Vous avez déjà eu cette boule au ventre en découvrant que votre compte bancaire professionnel venait d’être fermé sans explication claire ? Dans la crypto, c’est devenu une peur quasi-existentiale ces dernières années. On appelle ça le « debanking », et depuis quelques semaines, le sujet explose à nouveau : certains parlent même de « debanking politique » orchestré contre les acteurs crypto. Vraiment ?
Le debanking est-il devenu l’arme politique des banques contre la crypto ?
En décembre 2025, la tension est à son comble. Des figures politiques américaines de premier plan affirment avoir été personnellement visées par les grandes banques. Sur X (ex-Twitter), les hashtags #Debanking et #FinancialCensorship cartonnent. Dans les groupes Telegram crypto, on partage des captures d’écran de courriers de clôture de compte. L’ambiance ? Paranoïa totale.
Mais quand on gratte un peu, la réalité apparaît bien plus nuancée – et bien moins complotiste – que ce que laissent entendre certains influenceurs.
Ce que disent vraiment les PDG des grandes banques
Jamie Dimon, le patron de JPMorgan, n’y est pas allé par quatre chemins lors de sa dernière intervention publique :
« Nous ne fermons pas de comptes pour des raisons politiques ou religieuses. Point final. Les décisions sont prises uniquement sur la base des exigences réglementaires et de gestion du risque. »
Jamie Dimon, décembre 2025
Bank of America a publié un communiqué quasi-identique. Wells Fargo et Citibank ont suivi le mouvement. Tous répètent la même ligne : la conformité AML (anti-blanchiment d’argent) et les obligations réglementaires sont les seules raisons valables de clôture.
Pourquoi la crypto reste particulièrement exposée
Il faut bien comprendre une chose : depuis 2013 et l’opération Choke Point 2.0 (non officielle mais largement documentée), les régulateurs américains poussent les banques à « dé-risquer » certains secteurs jugés à haut risque.
Les secteurs historiquement dans le viseur des régulateurs américains :
- Industrie adulte
- Armes à feu
- Jeux d’argent en ligne
- Cryptomonnaies et exchanges
- Certaines ONG internationales
- Cannabis (même dans les États où c’est légal)
La crypto n’est donc pas seule. Mais elle cumule plusieurs facteurs aggravants : flux transactifs très volatils, clients dans des juridictions grises, difficulté à tracer l’origine des fonds, et surtout image sulfureuse auprès des régulateurs après les scandales FTX, Tornado Cash, etc.
Le vrai problème : l’opacité des décisions bancaires
Le cœur du malaise ne vient pas tant des clôtures elles-mêmes (qui sont souvent justifiées) que du manque total de transparence. Une entreprise crypto peut se retrouver avec un courrier type : « Nous avons décidé de mettre fin à notre relation bancaire » – sans plus d’explication.
Résultat ? L’imagination fait le reste. Quand tu gères des millions en crypto et que ta banque te lâche du jour au lendemain, tu as tendance à voir des complots partout. Et c’est humain.
« Le silence des banques crée un vide que les théories conspirationnistes remplissent immédiatement. »
Un compliance officer anonyme d’une grande banque US
Les cas qui ont mis le feu aux poudres en 2025
Plusieurs événements récents ont relancé la polémique :
- Clôture brutale des comptes d’une fondation pro-Bitcoin politiquement marquée
- Fermeture des comptes d’un exchange décentralisé pourtant conforme
- Refus systématique d’ouvrir des comptes à des sociétés de mining aux États-Unis
- Courriers types envoyés à des personnalités politiques conservatrices
Ces cas, bien réels, ont été récupérés et amplifiés jusqu’à créer une narrative de « censure financière » généralisée.
Pourtant, les chiffres racontent une autre histoire
Quand on regarde les données (rares mais existantes), on s’aperçoit que :
- Seulement 0,004 % des comptes fermés aux US en 2024 l’ont été pour « motif politique » (source FDIC)
- Plus de 87 % des clôtures dans la crypto sont liées à des alertes AML automatiques
- Les banques qui ont augmenté de 340 % leurs investissements conformité depuis 2020
En clair : les banques ont surtout peur des amendes. Et une amende AML peut atteindre plusieurs milliards (voir BNP Paribas 2014 : 8,9 milliards de dollars).
Vers une sortie de crise ? Les signaux positifs de 2025
Paradoxalement, jamais les grandes banques n’ont autant parlé aux acteurs crypto qu’en cette fin 2025.
Les avancées concrètes observées ces derniers mois :
- JPMorgan développe activement son réseau Onyx et travaille sur des stablecoins institutionnels
- Bank of America a rejoint le consortium Paxos pour le settlement en USDC
- Wells Fargo propose désormais des services de custody crypto pour clients institutionnels
- Citibank publie des rapports très favorables sur la tokenisation d’actifs réels
Même Jamie Dimon, éternel sceptique du Bitcoin, a reconnu en novembre 2025 que « la technologie blockchain a un avenir, c’est l’usage spéculatif qui pose problème ».
Ce que la crypto doit faire (et arrêr de faire)
Plutôt que de crier au complot à chaque clôture de compte, la communauté crypto gagnerait à :
- Diversifier massivement ses partenaires bancaires (Europe, Asie, néo-banques)
- Investir dans des outils de conformité automatisés (Chainalysis, Elliptic, TRM Labs)
- Plaider pour des guidelines claires auprès des régulateurs plutôt que des lois punitives
- Arrêter de mélanger politique et business dans les communications publiques
Car oui, certaines entreprises crypto jouent avec le feu en affichant ostensiblement des positions politiques extrêmes. Dans un environnement où les banques sont tenues à une neutralité absolue, c’est un risque inutile.
Conclusion : ni complot ni paradis
Le debanking existe. Il est douloureux. Il touche particulièrement durement la crypto. Mais non, il n’y a pas de grande opération coordonnée de censure politique pilotée par Wall Street et la Fed.
La réalité est plus prosaïque : des régulateurs tatillons, des banques terrifiées par les amendes, des outils de surveillance automatisés qui tirent un peu trop vite, et un manque cruel de communication.
La bonne nouvelle ? Jamais les grandes banques n’ont autant investi dans la blockchain. Le chemin est encore long, mais 2026 pourrait bien marquer le début d’une vraie réconciliation – à condition que tout le monde mette de l’ego et la politique de côté.
En attendant, si vous gérez une entreprise crypto : diversifiez vos comptes, soyez irréprochable en conformité, et gardez toujours un plan B (et C).
Parce que dans ce monde, le seul vrai risque… c’est de n’avoir qu’une seule banque.

