Imaginez vivre sur un atoll perdu au milieu du Pacifique, loin de toute banque, et recevoir soudainement un revenu régulier directement sur votre téléphone. Pas de chèque à encaisser, pas de voyage interminable en bateau pour toucher l’argent. Juste une notification, et les fonds sont là, stables et immédiats. C’est exactement ce que les Îles Marshall proposent aujourd’hui à leurs citoyens avec leur programme de revenu universel de base.

Ce petit archipel, connu pour son histoire douloureuse liée aux essais nucléaires américains, fait parler de lui pour une raison bien plus positive : il devient le premier pays au monde à déployer un UBI national avec une option de paiement en cryptomonnaie. Une initiative qui mêle aide sociale, innovation technologique et défis géographiques uniques.

Une première mondiale qui allie UBI et blockchain

Depuis fin novembre 2025, chaque citoyen des Îles Marshall reçoit environ 200 dollars tous les trimestres, soit 800 dollars par an. Ce n’est pas une somme astronomique, mais dans un pays où le coût de la vie grimpe et où l’émigration menace la démographie, chaque dollar compte. Le gouvernement insiste : il ne s’agit pas de remplacer le travail, mais de créer un filet de sécurité sociale et un petit boost moral.

Ce qui rend l’expérience unique, c’est le choix offert aux bénéficiaires. Ils peuvent opter pour le virement bancaire classique, le chèque papier, ou… un portefeuille numérique gouvernemental fonctionnant avec un stablecoin indexé sur le dollar américain. Les paiements transitent ainsi sur une infrastructure blockchain, rapide, traçable et surtout capable d’atteindre les communautés les plus isolées.

Le ministre des Finances, David Paul, l’explique simplement : l’objectif premier est l’inclusion. Dans un pays composé de dizaines d’atolls éparpillés sur des milliers de kilomètres carrés, distribuer de l’aide efficacement relève du défi logistique permanent. La blockchain offre une solution élégante.

Cette initiative représente la première mise en œuvre nationale d’un programme de revenu universel de base, et l’utilisation de la technologie blockchain à l’échelle d’un pays est extrêmement rare.

Dr. Huy Pham, professeur associé et spécialiste crypto-fintech à l’université RMIT

D’où vient l’argent ? Un fonds lié à l’histoire nucléaire

Le financement de ce programme n’est pas anodin. Il provient d’un trust fund créé dans le cadre d’un accord avec les États-Unis. Ce fonds, qui dépasse aujourd’hui 1,3 milliard de dollars, vise en partie à compenser les dommages causés par les dizaines d’essais nucléaires menés par Washington entre 1946 et 1958 sur les atolls de Bikini et Enewetak.

Les États-Unis se sont engagés à verser 500 millions de dollars supplémentaires d’ici 2027. Une partie de ces ressources est désormais redistribuée directement aux citoyens sous forme de revenu universel. C’est une forme de réparation historique qui prend une tournure moderne et technologique.

Ce contexte donne une dimension particulière à l’initiative. L’argent qui arrive aujourd’hui sur les portefeuilles numériques des Marshallais est indirectement lié à l’une des pages les plus sombres de l’histoire du Pacifique.

Les chiffres clés du programme UBI des Îles Marshall

  • Population concernée : environ 42 000 citoyens résidents
  • Montant annuel : environ 800 dollars par personne
  • Paiement : 200 dollars par trimestre
  • Fonds source : trust fund nucléaire > 1,3 milliard de dollars
  • Engagement US supplémentaire : 500 millions jusqu’en 2027

L’option stablecoin : prometteuse mais peu adoptée

Le stablecoin choisi est arrimé au dollar américain, garantissant ainsi la stabilité des sommes reçues. Pas de volatilité comme avec Bitcoin ou Ethereum : les bénéficiaires reçoivent exactement la valeur promise, transférée instantanément et à faible coût grâce à la blockchain.

Malheureusement, l’adoption de l’option numérique reste très timide. Lors de la première distribution, environ 60 % des paiements ont été effectués par virement bancaire, la majorité du reste par chèque, et seulement une douzaine de personnes ont choisi le portefeuille blockchain.

Plusieurs raisons expliquent cette réticence. D’abord, une familiarité limitée avec les technologies crypto dans la population. Ensuite, l’accès à internet reste inégal selon les atolls. Enfin, une certaine méfiance envers une technologie perçue comme complexe ou risquée.

Cependant, les autorités restent optimistes. Chaque paiement supplémentaire est une occasion d’éduquer et de démontrer la fiabilité du système. À terme, l’option crypto pourrait devenir majoritaire, surtout auprès des plus jeunes générations.

Comparaison avec le modèle World de Sam Altman

L’initiative marshallienne arrive dans un contexte où d’autres projets ambitieux explorent le concept d’UBI via la blockchain. Le plus connu est sans doute celui porté par Sam Altman, ancien Worldcoin, rebaptisé World.

