Lors d’une récente déclaration au Forum Économique Mondial de Davos, la directrice exécutive d’Europol, Catherine De Bolle, a appelé les entreprises technologiques à coopérer avec les forces de l’ordre en fournissant un accès aux messages chiffrés. De Bolle soutient qu’une telle coopération est essentielle pour maintenir la sécurité publique et lutter contre la criminalité en Europe. Si ses préoccupations concernant la sécurité publique sont valables, sa suggestion de passer outre le chiffrement de bout en bout et de restreindre les droits à la vie privée soulève des questions cruciales sur l’équilibre entre sécurité et libertés individuelles.
La nature fondamentale de la vie privée
La vie privée n’est pas un droit secondaire que l’on peut sacrifier à la légère au nom de la sécurité publique. C’est une pierre angulaire des sociétés démocratiques qui sous-tend le concept même de liberté individuelle. Le droit à une correspondance privée garantit que les citoyens peuvent communiquer sans crainte d’une surveillance injustifiée ou de persécution. Ce droit devient encore plus essentiel face aux régimes autoritaires, où la vie privée sert de dernier bastion de résistance contre l’oppression.
Bien que De Bolle puisse avoir de bonnes intentions, sa position ne tient pas compte du potentiel d’utilisation abusive de l’accès aux données chiffrées. Aujourd’hui, la proposition vise peut-être à cibler les criminels, mais demain, elle pourrait permettre une surveillance de masse et une répression politique. L’histoire et l’actualité fournissent de nombreux exemples de la façon dont les gouvernements, même dans les pays démocratiques, peuvent abuser des pouvoirs de surveillance. La tragédie qui se déroule en Russie, où la vie privée a été érodée pour permettre le régime policier et l’autoritarisme sanglant, sert de sombre rappel des dangers d’un pouvoir étatique sans contrôle.
La vie privée comme pilier de la sécurité publique
Ironiquement, la vie privée n’est pas l’antithèse de la sécurité publique ; elle en est une condition préalable. Lorsque les citoyens se sentent en sécurité dans leurs communications privées, ils sont plus susceptibles de s’engager dans la liberté d’expression, l’activisme politique et d’autres activités qui renforcent la démocratie. Sacrifier la vie privée pour des gains de sécurité à court terme sape la stabilité et la résilience à long terme des institutions démocratiques.
Les forces de l’ordre disposent déjà d’un large éventail d’outils pour lutter contre la criminalité, notamment la surveillance sous contrôle judiciaire, la collecte de preuves physiques et les opérations d’infiltration. Si les messages chiffrés peuvent parfois entraver les enquêtes, ils ne sont pas la seule voie pour recueillir des preuves. Un travail de police efficace ne repose pas sur une méthode unique, mais sur une approche globale et équilibrée qui respecte les droits individuels.
Les risques d’une porte dérobée
Une fois qu’une porte dérobée au chiffrement est créée, il devient presque impossible de contrôler qui l’utilise et à quelle fin. De telles portes dérobées sont vulnérables à l’exploitation non seulement par les gouvernements, mais aussi par des acteurs malveillants, notamment les pirates informatiques et les adversaires étrangers. L’introduction de telles vulnérabilités compromet la sécurité de tous, des citoyens ordinaires aux opérateurs d’infrastructures critiques.
De plus, l’argument selon lequel le chiffrement permet des activités criminelles occulte ses avantages sociétaux plus larges. Le chiffrement protège les données sensibles telles que les transactions financières, les dossiers médicaux et la propriété intellectuelle. L’affaiblissement du chiffrement exposerait les individus et les organisations à des risques accrus de cyberattaques et de vol d’identité, créant une multitude de nouveaux défis de sécurité.
Conséquences possibles
Si les géants de la tech cèdent, il ne fait aucun doute que la communauté open source et l’industrie de la blockchain réagiront. Des chats entièrement décentralisés et chiffrés verront le jour (certains sont déjà en gestation). Cette réponse sera bien plus difficile à démanteler. Par exemple, s’appuyer sur un réseau blockchain comme Bitcoin (BTC) rendrait vaine toute tentative de le briser. Si j’étais à leur place, je n’oserais pas ; alors qu’accéder à la correspondance dans de nombreuses situations est encore aujourd’hui une tâche relativement simple, cela pourrait devenir impossible à l’avenir.
En conclusion, non, Catherine De Bolle, la vie privée est un droit fondamental, à la fois dans les faits – comme je viens de l’expliquer – et en droit, selon l’article 8 de la Convention européenne des droits de l’homme. Toute tentative de compromettre le chiffrement de bout en bout au nom de la sécurité publique risque non seulement de saper les libertés individuelles, mais aussi de provoquer une réaction qui rendra la tâche des forces de l’ordre encore plus ardue à l’avenir. Le véritable défi consiste à trouver un équilibre délicat qui préserve à la fois la sécurité publique et le droit inaliénable à la vie privée.