Imaginez un pays frappé par des sanctions internationales tous azimuts, privé d’accès au système SWIFT, et pourtant capable de devenir en quelques mois la deuxième puissance mondiale du minage de Bitcoin. Ce pays existe. Il s’appelle la Russie. Et en cet automne 2025, Moscou vient de francher un cap que peu d’analystes avaient anticipé : 16,6 % du hashrate mondial du réseau Bitcoin.

Derrière les États-Unis, mais loin devant le Kazakhstan, le Canada ou tout autre concurrent, la Fédération de Russie s’impose désormais comme un acteur incontournable de l’écosystème Bitcoin. Une ascension aussi rapide qu’impressionnante, qui repose sur des avantages structurels, une volonté politique claire et une bonne dose de réalisme face à la guerre économique.

La Russie, nouveau titan du minage : les chiffres qui ne mentent pas

L’été 2025 a marqué un tournant. Selon les données compilées par plusieurs pools de minage et relayées par le média russe RBC, les mineurs russes ont atteint un hashrate combiné supérieur à 150 EH/s. Pour mettre ce chiffre en perspective : cela représente plus d’un sixième de la puissance totale mondiale dédiée à sécuriser le réseau Bitcoin.

Concrètement, cela signifie que près d’une transaction sur six validée sur la blockchain Bitcoin l’été dernier a été trouvée par un mineur situé en Russie. Un score qui place le pays juste derrière les États-Unis (environ 38-40 %) et très largement devant le troisième, qui oscille généralement entre 5 et 8 % selon les mois.

« Nous avons un nouveau produit d’exportation, un produit sous-évalué : le minage de cryptomonnaies. Il s’agit déjà de montants importants, qui constituent des exportations cachées. »

Maxim Oreshkin, conseiller économique de Vladimir Poutine

Cette déclaration, faite publiquement par Maxim Oreshkin, chef de cabinet adjoint du président russe et conseiller économique de premier plan, n’est pas une simple formule. Elle traduit une prise de conscience au plus haut niveau de l’État : le mining n’est plus une activité marginale, c’est une véritable industrie exportatrice.

Pourquoi la Russie possède-t-elle tous les ingrédients du succès ?

Le cocktail est en réalité assez simple à comprendre, même s’il est difficilement reproductible ailleurs.

  • Une énergie abondante et peu chère : la Sibérie et l’Extrême-Orient regorgent d’hydroélectricité et de gaz naturel. Des régions où l’électricité coûte parfois moins de 0,03 $ le kWh, contre 0,12 à 0,20 $ dans la plupart des pays occidentaux.
  • Un climat naturellement froid : le refroidissement des machines représente jusqu’à 40 % des coûts d’exploitation d’une ferme de minage. En Russie, la nature fait le travail gratuitement neuf mois par an.
  • Des infrastructures existantes : d’anciennes usines soviétiques, des centrales électriques sous-utilisées, des lignes à haute tension déjà en place : tout est prêt pour accueillir des milliers d’ASIC sans investir des milliards.
  • Une monnaie nationale sous pression : avec le rouble affaibli et les réserves de change sous contrôle occidental, le Bitcoin miné devient une forme de réserve de valeur immédiatement convertible et impossible à geler.

Ajoutez à cela une réglementation qui, depuis 2024, autorise officiellement le minage industriel (tant qu’il est déclaré et taxé), et vous obtenez l’environnement parfait.

Des sanctions qui ont accéléré le mouvement

Ironie de l’histoire : les sanctions occidentales, censées asphyxier l’économie russe, ont paradoxalement servi de catalyseur.

Quand les grandes banques russes ont été exclues de SWIFT en 2022, puis que les cartes Visa et Mastercard ont cessé de fonctionner, le pays a dû trouver des alternatives. Les cryptomonnaies se sont imposées comme l’une des plus efficaces.

Le minage n’est plus seulement une activité lucrative, il est devenu stratégique.

