Un phénomène pour le moins intriguant secoue actuellement le monde des cryptomonnaies : les réserves en Bitcoin (BTC) et Ethereum (ETH) des exchanges centralisés (CEX) sont en chute libre depuis plusieurs mois. Fin mai, elles ont même atteint leur niveau le plus bas depuis des années. Mais où partent donc tous ces BTC et ETH qui désertent les plateformes d’échange ? Et surtout, quelles conséquences ce mouvement de fond pourrait-il avoir sur le marché ?
Une véritable hémorragie de Bitcoin et d’Ethereum depuis fin 2022
D’après les données on-chain de Glassnode relayées par l’analyste Leon Waidmann, les proportions de BTC et ETH détenus par les CEX par rapport à l’offre en circulation n’ont jamais été aussi faibles. Actuellement, seulement 11,6% de tous les bitcoins et 10,6% des ethers seraient encore stockés sur ces plateformes.
Cette diminution drastique a débuté fin 2022, mais s’est accélérée récemment avec l’approbation des ETF Bitcoin et Ethereum au comptant aux États-Unis. Un timing qui ne doit rien au hasard. Les institutionnels et baleines crypto profitent de ces nouveaux véhicules d’investissement régulés pour accumuler massivement du BTC et de l’ETH, au détriment des exchanges.
Le rôle clé des ETF crypto dans cette fuite
Dès leur lancement fin 2023, les ETF spot ont rencontré un franc succès auprès des investisseurs. Pour répliquer au plus près le cours des cryptos sous-jacentes, ces fonds sont en effet obligés de détenir physiquement des BTC et ETH. Et pour se les procurer, ils se tournent vers les exchanges, réduisant d’autant leurs réserves.
Cet engouement ne faiblit pas, au contraire. Rien que le 23 mai dernier, lors du premier jour de cotation des ETF Ethereum, on a observé un pic de retraits sur les CEX. Toujours selon Glassnode, la proportion d’ETH sur les exchanges a chuté de près d’un point en l’espace de 24h !
Des exchanges bientôt à court de BTC et ETH ?
Si la tendance se poursuit, on peut légitimement se demander combien de temps les réserves des CEX pourront supporter un tel rythme de ponction. D’autant que la demande des ETF et autres investisseurs institutionnels ne montre aucun signe d’essoufflement, bien au contraire.
Certes, de nouveaux bitcoins sont minés chaque jour et de nouveaux ethers frappés pour récompenser les validateurs. Mais cet apport est limité et pourrait ne pas suffire à combler les sorties. Le risque d’une rupture de stock de BTC et ETH sur les exchanges, autrefois impensable, n’est donc plus à écarter.
Vers une pénurie de Bitcoin et Ethereum ?
Que se passerait-il si les CEX venaient à manquer de BTC et d’ETH ? Difficile à dire avec certitude, tant un tel scénario serait inédit. Une chose est sûre : une pénurie, même temporaire, serait de nature à faire grimper les cours.
Autre conséquence possible : une partie des volumes d’échange pourrait migrer vers les plateformes décentralisées (DEX), jugées plus sûres car non dépendantes des réserves d’un tiers. Ou bien vers les marchés de gré à gré, prisés des investisseurs désirant éviter les exchanges.
Quel avenir pour les exchanges centralisés ?
Cette fuite massive des cryptos soulève donc de nombreuses questions sur le futur des CEX. S’ils ont bâti leur succès sur leur importante liquidité, cet avantage est en train de s’éroder à grande vitesse. Dans un marché en pleine mutation, où la régulation s’accélère, sauront-ils s’adapter et se réinventer ?
Les exchanges centralisés restent pour le moment des acteurs incontournables, notamment pour convertir les monnaies fiduciaires en crypto. Mais pour combien de temps encore ? L’essor des ETF, le déploiement progressif des monnaies numériques de banque centrale, la concurrence des DEX… Autant de défis qui pourraient bien rebattre les cartes.
Une chose est sûre : loin d’être anecdotique, la fuite des cryptos depuis les CEX est le symptôme d’une reconfiguration profonde de l’écosystème. Et tous les acteurs, des exchanges aux investisseurs en passant par les régulateurs, vont devoir en tenir compte.