Saviez-vous qu’en 2022, pas moins de 31,5 milliards de dollars en cryptomonnaies ont été blanchis à travers le monde ? Alors que les gouvernements tentent de réguler ce secteur en pleine expansion, les criminels, eux, ne chôment pas. Entre hacks spectaculaires et outils d’anonymisation toujours plus sophistiqués, le blanchiment d’argent via les cryptos reste une réalité tenace, même en 2025. Plongeons ensemble dans cet univers opaque pour décrypter les tendances qui façonnent cette bataille entre légalité et illégalité.
Crypto et Blanchiment : Une Relation Ambiguë
Les cryptomonnaies, avec leur promesse de décentralisation et d’anonymat, ont toujours été une arme à double tranchant. Si elles séduisent les investisseurs et les innovateurs, elles attirent aussi ceux qui cherchent à masquer des fonds illicites. Mais où en sommes-nous aujourd’hui, alors que leur adoption légale progresse ?
Un Pic Historique en 2022
En 2022, le volume de cryptomonnaies utilisées à des fins criminelles a atteint un sommet vertigineux : 54 milliards de dollars, dont 31,5 milliards dédiés au seul blanchiment d’argent. Ces chiffres, issus des analyses de Chainalysis, montrent une explosion par rapport aux années précédentes. Entre 2019 et 2020, ce volume oscillait entre 9,9 et 11,1 milliards, avant de presque doubler en 2021 avec 18,3 milliards.
Évolution du blanchiment en chiffres :
- 2019 : 11,1 milliards de dollars
- 2020 : 9,9 milliards de dollars
- 2021 : 18,3 milliards de dollars
- 2022 : 31,5 milliards de dollars
- 2023 : 22,2 milliards de dollars
Cette hausse spectaculaire coïncide avec une période où les transactions en cryptomonnaies ont explosé, notamment pendant la pandémie de COVID-19. Mais si 2023 montre une baisse à 22,2 milliards, cela reste bien supérieur aux niveaux d’avant 2021. Alors, assiste-t-on à un réel recul ou à une simple adaptation des criminels ?
Le Cas Bybit : Un Hack Révélateur
En février 2025, la plateforme Bybit a subi un piratage monumental, qualifié par Elliptic de plus grand casse de l’histoire des cryptomonnaies. Avec 1,4 milliard de dollars dérobés, soit environ 500 000 ETH, cet incident a mis en lumière les défis persistants du secteur. Selon Ben Zhou, PDG de Bybit, 88,87 % des fonds restent traçables, mais 7,59 % ont déjà “disparu dans l’ombre”.
Plus de 88 % des fonds volés sont encore traçables, mais décoder les transactions des mixers reste notre défi numéro un.
Ben Zhou, PDG de Bybit
Les hackers ont utilisé des outils comme Wasabi, Tornado Cash, Railgun et CryptoMixer pour brouiller les pistes. Une partie des fonds a même transité par des plateformes peer-to-peer, compliquant encore leur suivi. Cet événement illustre une tendance clé : les criminels perfectionnent leurs techniques pour échapper aux autorités.
Les Outils Préférés des Blanchisseurs
Si les cryptomonnaies offrent une certaine transparence grâce à la blockchain, des outils spécifiques permettent de masquer les flux financiers. Les mixers et les ponts inter-chaînes (cross-chain bridges) sont au cœur de cette stratégie. Mais comment fonctionnent-ils, et pourquoi posent-ils problème ?
Les mixers, comme Tornado Cash, mélangent les fonds de plusieurs utilisateurs pour rendre leur origine indétectable. Les ponts inter-chaînes, quant à eux, permettent de transférer des actifs d’une blockchain à une autre, souvent moins surveillée. En 2022, l’utilisation des mixers a atteint un pic, avant de légèrement reculer en 2023 grâce aux efforts des forces de l’ordre.
Les outils d’anonymisation en action :
- Mixers : Wasabi, Tornado Cash, CryptoMixer
- Ponts inter-chaînes : En hausse constante depuis 2020
- Services d’échange P2P : Utilisés pour convertir les fonds
Lazarus Group : Les Maîtres du Crime Crypto
Derrière le hack de Bybit, les experts pointent du doigt le Lazarus Group, une organisation criminelle présumée liée à la Corée du Nord. Ce groupe aurait financé 40 % du programme nucléaire de Pyongyang grâce à des vols de cryptomonnaies. En mars 2025, Arkham Analytics a révélé que 12,9 BTC issus du casse avaient été transférés vers une adresse inconnue.
Leur modus operandi ? Exploiter les failles des plateformes, puis utiliser des mixers pour effacer leurs traces. Cette sophistication montre que le crime crypto n’est plus l’apanage de petits hackers, mais d’organisations structurées.
Régulation et Résistance : Un Bras de Fer
Face à cette montée du blanchiment, les autorités contre-attaquent. Europol souligne que le blanchiment reste l’usage criminel principal des cryptos. Pourtant, les efforts pour réguler les mixers et poursuivre leurs créateurs divisent. Les développeurs de Tornado Cash ou Samourai, par exemple, risquent des peines allant jusqu’à 25 ans de prison.
Une technologie n’est pas coupable des crimes qu’elle permet. On ne bannit pas l’argent liquide parce que les criminels l’utilisent.
Marta Belcher, avocate spécialisée
La communauté crypto défend ces outils, arguant qu’ils ont des usages légitimes, comme la protection de la vie privée. Mais pour les procureurs, leur rôle dans le crime est indéniable. Ce débat illustre une tension croissante entre innovation et sécurité.
Vers une Amélioration ou une Impasse ?
En 2023, malgré une baisse de 30 % du volume blanchi (contre 15 % pour les transactions totales), le crime crypto reste stable à environ 50 milliards par an. Chainalysis note une diversification des méthodes : les criminels se tournent vers des services d’échange discrets et des ponts inter-chaînes. Alors, les efforts de traçabilité suffiront-ils face à cette évolution ?
Le cas Bybit montre que la technologie avance des deux côtés. Si 88 % des fonds restent traçables, les 7,59 % “perdus” rappellent que l’anonymat reste un défi. Pour l’avenir, une chose est sûre : la lutte contre le blanchiment en crypto est loin d’être terminée.