Imaginez la scène : vous êtes au DealBook Summit du New York Times, l’un des événements les plus courus de Wall Street. Sur scène, Larry Fink, l’homme qui gère plus de 11 000 milliards de dollars chez BlackRock. Tout le monde retient son souffle, attendant la grande bénédiction crypto. Et là, au lieu du feu d’artifice espéré, il pose une douche froide.
Non, Bitcoin n’est pas devenu l’actif miracle que certains rêvent. Oui, les ETF cartonnent. Mais non, ça ne veut pas dire que le risque a disparu. Le message est clair : calmez-vous.
Larry Fink : « Bitcoin est un actif de la peur »
Le terme est resté dans toutes les têtes : asset of fear. Traduisez « actif de la peur ». Pour le patron de BlackRock, Bitcoin ne brille pas parce qu’il est supérieur à l’or ou aux obligations. Il brille surtout quand le monde a peur.
« Quand les gens ont peur des banques centrales, peur de leur monnaie, peur de la stabilité mondiale… ils se tournent vers Bitcoin. C’est un actif psychologique plus qu’un actif économique rationnel. »
Larry Fink, DealBook Summit – 4 décembre 2025
En une phrase, Fink vient de résumer ce que beaucoup refusent d’admettre : le cours du BTC est intimement lié au niveau d’angoisse collective. Quand tout va bien, il stagne ou baisse. Quand ça tremble (guerre, inflation, crise bancaire), il explose. Point final.
Pourquoi cette déclaration fait autant de bruit
Parce qu’elle vient de l’homme qui a littéralement ouvert les vannes institutionnelles sur Bitcoin. C’est BlackRock qui a déposé la première demande d’ETF Bitcoin spot en 2023. C’est son fonds IBIT qui truste la première place mondiale avec près de 70 milliards sous gestion en pic. Quand cet homme-là dit « attention, c’est risqué », le marché écoute.
Et il n’a pas mâché ses mots : pas de « to the moon », pas de promesse de 500 000 $ en 2026. Juste une mise en garde calme, posée, presque paternelle.
Pas de crypto winter en vue… mais pas d’euphorie non plus
Assis à côté de Brian Armstrong (PDG de Coinbase), Larry Fink a été interrogé sur les 3,5 milliards de dollars de sorties nettes des ETF Bitcoin en novembre. Sa réponse ?
Ce n’est pas le début d’un hiver crypto. C’est simplement le marché qui respire après deux ans d’euphorie non-stop.
Les deux patrons ont été unanimes :
- Les ETF ont changé la donne de façon irréversible
- Les institutions continuent d’entrer, même discrètement
- La régulation progresse dans le bon sens
- Chaque correction a toujours été suivie d’une adoption plus large
Brian Armstrong a même ajouté que les périodes de baisse sont « saines » et nécessaires pour évacuer la spéculation pure avant la prochaine vague d’adoption.
IBIT : le succès monstre qui cache une réalité brutale
Revenons sur les chiffres. Lancé en janvier 2024, l’ETF Bitcoin spot de BlackRock (IBIT) a atteint 70 milliards de dollars en moins de deux ans. C’est plus rapide jamais enregistré dans l’histoire des ETF, tous actifs confondus.
Mais novembre 2025 a été violent : plus de 3,5 milliards de sorties nettes sur l’ensemble des ETF Bitcoin spot. IBIT a lui-même enregistré des journées à -800 millions. Preuve que même les institutionnels paniquent quand le prix chute sous les 90 000 $.
Le paradoxe ? BlackRock continue de gagner dans tous les cas. Avec 0,25 % de frais de gestion annuel, chaque milliard sous gestion rapporte 2,5 millions par an. À 60 milliards, faites le calcul… La machine à cash tourne, même quand le prix baisse.
Bitcoin, thermomètre de l’angoisse mondiale
Ce qui rend la formule « actif de la peur » si puissante, c’est qu’elle colle parfaitement à l’histoire du Bitcoin.
- 2020 – Pandémie → Bitcoin passe de 4 000 $ à 64 000 $
- 2022 – Guerre en Ukraine + inflation → nouveau ATH à 69 000 $
- 2024-2025 – Craintes de récession + tensions géopolitiques → explosion vers 108 000 $
À l’inverse, dès que la Fed baisse les taux et que la confiance revient, Bitcoin consolide ou corrige. C’est presque mécanique.
Ce que ça change pour l’investisseur particulier
Le message de Fink s’adresse d’abord aux institutionnels, mais il rappelle aussi une vérité simple à tous les holders : Bitcoin n’est pas devenu un actif « normal » du jour au lendemain.
Il reste :
- Extrêmement volatil (50-80 % de drawdown réguliers)
- Fortement corrélé aux prises de risque globales
- Sensible aux chocs exogènes (guerre, politique monétaire)
- Psychologique avant d’être fondamental
En clair : si vous cherchez la stabilité, regardez ailleurs. Si vous acceptez le risque pour un potentiel asymétrique, Bitcoin reste unique.
Et maintenant ?
Le discours de Larry Fink ne tue pas la hype. Il la recadre.
Il dit en substance : « Oui, Bitcoin fait désormais partie du paysage financier. Oui, les institutions vont continuer à arriver. Mais non, ça n’a pas supprimé le risque. Au contraire, ça l’a institutionnalisé. »
Pour le marché, c’est plutôt une bonne nouvelle. Une adoption qui avance sans dérapage euphorique dure plus longtemps qu’une adoption fiévreuse qui finit en larmes.
« Nous ne sommes plus dans la phase où l’on doit convaincre que Bitcoin existe. Nous sommes dans la phase où l’on doit gérer son intégration responsable. »
Larry Fink (paraphrase)
En définitive, Larry Fink n’a pas calmé la hype pour le plaisir. Il l’a calmée parce qu’il sait que la prochaine vague d’adoption – celle des fonds de pension, des assureurs, des États – ne viendra qu’avec une approche adulte du risque.
Et ça, c’est peut-être la meilleure nouvelle que Bitcoin ait reçue cette année.
