Le 15 octobre 2025, à 14 h 17 précises, le bloc 18 200 000 a été miné. Et là, sans tambour ni trompette, Ethereum a changé de visage. Le hard fork Fusaka, attendu comme le messie par toute la communauté, est passé en production sans le moindre incident. 99 % des validateurs déjà à jour, zéro chaîne parallèle, zéro drame. Juste une blockchain qui devient brutalement plus puissante.
Si vous suivez Ethereum depuis quelques années, vous savez que chaque upgrade ressemble à un épisode de série à suspense : est-ce que ça va passer ? Est-ce qu’on va revivre The DAO ou Londres ? Cette fois, non. Fusaka s’est déroulé comme une mise à jour Windows qui fonctionne du premier coup. Et pourtant, ce qui se cache derrière est tout sauf anodin.
Fusaka : l’upgrade qui change vraiment la donne
Derrière ce nom un peu étrange – Fusaka, contraction de Fulu et Osaka, les deux conférences où il a été finalisé – se cache l’une des mises à jour les plus techniques et les plus impactantes depuis Dencun. On parle ici de deux EIP majeures qui, ensemble, transforment complètement la façon dont Ethereum gère les données des layers 2.
PeerDAS : la fin du goulot d’étranglement des blobs
Petit rappel pour ceux qui auraient raté l’épisode Dencun : depuis mars 2024, Ethereum accepte des « blobs » de données (EIP-4844). Ces blobs permettent aux rollups de publier leurs données à moindre coût au lieu d’utiliser les calldatas hors de prix. Résultat ? Les frais sur Arbitrum, Optimism ou Base ont été divisés par 10, parfois par 100.
Mais il y avait un hic : chaque nœud devait télécharger l’intégralité des blobs. Avec 3 blobs par bloc au lancement, puis 6, on commençait déjà à atteindre les limites de bande passante des nœuds modestes. PeerDAS règle ça d’un coup de baguette magique.
Concrètement, PeerDAS c’est quoi ?
- Chaque nœud ne stocke plus que 1/64e des données d’un blob
- Le réseau utilise un système de data availability sampling : il suffit de télécharger de petits échantillons pour vérifier que tout est bien disponible
- Résultat : la capacité théorique passe de 6 à 48 blobs par bloc (x8 !)
- Et surtout, un nœud à 100 Mbit/s suffit largement, même à pleine charge
En clair ? Les petits validateurs à la maison ne seront plus exclus quand les rollups commenceront à saturer la capacité. Ethereum redevient vraiment décentralisé, même à échelle massive.
Blob-Parameter-Only (BPO) : plus besoin de hard fork pour augmenter la capacité
L’autre génie de Fusaka, c’est d’avoir introduit un nouveau type de mise à jour : les BPO. Jusqu’à présent, augmenter le nombre de blobs par bloc nécessitait un hard fork complet, avec tous les risques que ça comporte.
Désormais ? Un simple vote des validateurs suffit. On pourra passer de 48 à 64, puis 96 blobs par bloc sans toucher au protocole de consensus. C’est un peu comme si Ethereum s’était offert un bouton « volume + » pour les layers 2.
« Avec Fusaka, on passe d’une autoroute à 6 voies à une autoroute à 48 voies… et on garde la possibilité d’ajouter des voies sans refaire toute la route. »
Vitalik Buterin, quelques jours avant l’activation
L’impact immédiat sur les layers 2
À peine 48 heures après l’activation, les effets sont déjà visibles. Base a annoncé une réduction supplémentaire de 30 % des frais moyens. Arbitrum parle déjà de passer ses blocs à 2 Mo de données compressées. Et Optimism prépare une mise à jour « Superchain » qui exploitera directement PeerDAS.
Plus intéressant encore : les rollups n’ont plus besoin d’attendre des heures pour être certains que leurs données sont disponibles. Le temps moyen de finalité des batches est passé sous les 20 minutes sur plusieurs grandes solutions. Pour l’utilisateur final, ça veut dire des retraits quasi instantanés et des frais qui continuent de baisser.
Comparatif avant / après Fusaka (estimations moyennes)
| Avant Fusaka | Après Fusaka | |
| Capacité blobs | 6 par bloc | 48 par bloc (x8) |
| Frais moyen L2 | 0,05 – 0,15 $ | 0,01 – 0,03 $ |
| Temps de finalité | 1 à 4 heures | < 20 minutes |
| Bande passante nœud | ~500 MB/h | ~600 MB/h (même à pleine charge) |
Une adoption exemplaire des validateurs
Ce qui impressionne le plus, c’est le taux d’adoption. Dès le bloc 18 199 900, plus de 98 % des validateurs signalaient être prêts pour Fusaka. À l’activation, ce chiffre a grimpé à 99,4 %. Lido, Coinbase Cloud, Rocket Pool… tous les gros acteurs avaient mis à jour leurs nœuds plusieurs jours avant.
Même les petits stakers solo – oui, ces héros qui font tourner un nœud dans leur salon – étaient au rendez-vous. Preuve que la communication de la Fondation Ethereum et des équipes Prysm, Lighthouse, Teku et Nimbus a été exemplaire.
Et maintenant ? Direction Glamsterdam en 2026
Fusaka n’est qu’une étape. Les devs parlent déjà de Glamsterdam, prévu pour le deuxième semestre 2026. Au programme : l’implémentation complète de Verkle Trees, la suppression définitive des anciennes données d’historique (The Purge), et peut-être même les premiers pas vers les Single Slot Finality.
Mais surtout, Fusaka ouvre la porte à une nouvelle philosophie : des mises à jour plus fréquentes, plus légères, et surtout évolutives sans hard fork à chaque fois. Ethereum entre dans l’âge adulte technique.
Ce que ça change pour vous, utilisateur ou investisseur
- Les applications DeFi sur layers 2 deviennent enfin utilisables au quotidien, même avec 100 $
- Les jeux blockchain, les NFT, les SocialFi… tout ce qui était encore trop cher redevient viable
- La valeur capturée par les rollups va exploser, et une partie reviendra aux détenteurs d’ETH via les MEV et les frais brûlés
- Le récit « Ethereum trop cher et trop lent » appartient définitivement au passé
En résumé ? Le 15 octobre 2025 ne fera peut-être pas la une des journaux grand public. Mais dans dix ans, quand on regardera l’histoire d’Ethereum, on dira probablement : « Tout a vraiment commencé à accélérer avec Fusaka ».
La blockchain qui voulait devenir une infrastructure mondiale vient de franchir un cap décisif. Et quelque part, dans un salon à Buenos Aires ou une chambre d’étudiant à Singapour, un validateur vient de voir son nœud passer le bloc 18 200 001 avec un petit smiley dans les logs.
Ethereum n’a pas fini de nous surprendre.
