L’industrie des cryptomonnaies en Europe s’apprête à connaître un véritable séisme réglementaire. Avec la publication du très attendu règlement MiCA (Markets in Crypto-Assets) au Journal officiel de l’Union européenne le 17 juin 2023, les autorités européennes s’attèlent désormais à sa mise en application. Et le moins que l’on puisse dire, c’est que l’Autorité européenne des marchés et des valeurs mobilières (ESMA) ne compte pas faire dans la demi-mesure.
Dans un document de consultation publié le 17 février dernier, l’ESMA détaille ses propositions concernant les compétences et connaissances requises pour les employés des entreprises opérant dans le secteur des crypto-actifs. L’objectif affiché ? Harmoniser les standards à travers l’Europe pour protéger les investisseurs et renforcer la confiance dans ce marché encore jeune et volatil.
Des exigences élevées pour les professionnels des cryptos
Concrètement, l’ESMA envisage d’imposer des prérequis stricts en termes de qualifications pour pouvoir travailler dans une entreprise crypto. Selon le document consultatif, les employés devront ainsi justifier de :
- Connaissances approfondies des caractéristiques et risques des crypto-actifs
- Compréhension du fonctionnement du marché, de la formation des prix et des technologies sous-jacentes comme la blockchain
- Expérience préalable dans le secteur
- Développement professionnel continu
- Diplôme dans un domaine connexe
Autant dire que le profil du “crypto bro” autodidacte risque de ne plus suffire pour décrocher un job dans ce secteur en plein essor. Les entreprises devront s’assurer que leurs collaborateurs remplissent ces critères via des évaluations régulières et le maintien de dossiers de qualifications.
MiCA, un règlement qui change la donne
Ces nouvelles exigences, une fois finalisées après la période de consultation, s’inscriront dans le cadre plus large du règlement MiCA. Ce texte majeur vise à instaurer un cadre réglementaire harmonisé pour les crypto-actifs à l’échelle européenne.
Parmi les mesures phares :
- Obligation d’enregistrement pour les fournisseurs de services sur crypto-actifs (PSAN)
- Règles de transparence et de divulgation pour les émetteurs de jetons
- Exigences en matière de fonds propres et de gouvernance
- Dispositions visant à prévenir les abus de marché et la criminalité financière
Avec MiCA, l’Europe entend poser les bases d’un marché des crypto-actifs plus sûr, plus transparent et plus mature. Un prérequis indispensable pour favoriser l’adoption grand public de ces nouvelles technologies et attirer les investisseurs institutionnels.
L’industrie crypto face au défi de la professionnalisation
Si les intentions de l’ESMA sont louables, reste à savoir comment le secteur des cryptos, encore largement dominé par une culture “start-up” et des profils non-conventionnels, va s’adapter à ce nouveau paradigme réglementaire.
Pour les entreprises, cela impliquera sans doute de revoir leurs processus de recrutement et de formation pour attirer et fidéliser des talents aux compétences validées. Un défi de taille dans un contexte de pénurie de profils qualifiés et alors que la blockchain reste un domaine émergent dans le monde académique.
Quant aux employés et candidats, il leur faudra probablement redoubler d’efforts pour acquérir les connaissances et qualifications requises, que ce soit via des formations certifiantes, des cursus spécialisés ou l’obtention de diplômes reconnus.
L’entreprise demandera les notes du bac pour devenir trader de shitcoins.
Un commentaire amusé sur Twitter
Une chose est sûre : l’époque où n’importe qui pouvait se revendiquer expert en cryptos sur la base de quelques trades réussis ou d’un compte Twitter influent semble révolue. Place à l’ère des professionnels certifiés, au risque de voir s’installer une forme “d’élitisme” dans un écosystème qui s’est longtemps targué d’être ouvert et accessible à tous.
Vers une normalisation du secteur crypto
Au-delà des questions de ressources humaines, les propositions de l’ESMA reflètent une tendance de fond à la normalisation du secteur crypto. Après des années de croissance sauvage et de réticences des régulateurs, l’industrie entre dans une phase de maturité et de reconnaissance institutionnelle.
Un mouvement qui ne va pas sans susciter des critiques parmi les puristes et les early adopters, qui craignent une forme de “centralisation” et de perte des valeurs originelles de la cryptosphère. Mais pour beaucoup d’acteurs, cette évolution est non seulement inévitable, mais nécessaire pour assurer la pérennité et le développement de l’écosystème blockchain.
La réglementation est un mal nécessaire pour que les crypto-actifs atteignent leur plein potentiel et s’intègrent à l’économie traditionnelle.
Un porte-parole de l’ADAN (Association pour le développement des actifs numériques)
En imposant des standards élevés en matière de compétences et de qualifications, l’UE envoie un signal fort : les cryptos ne sont plus un far west spéculatif, mais un secteur économique à part entière, avec ses règles et ses exigences. Une étape cruciale pour attirer les investisseurs institutionnels et favoriser l’adoption grand public.
Reste à voir comment ces nouvelles règles seront accueillies et mises en œuvre par les acteurs de l’industrie. Une chose est sûre : la publication du règlement MiCA marque un tournant pour le monde des cryptos en Europe. Et les propositions de l’ESMA sur les compétences et qualifications en sont une illustration concrète.
Alors, diplôme exigé pour trader du Bitcoin ? L’avenir nous le dira, mais une chose est sûre : le visage de l’industrie crypto européenne est en train de changer, pour le meilleur ou pour le pire. À suivre de près dans les mois et années à venir.