Imaginez un titre qui multiplie par dix en quelques mois, porté par l’euphorie autour de l’intelligence artificielle, puis qui dégringole brutalement de plus de la moitié de sa valeur. C’est exactement ce qui arrive à IREN en cette fin d’année 2025. Ce qui semblait être une success story incontestable dans le domaine des data centers pour l’IA et le minage de Bitcoin se transforme en cauchemar pour de nombreux investisseurs.
La chute est vertigineuse et interpelle : est-on en train d’assister à l’éclatement prématuré d’une bulle autour de l’IA ? Ou s’agit-il simplement d’une correction normale dans un secteur ultra-compétitif ? Plongeons ensemble dans les raisons de cette déroute boursière.
Une chute brutale qui efface des mois de gains
Depuis son sommet à 76 dollars atteint en novembre 2025, l’action IREN – qui correspond à Iris Energy, une entreprise spécialisée dans les infrastructures de calcul haute performance – a perdu plus de 55 % de sa valeur. Elle cote désormais autour des 35 dollars, revenant à des niveaux observés en septembre.
Cette dégringolade n’est pas isolée. D’autres acteurs du même segment, comme CoreWeave, Nebius ou Bitfarms, connaissent des trajectoires similaires. Le secteur entier des fournisseurs d’infrastructures pour l’IA semble soudainement vaciller.
Le timing est révélateur : la descente s’est accélérée juste après les publications de résultats de géants technologiques comme Oracle et Broadcom. Ces rapports ont mis en lumière des réalités financières parfois brutales derrière l’engouement pour l’IA.
Les résultats décevants des leaders technologiques
Oracle, par exemple, a annoncé un flux de trésorerie disponible négatif malgré des investissements massifs dans les data centers. L’entreprise, déjà lourdement endettée, dépense sans compter pour suivre la demande en capacités de calcul pour l’intelligence artificielle.
Cette situation a provoqué une chute de plus de 50 % de son propre titre depuis son sommet annuel. Les investisseurs réalisent soudainement que la ruée vers l’IA génère d’immenses dépenses avant même de produire des retours concrets.
Les promesses de l’IA sont énormes, mais les coûts pour y arriver le sont tout autant. Beaucoup d’entreprises brûlent du cash à une vitesse effrayante.
Observation partagée par plusieurs analystes financiers
Broadcom n’a pas non plus rassuré le marché avec ses prévisions. Ces signaux faibles venant des leaders ont propagé une onde de choc jusqu’aux fournisseurs d’infrastructures comme IREN.
Une concurrence qui s’intensifie à toute vitesse
Le marché des data centers spécialisés dans l’IA, parfois appelé « néocloud », attire désormais une foule de concurrents. Des anciens mineurs de Bitcoin reconvertissent massivement leurs installations pour proposer des services de calcul haute performance.
Hut 8 vient notamment d’annoncer une commande colossale de 10 milliards de dollars provenant d’Anthropic. Lambda Labs, Nebius et CoreWeave gagnent également des parts de marché rapidement.
Les nouveaux entrants qui bousculent le secteur
- Hut 8 avec son contrat géant auprès d’Anthropic
- CoreWeave, valorisé à des niveaux stratosphériques
- Nebius, qui profite de l’expérience de son écosystème
- Lambda Labs, spécialisé dans les GPU haut de gamme
- Bitfarms et d’autres mineurs en reconversion accélérée
Cette multiplication des offres donne plus de pouvoir de négociation aux clients. Les géants de la tech comme Microsoft, qui a passé une commande de 9,7 milliards chez IREN, peuvent désormais faire jouer la concurrence pour obtenir de meilleurs prix.
Conséquence directe : les marges des fournisseurs risquent de se comprimer fortement dans les mois à venir. Ce qui était un marché de pénurie devient progressivement un marché de surcapacité relative.
Le lien persistant avec le Bitcoin
Malgré sa communication centrée sur l’IA, Iris Energy tire encore l’essentiel de ses revenus du minage de Bitcoin. Or, le cours du BTC a lui aussi corrigé violemment, passant de 126 250 dollars en octobre à environ 87 000 dollars actuellement.
Cette baisse réduit mécaniquement la rentabilité du minage. Moins de revenus en Bitcoin signifie moins de cash pour financer l’expansion dans le domaine de l’IA.
Les investisseurs perçoivent donc un double risque : une dépendance persistante à un actif volatil d’un côté, et une transition vers l’IA qui prend plus de temps et coûte plus cher que prévu de l’autre.
Des levées de fonds qui inquiètent
Récemment, IREN a levé plus de 2 milliards de dollars via des émissions d’actions et de la dette convertible. Ces opérations, nécessaires pour financer l’expansion, diluent les actionnaires existants et augmentent l’endettement.
Dans un contexte où les flux de trésorerie ne suivent pas encore, ces financements apparaissent comme un signal d’alarme plutôt que comme une bonne nouvelle.
Le marché sanctionne particulièrement les entreprises qui doivent constamment retourner vers les investisseurs pour financer leur croissance, surtout quand les promesses de rentabilité future semblent s’éloigner.
Analyse technique : les bears aux commandes
Sur le plan technique, le tableau est clairement baissier. L’action a franchi à la baisse le niveau des 50 % de retracement de Fibonacci de sa hausse annuelle.
Elle évolue désormais sous ses moyennes mobiles exponentielles à 50 et 100 jours, et a cassé l’indicateur Supertrend ainsi que le support clé à 48,40 dollars.
