Alors que la livre turque dévisse et que l’inflation flambe, les autorités multiplient les initiatives pour renflouer les caisses de l’État. Dernière idée en date : taxer les plus-values réalisées sur les marchés financiers, cryptos compris. Une perspective qui inquiète les investisseurs, déjà échaudés par l’instabilité économique chronique du pays.
La Turquie, malade de l’inflation
Avec un taux d’inflation dépassant les 40% sur un an, la Turquie traverse une passe difficile. La monnaie nationale, la livre, a perdu plus de 60% de sa valeur face au dollar depuis début 2023. Une dépréciation qui renchérit le coût des importations et pèse sur le pouvoir d’achat des ménages.
Pour enrayer cette spirale inflationniste, le gouvernement multiplie les mesures d’austérité budgétaire. Objectif : réduire les dépenses publiques et augmenter les recettes fiscales. C’est dans ce contexte que Mehmet Şimşek, le ministre des Finances, a évoqué la possibilité d’une taxation des gains boursiers et des profits tirés du trading de cryptomonnaies.
Une manne fiscale alléchante
Alors que les actifs numériques séduisent de plus en plus de Turcs en quête de refuge face à la débâcle de la livre, le gouvernement y voit une opportunité pour renflouer ses caisses. Selon des sources proches du dossier, cette “taxe crypto” a été discutée lors d’une récente réunion du parti au pouvoir, l’AKP.
Les modalités précises restent à définir, mais cette initiative s’inscrit dans une volonté plus large d’assurer “une imposition appropriée de tous les revenus financiers”. Une manière aussi pour la Turquie de se conformer aux recommandations du GAFI, qui l’a placée sous surveillance renforcée en raison de failles dans son dispositif anti-blanchiment.
Vers une réglementation plus stricte des cryptos
Cette potentielle taxe crypto intervient alors que la Turquie cherche à encadrer plus étroitement les actifs numériques. Un projet de loi, qui doit être examiné par le Parlement cette semaine, prévoit notamment :
- Des obligations de capital minimum pour les entreprises crypto
- Une définition légale des notions clés (cryptoactifs, portefeuilles, prestataires de services…)
- Des garde-fous pour protéger les investisseurs particuliers
Avec cette réglementation, les autorités espèrent mieux contrôler un secteur en plein essor, sur lequel elles avaient jusqu’ici peu de prise. Mehmet Şimşek a d’ailleurs souligné début 2024 que ces règles visaient à “atténuer les risques liés au trading de crypto”.
Un signal négatif pour le marché crypto turc
Si les contours de cette taxe restent flous, son principe même suscite déjà des inquiétudes chez les crypto-investisseurs turcs. Beaucoup craignent que cette mesure ne décourage l’adoption des actifs numériques, alors même que ces derniers représentent pour nombre de citoyens un moyen de protéger leur épargne de l’inflation et de la dévaluation de la livre.
Cette taxation pourrait aussi freiner le développement de l’écosystème crypto turc, en poussant certains acteurs à se délocaliser vers des juridictions plus clémentes. Un risque dont les autorités semblent avoir conscience, puisqu’elles promettent une approche “équilibrée” et “progressive” dans la mise en œuvre de cette fiscalité.
Au final, cette taxe crypto illustre le grand écart auquel se livre la Turquie :
- D’un côté, la nécessité de réguler un marché en pleine expansion pour se conformer aux standards internationaux et endiguer certaines dérives
- De l’autre, la volonté de ne pas casser une dynamique porteuse, alors même que le pays traverse une crise économique majeure
Un équilibre délicat, dont dépendra en partie l’avenir de la crypto-sphère turque dans les années à venir. Les investisseurs, eux, retiennent leur souffle, dans l’attente de précisions sur les modalités et le calendrier de cette réforme fiscale.