Le principe est différent : World utilise des scans biométriques de l’iris pour créer un “World ID” prouvant l’unicité humaine. Les utilisateurs vérifiés reçoivent régulièrement des tokens WLD, perçus par certains comme une forme d’UBI réseau.

Avec 15 millions d’utilisateurs vérifiés et sa propre layer-2 sur Ethereum (World Chain), le projet se positionne comme une alternative globale, privée et décentralisée. Contrairement aux Îles Marshall, il n’est pas financé par un État mais par la croissance du réseau et la distribution de tokens.

Marshall Islands vs World : deux approches de l’UBI crypto

  • Îles Marshall : UBI national, financé par trust étatique, stablecoin USD, optionnel, inclusif géographiquement
  • World : UBI réseau, privé, token WLD volatile, biométrie requise, global et décentralisé
  • Point commun : utilisation de la blockchain pour distribution équitable
  • Différence clé : l’un est souverain et stable, l’autre spéculatif et mondial

Pourquoi cette expérience est historique

Au-delà des Îles Marshall, ce programme marque un tournant. C’est la première fois qu’un État souverain déploie un UBI à l’échelle nationale. C’est aussi l’une des rares utilisations concrètes de la blockchain par un gouvernement pour des transferts sociaux réguliers.

Jusqu’à présent, les expériences d’UBI étaient locales (Finland, Kenya, Stockton en Californie) ou privées (projets crypto). Ici, on parle d’une politique publique nationale intégrant directement la technologie blockchain comme outil d’inclusion financière.

Les observateurs y voient un laboratoire grandeur nature. Si le modèle prouve son efficacité dans un contexte aussi challenging que les atolls du Pacifique, il pourrait inspirer d’autres petits États insulaires ou pays en développement confrontés à des problématiques similaires.

Les défis techniques et humains à relever

Mettre en place un portefeuille numérique gouvernemental n’est pas trivial. Il faut garantir la sécurité des fonds, la simplicité d’utilisation, l’éducation des citoyens et la résilience face aux pannes internet ou aux catastrophes naturelles fréquentes dans la région.

Le gouvernement a choisi la prudence en rendant l’option crypto facultative. Cela permet un déploiement progressif, sans forcer une population peu familière avec la technologie. L’approche contraste avec certains projets crypto plus radicaux qui imposent parfois l’usage exclusif de la blockchain.

Autre défi : la traçabilité. Si la blockchain offre une transparence totale des transactions, elle pose aussi des questions de confidentialité. Comment concilier aide sociale et protection des données personnelles ? Les autorités marshalliennes devront trouver le bon équilibre.

Perspectives : vers une généralisation des paiements on-chain ?

À plus long terme, cette expérience pourrait préfigurer une évolution majeure des systèmes d’aide sociale. Dans un monde où les populations isolées ou non bancarisées restent nombreuses, les stablecoins et blockchains offrent une alternative crédible aux infrastructures traditionnelles coûteuses.

Des organisations internationales suivent déjà le dossier de près. Si les Îles Marshall démontrent que l’on peut distribuer efficacement un UBI via blockchain à faible coût et avec une forte inclusion, d’autres pays pourraient suivre.

Certains experts imaginent même une hybridation : des aides sociales nationales combinant stablecoins étatiques et protocoles décentralisés pour une résilience maximale. L’avenir des filets de sécurité sociale pourrait bien passer par la crypto.

Le choix du stablecoin offre stabilité des prix tout en permettant des transferts rapides et traçables à travers des centaines d’îles.

Responsables gouvernementaux des Îles Marshall

Ce que cela nous dit sur l’adoption crypto en 2025

L’adoption limitée de l’option blockchain lors du premier versement est révélatrice. Malgré les avantages évidents, la transition vers la crypto reste progressive. L’éducation, la confiance et l’accès technique sont des prérequis indispensables.

Cela rappelle que la révolution blockchain ne se fera pas du jour au lendemain, même quand un gouvernement la soutient activement. Les citoyens préfèrent souvent les solutions connues, surtout quand il s’agit d’argent vital pour leur quotidien.

Mais chaque trimestre sera une nouvelle chance. À mesure que les succès s’accumuleront et que les témoignages positifs circuleront, l’option numérique pourrait gagner du terrain. Les Îles Marshall nous offrent un aperçu passionnant de ce que pourrait être l’aide sociale du futur.

En conclusion, ce petit archipel du Pacifique, avec ses 42 000 habitants, est en train d’écrire une page d’histoire. Pas seulement pour l’UBI, pas seulement pour la blockchain, mais pour la rencontre entre technologie moderne et besoins humains fondamentaux. Une expérience à suivre de très près dans les mois et années à venir.

Et qui sait ? Peut-être que dans quelques années, recevoir son revenu de base en stablecoin deviendra aussi banal que toucher sa retraite par virement aujourd’hui. Les Îles Marshall montrent la voie, une île à la fois.

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Passionné et dévoué, je navigue sans relâche à travers les nouvelles frontières de la blockchain et des cryptomonnaies. Pour explorer les opportunités de partenariat, contactez-nous.

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