Et si les États-Unis tentaient de réécrire les règles de la finance mondiale pour gérer leur dette colossale de 35 000 milliards de dollars grâce aux cryptomonnaies ? Cette idée, lancée par un conseiller du Kremlin, a de quoi intriguer. Anton Kobyakov, proche de Vladimir Poutine, a récemment accusé Washington de vouloir utiliser les stablecoins pour alléger le fardeau de sa dette. Simple théorie du complot ou stratégie économique audacieuse ? Cet article plonge dans les méandres de cette hypothèse, explore les précédents historiques et analyse les implications pour l’avenir de la finance mondiale.
Une Accusation Venue de Russie
Lors du Forum économique oriental de Vladivostok, le 6 septembre 2025, Anton Kobyakov a jeté un pavé dans la mare. Selon lui, les États-Unis envisageraient de transférer une partie de leur dette dans ce qu’il appelle un « nuage crypto ». Ce terme désigne l’utilisation des stablecoins, ces cryptomonnaies indexées sur des actifs comme le dollar, pour dévaluer les obligations financières du pays. Une telle manœuvre, affirme-t-il, permettrait à Washington de repartir de zéro, tout en repoussant les coûts sur les créanciers mondiaux.
Les États-Unis cherchent à transférer leur dette dans un nuage crypto, dévaluant ainsi leurs engagements financiers.
Anton Kobyakov, conseiller de Vladimir Poutine
Cette déclaration n’est pas anodine. Elle s’inscrit dans un contexte de tensions géopolitiques où la Russie et d’autres nations cherchent à réduire leur dépendance au dollar. Mais au-delà de la rhétorique, l’idée d’un « reset » financier via les cryptomonnaies mérite une analyse sérieuse. Pour comprendre, il faut remonter aux moments où les États-Unis ont déjà modifié les règles monétaires pour gérer leur dette.
Les Précédents Historiques : Quand les USA Réécrivent les Règles
L’histoire financière américaine est marquée par des décisions audacieuses qui ont redéfini la gestion de la dette. Deux épisodes clés illustrent cette capacité à changer les règles du jeu pour protéger les intérêts nationaux.
1933-1934 : La Fin de l’Étalon-Or
Au cœur de la Grande Dépression, les États-Unis ont abandonné l’étalon-or. Le gouvernement de Roosevelt a saisi l’or des citoyens, annulé les clauses de paiement en or dans les contrats et revalorisé l’once d’or de 20,67 $ à 35 $. Cette dévaluation a généré des profits fictifs de près de 2,8 milliards de dollars, utilisés pour stabiliser le marché des changes. Résultat : la dette en dollars a perdu de sa valeur réelle, au détriment des créanciers.
Ce n’était pas un simple ajustement technique. Cette décision a permis aux États-Unis de relancer l’inflation et de réduire le poids réel de leurs obligations, tout en transférant une partie du fardeau aux détenteurs étrangers de dollars.
1971 : La Fin de Bretton Woods
Dans les années 1960, les réserves d’or américaines ne suffisaient plus à garantir la convertibilité du dollar. En 1971, Nixon a suspendu cette convertibilité, mettant fin au système de Bretton Woods. Le dollar est devenu une monnaie fiat, flottante, sans ancrage à l’or. Cette décision a déclenché une inflation mondiale, réduisant la valeur réelle des créances en dollars détenues par les investisseurs étrangers.
Ces deux moments montrent une constante : face à des pressions financières, les États-Unis ont su modifier les règles monétaires pour alléger leur fardeau, souvent au détriment des autres nations. Kobyakov s’appuie sur ces précédents pour suggérer qu’un scénario similaire pourrait se dessiner avec les cryptomonnaies.
Le GENIUS Act : Une Porte Ouverte aux Stablecoins
En juillet 2025, le président Donald Trump a promulgué le GENIUS Act, une loi qui encadre les stablecoins aux États-Unis. Ce texte impose des règles strictes : les stablecoins doivent être adossés à des liquidités ou à des obligations du Trésor à court terme, avec des audits mensuels et des licences fédérales. Mais derrière cet encadrement, se cache une réalité : les stablecoins sont désormais liés au marché de la dette publique américaine.
Les stablecoins, en s’appuyant sur les obligations du Trésor, deviennent un outil de financement de la dette américaine.
Analyste financier anonyme
Les principaux émetteurs de stablecoins, comme Tether et Circle, détiennent des réserves massives en obligations du Trésor. À ce jour, Tether possède plus de 127 milliards de dollars en Treasuries, un montant comparable à celui d’un État souverain de taille moyenne. Avec une capitalisation totale des stablecoins proche de 300 milliards de dollars, ces cryptomonnaies jouent un rôle croissant dans la demande d’obligations à court terme.