Niveaux techniques à surveiller
- Support majeur suivant : zone des 20 dollars
- Résistance immédiate : 48 dollars (ancien support devenu résistance)
- Invalidation haussière : reconquête franche des 48 dollars
- Indicateurs : RSI en zone de survente mais momentum toujours négatif
Sans catalyseur positif rapide, le chemin de moindre résistance reste orienté à la baisse. Les vendeurs dominent clairement le marché.
La grande question : bulle IA ou simple correction ?
La véritable interrogation qui anime les débats concerne la nature même de cette correction. S’agit-il du début de l’éclatement d’une bulle spéculative autour de l’intelligence artificielle ?
Certains analystes rappellent que les valorisations atteintes par de nombreuses entreprises du secteur reposaient sur des hypothèses très optimistes : adoption massive et rapide de l’IA générative, monétisation immédiate, marges élevées durables.
La réalité se révèle plus nuancée. Le développement de l’IA nécessite des investissements colossaux en infrastructures, en énergie et en recherche, avec des retours qui pourraient prendre plusieurs années à se matérialiser pleinement.
L’IA va transformer le monde, c’est certain. Mais transformer le monde ne signifie pas forcément transformer immédiatement les résultats financiers des entreprises qui y investissent.
Paraphrase d’un analyste reconnu du secteur tech
Les comparaisons avec la bulle internet de 2000 reviennent souvent. À l’époque également, la technologie était révolutionnaire, mais beaucoup d’entreprises ont disparu avant que le secteur ne devienne rentable des années plus tard.
Les fondamentaux d’Iris Energy en détail
Pour bien comprendre la situation, il convient de revenir sur ce qu’est réellement Iris Energy. L’entreprise australienne s’est initialement faite connaître comme un mineur de Bitcoin utilisant exclusivement des énergies renouvelables.
Cette particularité lui a permis de se différencier dans un secteur souvent critiqué pour son impact environnemental. Progressivement, elle a pivoté vers la fourniture de capacités de calcul haute performance pour l’IA.
Ses data centers, alimentés majoritairement en énergie propre, sont particulièrement adaptés aux besoins des grands modèles d’intelligence artificielle qui consomment énormément d’électricité.
La commande de Microsoft pour 9,7 milliards de dollars avait été perçue comme une validation forte de ce positionnement. Mais les investisseurs se demandent désormais si ce type de contrats sera suffisant pour compenser la concurrence et les coûts.
Perspectives pour 2026 et au-delà
À court terme, la pression reste baissière. Tant que le Bitcoin ne rebondit pas significativement et que les résultats des grands clients IA ne convainquent pas, IREN risque de continuer sa descente.
À plus long terme, le tableau est plus contrasté. Si l’adoption de l’IA continue sur sa trajectoire actuelle, les besoins en infrastructures de calcul resteront énormes. Les entreprises bien positionnées, avec un accès à de l’énergie bon marché et renouvelable, pourraient sortir gagnantes.
Iris Energy possède justement ces atouts. Sa stratégie de diversification entre minage Bitcoin et services IA pourrait s’avérer payante une fois la phase d’investissement massif terminée.
Scénarios possibles pour IREN en 2026
- Scénario baissier : poursuite de la correction jusqu’aux 20 dollars si le Bitcoin reste faible
- Scénario neutre : consolidation autour des 30-40 dollars en attendant plus de visibilité
- Scénario haussier : rebond technique et fondamental si nouveaux gros contrats annoncés
- Facteur clé : évolution des dépenses réelles en IA des GAFAM et autres géants
Le secteur tout entier est à un tournant. Les prochains trimestres seront déterminants pour séparer les entreprises solides de celles qui n’étaient portées que par la spéculation.
Ce que cela nous dit sur le marché crypto plus largement
La chute d’IREN illustre parfaitement l’interconnexion entre le monde des cryptomonnaies et celui de l’intelligence artificielle. De nombreux acteurs du minage Bitcoin se reconvertissent dans l’IA, créant des passerelles inattendues.
Quand le Bitcoin baisse, ces entreprises hybrides souffrent doublement. Quand l’engouement pour l’IA se tempère, elles perdent leur narrative de croissance.
Cette situation rappelle que dans l’écosystème crypto, les narratives jouent un rôle crucial dans les valorisations. L’IA a été la grande histoire de 2024-2025 après le Bitcoin ETF et le halving.
Aujourd’hui, les investisseurs semblent prendre leurs profits et se montrer plus exigeants sur les fondamentaux. C’est peut-être le signe d’une maturité croissante du marché.
Conclusion : prudence mais pas panique
La chute spectaculaire d’IREN doit être mise en perspective. Oui, elle reflète des inquiétudes légitimes sur les valorisations du secteur IA et sur la transition des anciens mineurs de Bitcoin.
Mais elle ne signe pas nécessairement la fin de l’histoire. Les besoins en calcul pour l’intelligence artificielle sont réels et durables. Les entreprises qui réussiront à passer le cap des investissements massifs pourraient connaître une croissance exceptionnelle dans les années à venir.
Pour l’instant, la prudence s’impose. Les investisseurs avertis attendront probablement plus de visibilité sur les flux de trésorerie et sur la rentabilité réelle des contrats IA avant de revenir sur le secteur.
IREN, comme d’autres acteurs du néocloud, se trouve à la croisée des chemins. Sa capacité à exécuter sa stratégie dans un environnement plus compétitif sera déterminante. L’histoire n’est pas terminée, elle ne fait peut-être que commencer.