  • Il génère des devises fortes (BTC) directement exportables.
  • Il permet de monétiser l’énergie excédentaire sans passer par les réseaux gaziers européens.
  • Il offre une porte de sortie aux oligarques et entreprises sanctionnées qui peuvent ainsi continuer à commercer.

Aujourd’hui, payer une cargaison de blé indien ou de pièces détachées chinoises en Bitcoin (puis converti immédiatement en USDT ou en yuans numériques) est devenu courant pour de nombreuses entreprises russes.

Le stablecoin A7A5 : l’arme secrète du rouble numérique

Autre signe qui ne trompe pas : le stablecoin russe A7A5, indexé sur le rouble, est devenu en quelques mois le premier stablecoin non-dollarisé en termes de capitalisation. Devant ceux adossés à l’euro, au yen ou à toute autre monnaie fiat hors dollar.

Cela signifie concrètement que des acteurs internationaux acceptent désormais d’être payés en « roubles numériques » sans passer par le système bancaire traditionnel. Une petite révolution géopolitique qui passe presque inaperçue en Occident.

La Banque centrale va intégrer le mining dans la balance des paiements

Le plus révélateur reste à venir : la Banque de Russie travaille actuellement à intégrer officiellement les revenus du minage de cryptomonnaies dans le calcul de la balance des paiements du pays.

Autrement dit, le Bitcoin miné en Sibérie sera bientôt considéré comme une exportation de biens à part entière, au même titre que le pétrole, le gaz ou le blé. Une reconnaissance institutionnelle rarissime dans le monde.

« Vous pouvez payer vos importations avec des cryptomonnaies, ce qui a également une incidence sur le marché des changes. »

Maxim Oreshkin

Cette phrase, prononcée sans détour, résume parfaitement la nouvelle doctrine économique russe : là où l’Occident voit une menace spéculative, Moscou voit un outil de souveraineté.

Et les États-Unis dans tout ça ?

Washington conserve encore une avance confortable (environ 38-40 % du hashrate mondial), mais la tendance est inquiétante pour les Américains. La Russie a multiplié sa part par plus de cinq en moins de trois ans.

Et contrairement aux États-Unis, où l’électricité reste chère dans la plupart des États et où les réglementations environnementales se durcissent, la Russie n’a aucune contrainte de ce type. Au contraire : le Kremlin encourage ouvertement le développement de nouvelles fermes de minage dans les régions dépeuplées.

Certains analystes estiment que d’ici 2027-2028, la Russie pourrait dépasser les 25 % du hashrate mondial si la tendance se maintient. Un scénario qui ferait du pays le premier mineur de Bitcoin devant les États-Unis.

Quelles conséquences pour le réseau Bitcoin lui-même ?

La concentration du hashrate dans deux pays (États-Unis + Russie = plus de 55 %) pose évidemment la question de la décentralisation. Si théoriquement le protocole reste robuste, la réalité géopolitique devient plus fragile.

  • Un conflit ouvert entre l’Occident et la Russie pourrait-il affecter le réseau ?
  • Une coordination (ou une confrontation) entre Washington et Moscou sur le minage est-elle imaginable ?
  • Les autres pays (Canada, Kazakhstan, Iran, etc.) parviendront-ils à rester dans la course ?

Pour l’instant, la réponse est non. Le réseau Bitcoin a survécu à l’interdiction chinoise de 2021, il survivra probablement à cette nouvelle donne géopolitique. Mais le paysage du minage, lui, a définitivement changé de visage.

La Russie n’est plus un acteur émergent. Elle est devenue, en 2025, le nouveau géant du minage Bitcoin. Et cette réalité, aussi dérangeante soit-elle pour certains, est en train de redessiner les équilibres mondiaux de la première cryptomonnaie.

Le message est clair : dans un monde fracturé, ceux qui contrôlent l’énergie et acceptent Bitcoin contrôlent une partie du futur monétaire. Et pour l’instant, la Russie a pris une longueur d’avance décisive.

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