Imaginez la salle des marchés la plus bruyante du monde crypto qui, du jour au lendemain, se vide presque complètement. Plus de cris, plus de positions à 100x, plus personne prêt à payer cher pour rester long. C’est exactement ce qui se passe depuis deux mois sur les contrats perpétuels Bitcoin.
Les chiffres parlent d’eux-mêmes et ils sont glaçants pour les amateurs de sensations fortes.
Le marché des perps Bitcoin est devenu un désert
Depuis la grande purge de liquidations du 10 octobre dernier, quelque chose s’est cassé dans l’écosystème des dérivés Bitcoin. L’open interest exprimé en BTC n’a plus jamais franché la barre symbolique des 310 000 BTC, alors qu’il flirtait régulièrement avec les 380 000 voire 400 000 BTC plus tôt dans le cycle.
Pour ceux qui découvrent le sujet, l’open interest représente la quantité totale de contrats ouverts sur les plateformes centralisées (Binance, Bybit, OKX…). Quand il monte, cela signifie que de nouveaux capitaux entrent avec de l’effet de levier. Quand il descend… eh bien, on vit exactement cela.
« Le marché des perpétuels est un vrai ghost town. La participation spéculative reste profondément atone. »
CryptoVizArt, analyste senior chez Glassnode – 8 décembre 2025
Octobre 2025 : le grand reset que personne n’a vu venir
Retour en arrière. Mi-octobre, Bitcoin casse brutalement la zone des 96 000 $ après une montée euphorique. Les liquidations en cascade font tomber plus de 2 milliards de dollars de positions longues en quelques heures.
Ce genre d’événement n’est pas nouveau, mais cette fois l’impact a été différent. Au lieu de voir une nouvelle vague d’acheteurs FOMO venir remplacer les liquidés (comme cela arrivait systématiquement en 2021 et début 2024), le marché est resté… vide.
Ce qui a changé depuis octobre :
- Open interest BTC retombé sous 300 000 BTC à plusieurs reprises
- Pic temporaire mi-novembre (coïncidant avec le point bas prix à 82 000 $)
- Retour immédiat vers les niveaux planchers dès que le prix rebondit
- Aucune reconstruction durable de leverage malgré la hausse à 90 000 $+
Les funding rates racontent la même histoire
Le funding rate, ce petit pourcentage payé toutes les 8 heures par les longs aux shorts (ou l’inverse), est l’indicateur émotionnel par excellence. Quand il est fortement positif, les bulls sont prêts à payer cher pour garder leurs positions. Quand il devient négatif… les bears prennent le pouvoir.
Depuis deux mois, la tendance est implacable : les funding rates descendent, descendent, descendent. On est passés de +0,08 % toutes les 8 heures en septembre à des valeurs souvent négatives ou à peine positives (0,01-0,02 %).
Traduction : même quand Bitcoin monte à 94 000 $, personne ne veut payer pour rester long à effet de levier. C’est du jamais vu à ce stade du cycle haussier.
Pourquoi les traders ont-ils déserté les perps ?
Plusieurs explications se croisent et forment un cocktail particulièrement dissuasif.
- Traumatisme d’octobre – Les liquidations à 100x ont laissé des cicatrices. Beaucoup de comptes ont été rayés.
- Fatigue du cycle – Nous sommes en année 2025 post-halving, beaucoup de traders particuliers ont déjà pris leurs profits en 2024.
- Concurrence du spot et des ETF – Pourquoi prendre du risque à effet de levier quand on peut acheter du Bitcoin physique ou des ETF avec zéro frais de funding ?
- Régulation qui se resserre – Les plateformes délistent progressivement les leviers extrêmes (100x, 125x) sous pression des régulateurs.
- Attentisme macro – Les politiques monétaires, les élections américaines, la menace de récession… personne ne veut être pris à contre-pied.
Les conséquences sur la volatilité à venir
Historiquement, un marché dérisqué est un marché qui peut monter… ou descendre très vite quand le prochain catalyst arrive.
Moins de leverage = moins de mèches folles dans les deux sens. On l’a vu clairement depuis deux mois : Bitcoin oscille dans une range 82 000 – 94 000 $ avec des variations quotidiennes rarement supérieures à 5 %. C’est calme. Trop calme ?
Scénarios possibles pour 2026 :
- Scénario 1 – La maturité : Le marché devient adulte, le prix continue sa progression lente mais sûre vers 150 000 $ sans excès.
- Scénario 2 – Le piège baissier : L’absence de longs à levier empêche toute défense en cas de choc externe → chute rapide.
- Scénario 3 – Le squeeze historique : Un catalyst (baisse des taux massive, adoption institutionnelle explosive) fait revenir tout le monde en même temps → explosion haussière avec pénurie de shorts.
Ce que cela signifie concrètement pour votre portefeuille
Si vous tradez avec effet de levier aujourd’hui, vous êtes dans une toute petite minorité. Les frais de funding vous mangent vivant même sur des positions gagnantes. Beaucoup de traders expérimentés sont passés en 100 % spot ou staking.
Le message du marché est clair : on ne te paiera plus pour être long à levier. C’est une inversion totale par rapport à 2021 où les funding rates à +0,10 % étaient la norme.
Et les altcoins dans tout ça ?
Le phénomène n’est pas limité à Bitcoin. Sur Ethereum, Solana ou les memecoins, même constat : les open interest sont en baisse de 40 à 70 % par rapport aux sommets. Le secteur entier se dérisque.
Seuls quelques narratifs (IA, RWA, gaming) arrivent encore à attirer du levier ponctuellement, mais la tendance lourde reste la même.
Conclusion : le calme avant la renaissance ou avant la tempête ?
Le marché des contrats perpétuels Bitcoin n’a jamais été aussi vide à ce stade du bull run. C’est soit le signe d’une maturité nouvelle, soit le silence inquiétant avant un mouvement majeur.
Une chose est sûre : quand le prochain gros flux de capitaux arrivera (institutionnels, retail FOMO, whatever), il n’y aura presque plus de positions longues à liquider pour faire de la place. Le potentiel de squeeze est énorme.
En attendant, le Bitcoin continue sa marche tranquille vers les 100 000 $… sans personne pour payer le prix du risque.
Et vous, vous sentez-vous plus à l’aise dans ce marché sans leverage excessif, ou cela vous manque déjà ?
