Lorsqu’en septembre 2021, le Salvador est devenu le premier pays au monde à adopter le Bitcoin (BTC) comme monnaie officielle aux côtés du dollar américain, les réactions ont été mitigées. Si le président Nayib Bukele s’est réjoui de cette avancée majeure pour la démocratisation des crypto-monnaies, beaucoup d’observateurs sont restés sceptiques quant à l’adhésion réelle de la population à cette nouvelle monnaie virtuelle.
Une adoption du Bitcoin encore très limitée malgré un cadre légal favorable
Presque deux ans après cette adoption historique, force est de constater que le Bitcoin ne s’est pas encore imposé dans les usages quotidiens des Salvadoriens. Selon une étude récente menée par l’Université Francisco Gavidia de San Salvador sur un échantillon de 1224 personnes, seuls 7,5% des habitants utiliseraient le BTC pour leurs transactions courantes. À l’inverse, 92% des sondés déclarent ne pas utiliser les crypto-monnaies au quotidien.
Quelques chiffres clés de l’étude :
- 7,5% des Salvadoriens utilisent le Bitcoin pour leurs achats
- 92% n’utilisent pas du tout les crypto-monnaies
- 58% pensent que le pays va dans la bonne direction avec cette adoption
- Seulement 1,3% souhaitent que le BTC devienne la monnaie principale
Ces données contrastent avec l’enthousiasme et le volontarisme affichés par le chef de l’État. Depuis 2021, Nayib Bukele n’a cessé d’investir dans le Bitcoin, faisant fi des mises en garde répétées du FMI concernant les risques d’une telle politique pour la stabilité financière du pays. Le Salvador a même lancé un projet pharaonique de “Bitcoin City”, une ville entièrement dédiée aux crypto-monnaies et exemptée d’impôts (hors TVA).
Un cadre légal incitatif mais une adhésion populaire en demi-teinte
Malgré un cadre légal très favorable, avec notamment l’obligation pour tous les commerces d’accepter les paiements en BTC s’ils en ont la capacité technique, la population salvadorienne ne semble donc pas avoir encore complètement adhéré au virage crypto impulsé par son président. Cela n’empêche pas ce dernier de jouir d’une grande popularité, avec 58% des sondés estimant que le pays va globalement dans la bonne direction.
Un paradis crypto pour les touristes et investisseurs étrangers
Si l’adoption populaire du Bitcoin n’est pas encore au rendez-vous, le Salvador fait figure d’eldorado pour les investisseurs et touristes crypto-enthousiastes du monde entier. La quasi-totalité des commerces du pays sont désormais équipés pour accepter les paiements en BTC et autres crypto-monnaies. De nombreux projets et événements crypto fleurissent, attirant influenceurs, entrepreneurs et curieux de l’écosystème.
Le projet Bitcoin City cristallise toutes les attentions. Cette cité futuriste 100% crypto, prévue au pied du volcan Conchagua, ambitionne d’attirer entreprises et capitaux étrangers grâce à un environnement fiscal privilégié. Des investisseurs du monde entier, notamment des Turcs, ont déjà manifesté leur intérêt et engagé des discussions avec le gouvernement.
Entre idéal crypto et réalité socio-économique, le grand écart salvadorien
Au final, l’adoption du Bitcoin au Salvador illustre le décalage qui peut exister entre une vision progressiste et volontariste portée par un gouvernement, et la réalité des usages au sein d’une population qui n’a pas forcément les mêmes priorités ou le même niveau de connaissance des technologies crypto.
Malgré la détermination de Nayib Bukele et un cadre légal parmi les plus favorables au monde, le Bitcoin ne s’est pas (encore) imposé comme une monnaie du quotidien pour les Salvadoriens. Le pays attire en revanche une nouvelle catégorie de touristes et d’investisseurs ayant la crypto-culture chevillée au corps. Un décalage qui pose question sur les motivations réelles et les bénéfices concrets pour la population de cette disruption monétaire voulue par le pouvoir en place.
Le Salvador restera quoi qu’il arrive un cas d’école passionnant et un laboratoire grandeur nature pour l’adoption à l’échelle d’un pays d’une crypto-monnaie comme monnaie légale. Mais le chemin vers une véritable démocratisation du Bitcoin dans la population semble encore long et semé d’embûches. Un paradoxe dans ce petit pays d’Amérique centrale qui aura été le premier à franchir le pas.