C’était une première mondiale qui avait fait grand bruit. En 2021, le petit pays d’Amérique Centrale, le Salvador, adoptait le Bitcoin comme monnaie légale aux côtés du dollar américain. Une décision audacieuse et controversée, portée par un président résolument pro-crypto, Nayib Bukele. Mais trois ans plus tard, sous la pression du Fonds Monétaire International (FMI), le Salvador se voit contraint de faire marche arrière. Le géant de la finance internationale a-t-il gagné sa guerre contre le Bitcoin ?
Le Salvador, pionnier de l’adoption du Bitcoin
Rappelons les faits. En juin 2021, l’Assemblée Législative du Salvador votait l’adoption du Bitcoin comme monnaie légale, au même titre que le dollar américain utilisé dans le pays depuis 2001. Une première mondiale pour une cryptomonnaie décentralisée. Quelques mois plus tard, la “Loi Bitcoin” entrait en vigueur, obligeant tous les commerçants à accepter les paiements en BTC.
L’objectif affiché par le président Bukele était double : dynamiser l’économie de ce petit pays de 6,5 millions d’habitants et faciliter les transferts d’argent des Salvadoriens expatriés. Ces envois de fonds représentent plus de 20% du PIB du pays, mais sont grevés par des frais élevés via les canaux traditionnels.
Une décision polémique
Mais dès l’annonce de ce projet, les critiques ont fusé. Le FMI en tête, mais aussi la Banque Mondiale ou la Banque Interaméricaine de Développement ont mis en garde contre les risques liés à la volatilité et à l’utilisation illicite des cryptomonnaies. Au Salvador même, une partie de la population et de l’opposition politique ont exprimé leur méfiance, voire leur franche hostilité au projet.
Le Bitcoin n’est pas une monnaie solide et son utilisation comme monnaie légale pose de sérieux problèmes.
Gerry Rice, porte-parole du FMI
Le président Bukele, lui, n’en a cure. Très actif sur les réseaux sociaux, il multiplie les annonces et les coups d’éclat, comme ce projet de “Bitcoin City” alimentée par l’énergie géothermique des volcans. Le Salvador se constitue peu à peu une réserve stratégique en Bitcoins, profitant des baisses de cours pour acheter davantage.
Le bras de fer avec le FMI
Mais le Salvador a besoin d’argent frais. Lourdement endetté, le pays négocie depuis des mois un prêt de 1,4 milliard de dollars avec le FMI. Et l’institution de Washington a une condition : que le Salvador réduise la voilure sur le Bitcoin. Fin 2022, un accord est trouvé. Le Salvador obtient son prêt, en échange d’amendements substantiels à sa “Loi Bitcoin”.
Fini l’obligation pour les commerçants d’accepter le BTC, son utilisation devient “volontaire”. Le paiement des taxes et impôts en crypto est désormais interdit. Quant à la fameuse réserve en Bitcoins, elle se retrouve “confinée”, sans que l’on sache très bien ce que cela signifie. Toute nouvelle acquisition est en tout cas proscrite.
- Le Bitcoin perd son statut de monnaie obligatoire au Salvador
- Le paiement des taxes et impôts en BTC interdit
- La réserve en Bitcoins du Salvador “confinée”
Quel avenir pour le Bitcoin au Salvador ?
Pour de nombreux observateurs, ces amendements sonnent le glas de l’expérience Bitcoin au Salvador. Le président Bukele a dû mettre de l’eau dans son vin face aux exigences de son créancier. Mais pour Samson Mow, directeur de la société de conseil aux États pro-crypto JAN3, tout n’est pas perdu :
Les amendements à la Loi Bitcoin permettent de se conformer à l’accord avec le FMI tout en permettant au gouvernement salvadorien de sauver la face.
Samson Mow, PDG de JAN3
De fait, le Bitcoin reste une monnaie légale au Salvador, même si son usage n’est plus obligatoire. Et le pays continue discrètement d’acheter des BTC. L’avenir nous dira si le pari de Nayib Bukele était visionnaire ou prématuré. Une chose est sûre : la bataille entre cryptomonnaies et institutions financières traditionnelles ne fait que commencer, et le Salvador en est l’un des fronts les plus symboliques.