Le géant des cryptomonnaies Binance vient de remporter une victoire significative, bien que partielle, dans son combat juridique face au gendarme boursier américain, la Securities and Exchange Commission (SEC). Mais cette avancée pourrait n’être qu’une étape dans la longue bataille réglementaire qui oppose le secteur des cryptoactifs aux autorités.
La justice valide une partie des poursuites contre Binance
La juge Amy Berman Jackson, du tribunal de district de Columbia, a autorisé la SEC à poursuivre son action contre Binance pour avoir prétendument proposé des services de courtage, d’échange et de compensation non enregistrés pour des titres numériques aux États-Unis. Cependant, elle a également rejeté certaines accusations dans cette affaire.
Le tribunal a ainsi maintenu les charges liées à l’initial coin offering (ICO) de Binance, aux ventes en cours de BNB, au service BNB Vault et au staking, ainsi que les allégations de défaut d’enregistrement et de fraude. Mais la juge Jackson a aussi donné raison à Binance en rejetant les accusations concernant les ventes secondaires de BNB et le programme Simple Earn.
La nature évolutive des tokens mise en avant
Dans sa décision, la magistrate a souligné la nature changeante des tokens. Ce n’est pas parce qu’un jeton était initialement considéré comme faisant partie d’un contrat d’investissement qu’il doit nécessairement conserver cette qualification indéfiniment, a-t-elle expliqué.
Cody Carbone, responsable des politiques à la Digital Chamber, a salué ces éclaircissements sur l’évolution de la classification des tokens. Il a souligné l’importance de distinguer les jetons qui fonctionnent comme des titres de ceux qui n’en sont pas sur le marché actuel.
L’approche controversée de la SEC critiquée
L’approche de la SEC en matière de régulation des cryptos fait débat. La juge Jackson a d’ailleurs critiqué la position fluctuante de l’agence et l’absence d’un cadre réglementaire complet adapté à l’industrie des cryptoactifs.
Vers un durcissement fiscal pour les cryptos
Pendant ce temps, le département du Trésor américain a finalisé de nouvelles règles fiscales ciblant les transactions en cryptomonnaies. À partir de l’année prochaine, pour la saison fiscale 2026, les courtiers en cryptos, y compris les exchanges et les processeurs de paiement, devront déclarer au fisc les ventes et échanges d’actifs numériques de leurs utilisateurs.
Cette mesure, issue d’une loi bipartite de 2021 sur les infrastructures, vise à lutter contre l’évasion fiscale dans l’espace crypto. Les nouvelles règles aligneront les obligations déclaratives sur celles en vigueur pour les instruments financiers traditionnels comme les actions et les obligations.
Lawrence Zlatkin, vice-président fiscal chez Coinbase, a salué ces règles finales plus “raisonnables et rationnelles” centrées sur les courtiers dépositaires comme sa plateforme. Mais il a regretté l’absence d’un seuil minimal et l’inclusion de transactions non financières.
Un seuil de 10 000 dollars a toutefois été fixé pour le signalement des transactions impliquant des stablecoins.
La Cour suprême réduit les pouvoirs des régulateurs
Dans une décision historique distincte, la Cour suprême a limité l’autorité de l’exécutif pour interpréter les lois, impactant sensiblement les prérogatives des agences fédérales. Ce revers pour la “déférence Chevron” renforce le contrôle judiciaire sur l’action des régulateurs, y compris dans le domaine des cryptos.
Pour Paul Grewal, juriste en chef de Coinbase, ce contexte met en lumière les batailles en cours pour plus de transparence réglementaire. Il a fustigé sur Twitter les manœuvres de la SEC pour bloquer l’accès de Coinbase à des documents de son président Gary Gensler, cruciaux selon lui pour révéler de potentielles violations de procédure dans les actions coercitives de l’agence.
Quel avenir pour la régulation des cryptos ?
Si le secteur des cryptomonnaies peut se réjouir du revers infligé à la SEC dans le dossier Binance, l’étau réglementaire et fiscal continue de se resserrer. L’évolution de la classification des tokens ouvre certes des perspectives, mais les exchanges et les utilisateurs devront composer avec un cadre normatif de plus en plus strict.
Pour certains, cette régulation croissante est indispensable pour assainir et crédibiliser l’industrie des cryptos. Mais d’autres y voient une menace pour l’innovation et l’esprit originel de liberté de ces actifs numériques décentralisés. Le débat est loin d’être tranché…