Le secteur du minage de cryptomonnaies vient de connaître un séisme réglementaire aux États-Unis. Un tribunal fédéral a en effet statué que les boîtiers miniers vendus par la société Green United constituent des titres financiers. Une décision qui donne raison aux accusations de fraude lancées par la SEC et qui pourrait avoir de lourdes conséquences pour l’industrie.
Green United, ou la promesse d’un minage vert… et juteux
Fondée en 2021 dans l’Utah, la startup Green United s’est rapidement fait un nom avec un concept attrayant : permettre au grand public d’investir dans du matériel de minage présenté comme “vert”, avec à la clé des rendements mensuels pouvant atteindre 50%. L’engouement est au rendez-vous et la société lève 18 millions de dollars auprès d’investisseurs particuliers, séduits par la promesse de profits faciles et la bonne conscience écologique. Mais le rêve va tourner court…
La SEC dégaine une plainte pour fraude
En mars 2023, le ciel s’assombrit pour Green United. La SEC, le gendarme boursier américain, accuse la firme et ses dirigeants, Wright Thurston et Kristoffer Krohn, d’avoir monté un système frauduleux et vendu pour 18 millions de dollars de faux actifs. Selon la plainte, les fameux boîtiers verts n’ont en réalité jamais servi à miner des tokens écolo, mais uniquement du Bitcoin. Les profits étaient directement empochés par Thurston et Krohn.
Contrairement aux tokens ERC-20 (comme le GREEN), certains crypto-actifs comme le Bitcoin utilisent le processus de minage pour générer de nouveaux tokens. Avec ces crypto-actifs, un nouveau token est miné en récompense pour les mineurs qui complètent des algorithmes avec des fonctions de hachage cryptographique vérifiant les nouvelles transactions sur la blockchain.
Extrait de la plainte de la SEC
Pour simuler un minage fructueux, Green United achetait en fait des tokens non minés pour les déposer sur les comptes des investisseurs. Selon la SEC, la cryptomonnaie GREEN n’avait donc aucune valeur réelle.
La justice qualifie les “Green Boxes” de titres
Malgré les dénégations de Green United, qui affirme qu’aucun investisseur n’a perdu d’argent et que l’hébergement de matériel de minage est une pratique courante, y compris pour des sociétés cotées, la juge Ann Marie McIff Allen a donné raison à la SEC. Les boîtiers étaient vendus avec des contrats d’hébergement, Green United s’engageant à les gérer pour le compte des investisseurs en leur promettant d’énormes profits. Ils rentrent donc dans la catégorie des investissements spéculatifs.
Le casse-tête de la régulation crypto
Ce jugement s’inscrit dans la droite ligne de l’offensive de la SEC pour réguler le secteur des cryptomonnaies. Depuis plusieurs mois, l’autorité multiplie les procédures contre les acteurs de l’industrie, du géant des échanges Binance à la plateforme NFT OpenSea, au motif que la plupart des tokens et jetons non fongibles seraient en réalité des titres financiers non enregistrés.
Pour déterminer si un actif est un titre, la SEC se base sur le “Howey Test”, un cadre légal datant de 1946. Quatre critères sont pris en compte : l’existence d’un investissement d’argent, dans une entreprise commune, avec une attente de profits, provenant des efforts des promoteurs ou des tiers.
Mais ce test apparaît de plus en plus obsolète et inadapté face aux réalités du Web3. D’autant que la SEC semble l’appliquer de manière fluctuante. Le président de l’autorité, Gary Gensler, a ainsi déclaré à plusieurs reprises que tous les tokens sauf le Bitcoin devraient être considérés comme des titres. Avant de se contredire dans une plainte amendée contre Binance en affirmant que des tokens spécifiques n’étaient pas forcément des titres, tout dépendant du contexte…
Vers une régulation sur mesure pour les cryptos ?
Face à ces revirements et ce flou juridique, de nombreuses voix s’élèvent, au sein même du Congrès, pour réclamer un cadre réglementaire clair et adapté aux cryptoactifs. Sans cela, les États-Unis risquent de freiner l’innovation et de faire fuir les entreprises du secteur, au profit de juridictions plus crypto-friendly.
Mais il y a urgence à agir pour protéger les investisseurs, souligne la SEC. Le cas Green United en est l’illustration : malgré les promesses d’éthique et de transparence de la société, 18 millions de dollars se sont volatilisés dans une opération frauduleuse.
Si le jugement rendu dans cette affaire ne crée pas en soi un précédent légal, il envoie un avertissement clair aux acteurs du minage, de plus en plus nombreux à lever des fonds via des ventes de matériel ou des contrats de cloud mining. Leurs offres pourraient être requalifiées en produits financiers spéculatifs et les soumettre à la lourde réglementation des marchés traditionnels. Une menace existentielle pour un pan entier de l’industrie.