Imaginez la scène : vous êtes prêts, wallet connecté, café à la main, et vous attendez le top départ d’un des lancements les plus attendus de l’année dans l’écosystème Ethereum. 500 millions de dollars s’envolent en quelques minutes… puis tout s’effondre. Bienvenue dans le cauchemar vécu par des milliers d’investisseurs lors du pré-dépôt MegaETH. Ce qui devait être une opération propre et maîtrisée s’est transformé en fiasco technique et communicationnel retentissant.
MegaETH voulait révolutionner les Layer 2… et a d’abord révolutionné le chaos
Depuis des mois, MegaETH fait parler d’elle. Soutenue par des noms lourds – Dragonfly, Vitalik Buterin lui-même a cité le projet avec bienveillance – cette nouvelle solution Layer 2 promettait des performances folles : 100 000 TPS, latence sub-milliseconde, compatibilité totale EVM. Le rêve absolu pour la DeFi ultra-rapide. Pour préparer le terrain, l’équipe avait imaginé un mécanisme de pré-dépôts censé garantir la liquidité du futur stablecoin natif USDm et offrir des allocations privilégiées du token MEGA. Objectif affiché : lever entre 250 millions et 1 milliard de dollars. Résultat ? Un désastre qui fait déjà date.
25 novembre 2025 : quand tout déraille dès la première seconde
Le lancement était prévu à heure précise. Des milliers d’utilisateurs vérifiés KYC patientaient. À H+0, première tuile : le prestataire KYC Sonar plante complètement. Files d’attente interminables, erreurs 504, utilisateurs bloqués. L’équipe, prise de court, tente un correctif à la volée.
Pire décision possible.
Dans la panique, les développeurs signent une transaction de correction… mais oublient qu’une signature pré-signée peut être exécutée par n’importe qui. Résultat : un utilisateur anonyme déclenche le contrat 34 minutes en avance. Le site ouvre brutalement, la ruée commence.
« Le plafond de 250 millions a été atteint en moins de trois minutes. C’était du jamais vu. »
Témoignage anonyme sur le Discord MegaETH
Des ajustements en direct qui empirent tout
Au lieu de couper court et reporter, l’équipe tente de rattraper le coup en augmentant le plafond : 400 millions, puis finalement 500 millions. Chaque modification déclenche de nouvelles vagues de dépôts. Les gas fees explosent, des centaines de transactions échouent, des utilisateurs perdent des dizaines d’ETH en frais sans jamais réussir à déposer.
Chronologie du désastre en quelques chiffres
- 0 min : lancement prévu
- -34 min : ouverture anticipée par un inconnu
- 2 min 47 s : 250 M$ atteints
- 10 min : première tentative d’augmentation du plafond → échec
- 18 min : 500 M$ atteints
- 45 min : annonce du gel définitif et… du remboursement total
L’annonce choc : « L’exécution a été bâclée »
Moins d’une heure après le début du chaos, le compte officiel MegaETH publie un message que personne n’attendait :
« Nous avons décidé de restituer tous les fonds collectés grâce au programme de pré-dépôt. L’exécution a été bâclée et les attentes n’étaient pas alignées sur notre objectif de précharger des garanties pour assurer une conversion 1:1 USDm sur le réseau principal. »
En clair : on rend les 500 millions. Intégralement.
C’est du jamais vu à cette échelle. Même les pires lancements de 2021-2022 (remember Terra ?) n’avaient pas conduit à un remboursement total aussi rapide.
Comment en est-on arrivé là ? Les erreurs en cascade
- Mauvais choix de prestataire KYC : Sonar déjà connu pour sa fragilité sous forte charge
- Signature pré-signée non protégée : faille élémentaire de sécurité
- Absence de circuit breaker : aucun mécanisme pour geler en cas d’anomalie
- Communication panique : annonces en direct sans coordination
- Sous-estimation de la demande : l’équipe pensait lever 250 M$ « tranquillement »
Ces erreurs cumulées ont transformé un événement censé être une démonstration de force en humiliation publique.
La communauté entre colère et sidération
Sur X (anciennement Twitter), le hashtag #MegaETH a rapidement dépassé les 80 000 mentions en quelques heures. Les réactions sont violentes :
- « On dirait un launch de shitcoin Solana en 2024 mais avec 500 M$ »
- « Vitalik va retirer son tweet de soutien, screenshot ça »
- « J’ai payé 8 ETH de gas pour rien, merci MegaETH »
Mais curieusement, une partie non négligeable de la communauté défend encore le projet. Argument principal : la demande était tellement énorme que même un lancement parfait aurait été chaotique.
Le plan de remboursement : la seule bonne nouvelle
L’équipe a rapidement déployé un nouveau smart contract (cette fois audité en urgence par plusieurs firmes réputées) permettant le retrait intégral des fonds. À l’heure où nous écrivons ces lignes, plus de 62 % des déposants ont déjà récupéré leur capital.
Point important : aucune pénalité, aucun frais. Même les utilisateurs ayant payé des fortunes en gas pour tenter de déposer plusieurs fois seront remboursés des montants effectivement bloqués.
Et maintenant ? Le mainnet de décembre toujours maintenu
Contre toute attente, MegaETH maintient la feuille de route : lancement du mainnet « Frontier » prévu pour mi-décembre 2025. L’équipe promet :
- Réouverture du pont USDC → USDm avant le mainnet
- Mécanismes anti-ruée repensés
- Audits supplémentaires sur tous les contrats
- Communication transparente (enfin ?)
Mais la grande question demeure : qui va encore faire confiance à ce projet après un tel ratage ?
Ce fiasco nous apprend quoi sur l’état du marché
Paradoxalement, ce désastre révèle une santé de fer de certaines parties de l’écosystème :
- 500 millions immobilisés en quelques minutes dans un marché pourtant baissier
- Des investisseurs prêts à prendre des risques énormes pour des projets Layer 2 ambitieux
- Une appétence intacte pour les narratifs « real-time blockchain »
MegaETH a peut-être raté son pré-lancement, mais a prouvé que la demande pour des solutions scalables reste colossale.
Le vrai test aura lieu en décembre. Si le mainnet tient ses promesses techniques, ce fiasco pourrait n’être qu’une anecdote honteuse. Dans le cas contraire… ce sera probablement la fin prématurée d’un des projets les plus ambitieux de l’année 2025.
À suivre de très près.
