Alors que le règlement européen MiCA (Markets in Crypto-Assets) vient à peine d’entrer en application, compliquant déjà sérieusement la tâche aux acteurs de l’écosystème crypto, de nouvelles obligations réglementaires pointent déjà le bout de leur nez. Les prestataires de services sur actifs numériques (PSAN) vont en effet devoir se soumettre à des règles supplémentaires dès le mois de décembre prochain.
La « Travel Rule », une nouvelle épine dans le pied des PSAN
Publiées ce 4 juillet 2024 par l’Autorité bancaire européenne (EBA), de nouvelles lignes directrices vont s’appliquer aux PSAN concernant les transferts de cryptomonnaies. Sous couvert de lutter contre le blanchiment d’argent (AML) et le financement du terrorisme (CFT), ces directives vont imposer aux acteurs :
- De collecter plus d’informations sur l’émetteur et le destinataire d’un transfert, que celui-ci soit effectué via une blockchain ou le système bancaire traditionnel
- De mettre en place des procédures pour détecter les informations manquantes ou incomplètes sur ces transferts
- De définir comment gérer un virement dépourvu des informations requises
Ces nouvelles règles, qui entreront en vigueur le 30 décembre 2024, vont donc encore alourdir les processus et coûts de conformité pour les acteurs crypto, déjà durement impactés par MiCA. La vie s’annonce de plus en plus compliquée, en particulier pour les petits acteurs n’ayant pas les reins aussi solides que les géants du secteur.
Cercle vertueux ou cercle vicieux ?
Si ce déferlement réglementaire apparaît comme un véritable parcours du combattant, certains arrivent malgré tout à tirer leur épingle du jeu. C’est le cas de Circle, émetteur des stablecoins USDC et EURC, qui a réussi l’exploit d’être le premier à se conformer intégralement au règlement MiCA.
Mais pour une success story comme celle-ci, combien d’acteurs vont jeter l’éponge face à la complexité et aux coûts prohibitifs de mise en conformité ? Les petites entreprises crypto vont-elles finir broyées par cet engrenage bureaucratique ?
La privacy en danger
Au delà de l’impact économique sur l’écosystème, la Travel Rule et autres réglementations soulèvent aussi des questions éthiques majeures en matière de respect de la vie privée. En imposant une surveillance et un traçage accrus des transactions, y compris sur des réseaux censés être décentralisés et “trustless”, c’est le droit à la confidentialité des utilisateurs qui se retrouve menacé.
Si les objectifs de lutte contre la criminalité financière sont louables, à quel prix et dans quelle mesure ces règles ne vont-elles pas “tuer” ce qui fait l’essence même des cryptomonnaies ? En sacrifiant le pseudonymat sur l’autel de la compliance, ne risque-t-on pas de faire fuir les utilisateurs et de porter un coup fatal à l’adoption ?
Vers un reset réglementaire ?
- Certains appellent à un recalibrage des réglementations, jugées excessives et liberticides
- D’autres prônent au contraire un durcissement, face à une industrie encore trop “sauvage”
- L’Europe et les USA pourraient trouver un terrain d’entente autour de standards communs
Une nouvelle ère pour le marché crypto
Quoi qu’il en soit, cette déferlante réglementaire marque indubitablement un tournant pour l’industrie des cryptomonnaies. Après des années d’essor débridé au sein d’un “Far West” numérique, le sheriff est désormais là pour mettre de l’ordre dans la cryptosphère.
Entre consolidation du marché, pression sur les marges et hausse des barrières à l’entrée, ces nouvelles règles vont profondément redessiner le paysage. Fini le “laisser-faire” ? Bienvenue dans l’ère de la crypto régulée. Une nouvelle donne à laquelle tous les acteurs vont devoir s’adapter. Pour le meilleur ou pour le pire, l’avenir le dira…