Imaginez la scène : votre équipe nationale remporte un tournoi majeur après des années d’attente. L’euphorie est à son comble chez les supporters. Mais pendant ce temps, la valeur du fan token officiel de l’équipe, dans lequel beaucoup ont investi, s’effondre inexorablement. C’est le scénario vécu par les fans de l’Espagne et de l’Argentine ces derniers jours, soulevant une question brûlante : est-il temps d’interdire ces cryptomonnaies à haut risque liées au football ?
Le grand plongeon des fan tokens espagnol et argentin
Avec sa victoire éclatante contre l’Angleterre à l’Euro 2024, l’Espagne pensait avoir touché le jackpot. Les espoirs étaient immenses pour le Spain National Football Token (SNFT), qui avait grimpé jusqu’à 0,039 $ dans la fébulité d’avant-match. Mais dans les trois jours qui ont suivi le sacre, c’est la douche froide : une chute vertigineuse de 43,5%, reléguant le token à un plus bas de 0,022 $. Le constat est encore plus amer en prenant du recul. Depuis son record de 0,86 $ en septembre 2022, le SNFT a perdu 97,4% de sa valeur. Une débâcle.
Le fan token de l’Argentine, pourtant vainqueur de la Copa América contre la Colombie, n’a pas été épargné. Malgré un pic avant la finale, l’ARG a dévissé de près de 50% en l’espace d’une semaine. Un scénario similaire pour les autres poids lourds du foot : les tokens du PSG, du FC Barcelone et de Manchester City ont tous perdu plus de 90% depuis leurs plus hauts historiques. Les initiatives des clubs pour surfer sur la vague crypto semblent se retourner contre eux et leurs supporters.
Des stars comme caution
Ce qui interpelle dans ces lancements de fan tokens, c’est l’implication des stars adulées par les fans. Quand Lionel Messi a signé au PSG, une partie de son transfert record a été payée en fan tokens du club. Une caution de poids pour des produits financiers complexes et volatils, proposés à un public pas toujours averti. Les conséquences peuvent être désastreuses pour des supporters qui investissent par passion, sans mesurer les risques.
Des partenariats à gros budget qui se multiplient
Malgré les déconvenues, les géants de la crypto continuent de déverser des millions pour s’associer aux clubs les plus prestigieux. Derniers exemples en date : Kraken avec Tottenham et l’Atlético Madrid. L’objectif affiché est “d’éduquer les fans sur la crypto”. Mais pour beaucoup, il s’agit surtout d’une façon détournée de les pousser à spéculer sur des actifs à haut risque, en jouant sur leur fibre passionnelle.
Le Royaume-Uni veut siffler la fin de la partie
- Rapport parlementaire d’octobre 2022 demandant l’interdiction des fan tokens
- Inquiétudes sur l’extraction d’argent auprès de supporters loyaux
- Remise en cause des prétendus “privilèges” offerts par les tokens
Face au raz-de-marée des fan tokens, des voix s’élèvent pour réclamer leur interdiction pure et simple. C’est le cas au Royaume-Uni, où un rapport parlementaire d’octobre dernier a tiré à boulets rouges sur ces “stratagèmes pour soutirer de l’argent aux supporters”. Bénéfices inexistants, promesses non tenues, les membres du parlement n’y sont pas allés de main morte. Rien qu’un “gadget” pour voter sur la musique d’avant-match, dénoncent les associations de supporters.
Engouement ou manipulation ?
De leur côté, les entreprises à l’origine des fan tokens, comme Socios, assurent qu’il s’agit d’un formidable outil d’engagement des fans. Avec à la clé des places VIP et des produits dérivés à gogo. Mais à quel prix ? Celui de pertes financières pour les supporters les plus fervents, ceux-là même que les clubs devraient chérir et protéger ?
À l’heure où le football cherche à renouer avec ses racines populaires et à assainir son image, la question des fan tokens reste un sujet brûlant. Entre volonté d’innovation et miroir aux alouettes, la frontière est souvent bien mince. Une chose est sûre : l’amour du maillot ne devrait pas se monnayer en cryptomonnaies. Les instances du football seront-elles à la hauteur de l’enjeu ? L’avenir nous le dira.