Imaginez la scène : il y a deux ans, un PDG monte sur scène, annonce qu’il place 5 % de la trésorerie de son entreprise en Bitcoin. Le cours bondit de 40 % en 24 heures. Les analystes applaudissent le « génie visionnaire ». Aujourd’hui, le même PDG refait exactement la même annonce… et son action perd 8 %. Bienvenue dans la fin brutale de l’âge d’or des trésoreries crypto passives.
Le modèle DATS 1.0 est officiellement mort
Ce qu’on appelle DATS (Digital Asset Treasury Strategy) a été la grande révolution de 2023-2024. Des centaines d’entreprises cotées, de la micro-cap au géant du Nasdaq, ont placé des dizaines de milliards en Bitcoin, Ethereum ou stablecoins. L’idée était simple : profiter de l’appréciation tout en touchant quelques pourcents de rendement passif (staking, lending).
Mais en cette fin 2025, la réalité est cruelle. La majorité de ces sociétés cotent désormais à parité ou en dessous de leur valeur d’actifs nets (NAV). Autrement dit : le marché dit clairement « votre stratégie ne vaut rien, on préfère acheter un ETF Bitcoin directement ».
« Posséder du Bitcoin en trésorerie n’est plus une innovation, c’est devenu une exposition commodity comme le pétrole ou l’or. Et une commodity ne mérite pas de prime. »
Un gérant de hedge fund new-yorkais, décembre 2025
Pourquoi la lune de miel est terminée
Tout a commencé avec MicroStrategy en 2020. Michael Saylor a transformé une société de software en déclin en premier « Bitcoin proxy » coté. Résultat : valorisation multipliée par 20 en quatre ans. Des centaines d’entreprises ont voulu copier le modèle.
Mais quand tout le monde fait la même chose, plus personne n’est spécial. Le marché a intégré le fait que n’importe qui peut acheter du Bitcoin via un ETF spot (approuvé aux USA dès janvier 2024). Dès lors, pourquoi payer une prime pour une société qui ne fait… rien d’autre ?
Les chiffres qui font mal (décembre 2025)
- Plus de 68 sociétés cotées détiennent plus de 50 M$ en crypto en trésorerie
- 42 d’entre elles cotent à moins de 1,0x leur NAV Bitcoin
- 19 cotent même en dessous de 0,8x NAV (le marché paie pour qu’elles ferment !)
- Le rendement moyen du staking (4-7 %) ne couvre même plus le coût du capital pour beaucoup
Un modèle qui n’est plus une entreprise
Posons la question brutalement : une société qui ne génère aucun revenu opérationnel à part 5 % de staking, est-ce vraiment une entreprise ? Ou juste un fonds fermé mal géré avec des frais de direction exorbitants ?
Le marché a tranché. Il valorise désormais ces structures comme des commodity vehicles : pas de multiple de PER, pas de croissance, juste un discount progressif jusqu’à ce que quelqu’un propose de liquider ou de racheter les actifs à 90 % de leur valeur.
Les pionniers qui ont déjà compris
Pendant que les suiveurs pleurent, une nouvelle génération fait exactement l’inverse : elle utilise ses cryptos comme capital de travail et non comme relique dans un coffre.
Exemples concrets qui cartonnent en cette fin 2025 :
- Une société de santé américaine (ex-DATS pure) a utilisé ses 180 M$ de Bitcoin comme collatéral pour emprunter à 2 % et acheter des milliers de GPU → aujourd’hui elle loue de la puissance décentralisée aux modèles IA et génère 2,4 M$ de revenus mensuels stables.
- Un acteur du paiement transfrontalier garde 400 M$ en USDC mais les met en circulation réelle : 11 milliards de volume traité en 2025, 0,18 % de frais moyen → plus de 20 M$ de revenus annuels.
- Une plateforme de market-making utilise ses 300 M$ de trésorerie crypto pour fournir de la liquidité sur 40 DEX → rendement net annualisé de 19 % une fois les coûts couverts.
Ces entreprises ne sont plus valorisées sur leur stock de Bitcoin. Elles sont valorisées sur leurs revenus opérationnels réels, exactement comme une fintech traditionnelle.
Les 4 piliers du DATS 2.0 qui gagne
Voici ce qui sépare les futurs leaders des zombies cotés :
- Revenus opérationnels > rendement passif
Le marché paie 20-40x les bénéfices d’une vraie boîte, 0,8x le Bitcoin dormant. - Structure pensée dès le départ
Les meilleurs ne sont pas des sociétés zombies qui ont « pivoté vers la crypto ». Elles sont nées avec un business model où la crypto est l’avantage compétitif. - Actifs qui travaillent 24/7
Bitcoin comme collatéral DeFi, stablecoins en circulation, ETH en validation, tokens en market-making… rien ne dort. - Équipe hybride TradFi + Crypto native
Les fondateurs comprennent à la fois les bilans comptables et les smart contracts.
« Le Bitcoin en trésorerie n’est plus une fin en soi. C’est le carburant du moteur. Si votre moteur ne tourne pas, votre carburant ne vaut plus rien. »
Ce qui attend les retardataires
Pour les sociétés restées en DATS 1.0, le scénario est écrit :
- Discount NAV qui s’élargit mois après mois
- Activistes qui demandent la liquidation ou la distribution en nature
- Rachat par un acteur plus malin qui récupère le Bitcoin à 70-80 cents sur le dollar
- Ou, miracle, pivot douloureux vers un vrai business model… mais avec 2 ans de retard
On l’a déjà vu avec plusieurs small-caps en 2025 : cours divisé par 3, direction remplacée, actifs vendus ou distribués aux actionnaires. Game over.
Conclusion : l’ère des opérateurs commence
La première vague DATS a été héroïque. Elle a prouvé au monde entier que les entreprises pouvaient détenir du Bitcoin sans exploser. Elle a ouvert la porte aux institutionnels. Elle a démocratisé l’accès.
Mais cette vague est terminée.
La prochaine vague ne sera pas faite de collectionneurs de Bitcoin. Elle sera faite d’opérateurs qui utilisent les actifs numériques comme un avantage compétitif réel : puissance de calcul, paiements instantanés globaux, collatéral ultra-liquide, gouvernance décentralisée.
Pour les investisseurs, le message est simple : arrêtez de compter les BTC en trésorerie. Commencez à regarder les revenus opérationnels générés grâce à ces BTC.
Le trésor n’est plus la destination. C’est le point de départ.
Et ceux qui l’ont compris sont déjà en train de construire les géants de demain.
