numériques. L’OCC va aujourd’hui plus loin : non seulement il autorise, mais il encourage les banques à proposer ces services.
Les grandes étapes réglementaires de 2025
- Janvier : Retrait du SAB 121
- Mars : Clarification Fed sur les réserves fractionnaires pour stablecoins
- Juin : Autorisation custody crypto sans limite de bilan
- Septembre : Feu vert aux paiements en stablecoins pour les banques
- Décembre : Intermédiation riskless principal autorisée
Qu’est-ce que le « riskless principal » change vraiment tout ?
Oui. Parce que jusqu’ici, les banques américaines pouvaient proposer de la custody (garder vos cryptos dans un coffre numérique), mais elles ne pouvaient pas vous aider à en acheter ou en vendre sans passer par un tiers. Résultat : l’expérience client était catastrophique.
Désormais, JPMorgan, Bank of America, Wells Fargo ou Citibank peuvent littéralement devenir des « brokers crypto brokers » intégrés. Le client n’a plus besoin de créer un compte Kraken ou Binance.US. Tout se passe dans son application bancaire habituelle.
Et le plus fort ? La banque ne prend aucun risque de bilan. Elle ne détient l’actif que quelques millisecondes. C’est comme si vous échangiez un billet de 100 $ contre cinq billets de 20 $ au guichet : la banque ne « possède » pas vraiment votre argent plus d’une seconde.
Les exigences imposées par l’OCC
L’OCC n’a pas ouvert la porte en grand sans garde-fous. Les banques doivent respecter un cadre strict :
- Contrôles robustes de gestion des risques
- Protection claire des clients (séparation des fonds, transparence des frais)
- Systèmes de conformité AML/KYC renforcés
- Supervision continue par les examinateurs fédéraux
- Pas de détention prolongée d’inventaire crypto sur le bilan
En clair : les banques peuvent intermédier, mais elles ne peuvent pas devenir des « market makers » spéculatifs comme Cumberland ou Wintermute.
Les gagnants de cette révolution
Les grandes banques traditionnelles : elles récupèrent enfin une partie du gâteau que les exchanges leur avaient volé depuis 2017.
>Les clients institutionnels et grandes fortunes : ils pourront consolider tous leurs actifs (actions, obligations, or, Bitcoin dans un seul et même établissement.
>Les stablecoins émis par les banques (comme le futur JPM Coin ou le USDB de Bank of America) : ils deviendront les rails privilégiés pour ces transactions.
>Le marché crypto dans son ensemble : plus de liquidité, moins de fragmentation, meilleure découverte des prix.
Et les exchanges dans tout ça ?
C’est la grande question. Coinbase, Kraken ou Gemini risquent de perdre leur monopole sur le « on-ramp » (l’entrée d’argent fiat dans la crypto). Mais ils gardent plusieurs avantages :
- Ils proposent déjà des milliers d’altcoins (les banques commenceront par BTC, ETH, SOL)
- Ils offrent du staking, du lending, du trading 24/7 avec effet de levier
- Ils restent plus agiles et innovants
À court terme, les exchanges vont probablement devenir les fournisseurs de liquidité des banques : c’est eux qui vendront ou achèteront les blocs quand la banque doit exécuter une grosse transaction instantanément.
Ce que ça signifie pour vous, investisseur français
Même si l’OCC ne régit que les banques américaines, l’impact sera mondial. Quand les grandes banques US proposeront du Bitcoin « comme des actions », les régulateurs européens (ACPR, AMF, BaFin) seront sous pression pour suivre le mouvement.
En France, la Société Générale (via SG Forge) et BNP Paribas sont déjà très avancées sur la custody et les stablecoins. Cette décision américaine pourrait accélérer l’autorisation de l’intermédiation directe chez nous dès 2026.
Et surtout : l’entrée massive des clients institutionnels américains va créer un appel d’air. Plus de demande = hausse structurelle des prix, même en cas de correction temporaire.
« 2025 sera remembered comme l’année où la finance traditionnelle a enfin embrassé Bitcoin, pas l’inverse. »
Un gestionnaire de hedge fund new-yorkais, décembre 2025
Conclusion : le pont est construit
L’Interpretive Letter 1188 n’est pas qu’un énième document réglementaire. C’est le dernier boulon d’un pont gigantesque entre Wall Street et la Crypto Valley.
Dans quelques mois, votre conseiller bancaire vous proposera peut-être d’ajouter 5 % de Bitcoin à votre portefeuille diversifié. Et vous répondrez probablement : « Pourquoi pas 10 % ? »
Le futur arrive plus vite qu’on ne le pensait.
