Imaginez un instant que votre exchange crypto préféré, banni hier, soit soudainement autorisé à opérer aujourd’hui. C’est exactement ce qui vient d’arriver à Bybit, la plateforme singapourienne qui a été retirée de la liste noire de l’Autorité des Marchés Financiers (AMF) en France. Cette décision, annoncée le 14 février 2025 par Ben Zhou, PDG de Bybit, marque un tournant majeur pour l’entreprise qui cherche maintenant à obtenir une licence MiCA pour étendre ses activités dans toute l’Union Européenne.
Bybit se rachète une conduite auprès de l’AMF
Remontons un peu dans le temps. En mai 2022, Bybit avait été placé sur la liste noire de l’AMF pour non-conformité avec la réglementation française. Une sanction lourde de conséquences pour la plateforme qui voyait ainsi ses perspectives de développement en Europe sérieusement compromises. Mais plutôt que de baisser les bras, Bybit a choisi de jouer la carte de la collaboration avec le régulateur.
Pendant plus de deux ans, les équipes de Bybit ont travaillé main dans la main avec l’AMF pour corriger les manquements identifiés et se mettre en conformité avec les exigences réglementaires françaises. Un travail de longue haleine qui a finalement payé. « Nous avons été retirés de la liste noire de l’AMF et nous poursuivons notre engagement à respecter les normes réglementaires les plus élevées », a déclaré Ben Zhou sur X (anciennement Twitter).
Un passeport européen en ligne de mire
Mais Bybit ne compte pas s’arrêter en si bon chemin. Forte de sa réhabilitation en France, la plateforme vise désormais l’obtention d’une licence MiCA (Markets in Crypto-Assets) qui lui permettrait d’opérer dans l’ensemble de l’Union Européenne. Cette licence, véritable sésame pour les acteurs crypto, garantit que son détenteur respecte des normes strictes en matière de sécurité, de transparence et de protection des consommateurs.
« Nous travaillons activement à l’obtention d’une licence MiCA pour offrir nos services à travers l’Europe », a précisé Ben Zhou. Une ambition qui n’est pas sans rappeler celle d’autres grands noms de l’industrie comme Bitget et OKX, eux aussi engagés dans une course à la conformité réglementaire sur le Vieux Continent.
Un long chemin vers la reconnaissance
Le retrait de Bybit de la liste noire de l’AMF est incontestablement une victoire pour la plateforme. Mais le chemin vers une pleine reconnaissance en Europe est encore long et semé d’embûches. Car si la France semble avoir été convaincue par les efforts de mise en conformité de Bybit, d’autres pays comme l’Allemagne ou l’Italie pourraient se montrer plus exigeants.
De plus, même avec une licence MiCA en poche, Bybit devra faire face à une concurrence féroce sur le marché européen. Des acteurs historiques comme Coinbase ou Kraken, mais aussi de nouveaux entrants agressifs comme Binance, sont déjà solidement implantés et ne laisseront pas facilement leur part du gâteau.
L’Europe, nouveau terrain de jeu des exchanges
L’épisode Bybit illustre parfaitement les enjeux de la régulation crypto en Europe. Avec MiCA, l’Union Européenne s’est dotée d’un cadre législatif ambitieux qui vise à assainir le marché et à protéger les investisseurs, tout en favorisant l’innovation. Une approche équilibrée qui séduit de plus en plus d’acteurs internationaux en quête de respectabilité.
Car au-delà de Bybit, c’est toute une génération d’exchanges crypto qui se bouscule aux portes de l’Europe. Des géants asiatiques comme Huobi ou KuCoin aux challengers américains comme FTX ou Bittrex, tous voient dans le Vieux Continent un relais de croissance majeur pour les années à venir. Et ils sont prêts à mettre les moyens pour se faire une place au soleil.
Vers une maturité du marché crypto européen ?
Mais attention, cette ruée vers l’Europe ne se fera pas sans douleur. Car pour obtenir leur précieux sésame, les exchanges devront se plier à des exigences réglementaires toujours plus strictes, en matière de KYC (Know Your Customer), de LCB-FT (Lutte contre le Blanchiment et le Financement du Terrorisme) ou encore de gestion des risques. Un véritable parcours du combattant qui en découragera plus d’un.
A terme, cette sélection naturelle pourrait bien faire émerger un marché crypto européen plus mature, plus sûr et plus transparent. Un marché dominé par une poignée d’acteurs de confiance, capables de proposer des services de qualité à une clientèle exigeante. Un marché, enfin, où les cryptomonnaies seraient pleinement intégrées au paysage financier et économique.
L’Europe a une opportunité unique de devenir le leader mondial de la régulation crypto. En trouvant le bon équilibre entre protection et innovation, elle peut créer un environnement favorable au développement d’un écosystème crypto pérenne et responsable.
Patrick Roch, expert en réglementation financière
Un long chemin encore à parcourir
Bien sûr, la route est encore longue avant d’en arriver là. MiCA n’entrera pas en vigueur avant 2024 et de nombreuses incertitudes demeurent quant à son application concrète. Les régulateurs nationaux devront aussi monter en compétence pour assurer un contrôle efficace des acteurs crypto, sans parler de l’harmonisation nécessaire des règles au niveau européen.
Mais une chose est sûre : avec le retour de Bybit et l’arrivée annoncée de nombreux autres exchanges, le marché crypto européen est en train de changer de dimension. Une nouvelle ère s’ouvre, celle de la maturité et de la massification. Une ère pleine de promesses, mais aussi de défis à relever pour bâtir la finance décentralisée de demain.
Ce qu’il faut retenir :
- Bybit a été retiré de la liste noire de l’AMF après 2 ans d’efforts de conformité
- La plateforme vise désormais une licence MiCA pour opérer dans toute l’Europe
- De nombreux exchanges internationaux lorgnent le marché européen
- MiCA pourrait faire émerger un écosystème crypto plus mature et responsable
Le cas Bybit n’est que la partie émergée de l’iceberg. Dans les mois et années à venir, c’est tout le paysage crypto européen qui est appelé à se transformer sous l’effet conjugué de la régulation et de l’arrivée de nouveaux acteurs. Une transformation profonde qui ne manquera pas de susciter des remous, mais qui pourrait aussi être porteuse d’opportunités inédites pour les investisseurs et les entrepreneurs.
A nous tous, acteurs et observateurs de cet écosystème en pleine effervescence, de construire ensemble la prochaine génération de la finance décentralisée. Une finance plus juste, plus transparente et plus accessible. Une finance au service de l’intérêt général et non plus de quelques privilégiés. Le chemin sera long et semé d’embûches, mais la destination en vaut la peine. Alors, prêts pour l’aventure ?