Pourquoi cela compte ?
- Les stablecoins augmentent la demande pour les obligations du Trésor, stabilisant les rendements à court terme.
- Cette demande permet au gouvernement de financer sa dette à moindre coût.
- En cas d’inflation, la valeur réelle de la dette diminue, transférant le fardeau aux détenteurs de stablecoins.
Cette dynamique n’efface pas la dette, mais elle la refinance d’une manière nouvelle. Les stablecoins, en tant que vecteurs de la dette américaine, impliquent désormais un public beaucoup plus large, des petits investisseurs aux institutions internationales.
Le « Nuage Crypto » : Une Menace pour la Confiance ?
L’idée d’un « nuage crypto » ne signifie pas que la dette disparaît. Elle suggère plutôt que les États-Unis pourraient utiliser les stablecoins pour diluer l’impact de leur dette en impliquant un plus grand nombre d’acteurs. Mais cette stratégie comporte des risques majeurs, notamment pour la confiance dans le dollar.
Depuis les années 1940, le dollar domine la finance mondiale. Même après la fin de Bretton Woods, il représente encore environ 58 % des réserves mondiales, selon le FMI. Cependant, cette domination s’érode. Les banques centrales diversifient leurs réserves, avec une augmentation notable des achats d’or (24 % des réserves mondiales en 2024) et des monnaies comme le yuan chinois.
Les Signes d’un Changement Global
- La Chine et la Russie développent des systèmes de paiement en monnaies locales.
- Les tests du yuan numérique ont traité des milliards de dollars.
- La Russie expérimente un rouble numérique.
Dans ce contexte, l’intégration des stablecoins dans la dette américaine pourrait être à double tranchant. D’un côté, elle renforce la portée du dollar dans la finance numérique. De l’autre, elle expose un public plus large aux décisions monétaires des États-Unis, ce qui pourrait fragiliser la confiance si les rendements réels deviennent négatifs.
Propagande ou Réalité ?
Les accusations de Kobyakov doivent être prises avec prudence. D’un côté, elles s’inscrivent dans une rhétorique anti-américaine visant à discréditer le dollar. De l’autre, les faits montrent que les stablecoins sont déjà liés à la dette américaine via les réserves en Treasuries. La question n’est pas de savoir si la dette peut être effacée, mais si les États-Unis pourraient utiliser les cryptomonnaies pour en réduire le poids réel, comme ils l’ont fait par le passé.
Le véritable risque n’est pas l’effacement de la dette, mais la perte de confiance dans le système financier mondial.
Économiste anonyme
Pour l’instant, aucun plan explicite ne confirme les allégations russes. Cependant, le GENIUS Act et la montée des stablecoins montrent que les cryptomonnaies jouent un rôle croissant dans la finance mondiale. Si les États-Unis cherchent à répéter leurs stratégies historiques, les stablecoins pourraient devenir un outil clé.
Quelles Implications pour les Investisseurs ?
Pour les investisseurs en cryptomonnaies, cette situation soulève des questions cruciales. Les stablecoins, souvent perçus comme des refuges sûrs, sont directement liés à la politique monétaire américaine. Une inflation élevée ou une dévaluation du dollar pourrait affecter leur valeur réelle, même si leur prix nominal reste stable.
Conseils pour les Investisseurs
- Diversifiez vos actifs au-delà des stablecoins.
- Suivez les politiques monétaires américaines, notamment les taux d’intérêt.
- Considérez les alternatives comme l’or ou les monnaies numériques d’autres pays.
En résumé, l’accusation russe, bien que provocatrice, met en lumière une réalité : les cryptomonnaies, et en particulier les stablecoins, sont désormais un rouage essentiel de la finance mondiale. Leur lien avec la dette américaine pourrait redéfinir la manière dont les États-Unis gèrent leurs obligations, mais aussi exposer les investisseurs à de nouveaux risques.
Vers un Nouvel Ordre Financier ?
L’idée d’un « reset » financier orchestré par les États-Unis via les cryptomonnaies peut sembler audacieuse, mais elle n’est pas sans fondement. Les précédents historiques montrent que Washington a su adapter les règles monétaires à ses besoins. Aujourd’hui, les stablecoins offrent une nouvelle opportunité de financer la dette tout en impliquant un public plus large. Mais ce système, s’il se concrétise, pourrait éroder la confiance dans le dollar et accélérer la montée d’alternatives comme l’or ou les monnaies numériques étrangères.
La question reste ouverte : les États-Unis préparent-ils un coup financier majeur, ou s’agit-il d’une simple spéculation géopolitique ? Une chose est sûre : dans un monde où la finance numérique prend de l’ampleur, chaque décision monétaire a des répercussions globales.