Imaginez un monde où n’importe qui, d’un simple clic, peut investir dans l’économie réelle et soutenir des projets innovants aux quatre coins du globe. C’est la promesse des plateformes de financement participatif, ou crowdfunding, qui ont connu un essor fulgurant ces dernières années. Mais avec l’émergence des cryptomonnaies, ces plateformes sont en passe de révolutionner encore davantage les modèles d’investissement traditionnels.
En effet, en intégrant les crypto-actifs comme l’Ethereum dans leurs processus, elles ouvrent la voie à un financement plus fluide, transparent et accessible au plus grand nombre. Tokenisation des actifs, réduction des coûts d’intermédiation, transparence de la blockchain… Les avantages sont nombreux. Mais cette disruption pose également de nouveaux défis réglementaires pour protéger les investisseurs tout en encourageant l’innovation.
Le règlement PSFP, un premier cadre pour les plateformes de crowdfunding
Jusqu’à présent, les plateformes de financement participatif évoluaient dans un cadre relativement souple au niveau européen. Mais avec l’adoption du règlement PSFP (Prestataires de Services de Financement Participatif), l’Union Européenne a souhaité harmoniser les règles et renforcer la protection des investisseurs.
Ce texte, entré en application en novembre 2022, impose notamment aux plateformes des obligations accrues en matière de transparence sur les projets, d’évaluation des risques, de vérification de l’honorabilité des porteurs de projet, et de sécurisation des fonds. Un agrément auprès des autorités nationales, comme l’AMF en France, est également requis pour opérer.
Le crowdfunding en cryptos, un nouveau défi réglementaire
Mais ce cadre, conçu initialement pour les opérations en monnaies fiduciaires classiques, est-il adapté aux plateformes intégrant des cryptomonnaies comme moyen d’investissement ? C’est tout l’enjeu du débat actuel.
Première interrogation : la nature même des cryptomonnaies. Lorsqu’un particulier finance un projet en Ethereum par exemple, peut-on considérer qu’il s’agit réellement d’un prêt au sens du règlement PSFP ? Rien n’est moins sûr, puisque les cryptos ne sont pas assimilées à des monnaies légales.
Deuxième enjeu : la qualification des jetons (tokens) représentant une fraction des actifs financés. Prenons l’exemple de la plateforme RealT, qui propose d’investir dans l’immobilier via des tokens adossés à des biens. Si ces jetons sont considérés comme des valeurs mobilières par le droit européen, alors le règlement PSFP devrait théoriquement s’appliquer, avec des contraintes spécifiques. Mais s’ils sont vus comme de simples actifs numériques, un flou juridique demeure.
Le règlement MiCA, un futur cadre pour les crypto-actifs
C’est là qu’intervient le règlement MiCA, actuellement en cours d’élaboration au niveau européen. Son objectif : encadrer spécifiquement les marchés de crypto-actifs, et notamment les fournisseurs de services sur ces actifs (échanges, conservation, conseil…).
Ce texte pourrait venir compléter utilement le règlement PSFP pour sécuriser les opérations de crowdfunding en cryptomonnaies, en imposant par exemple des exigences en matière de sécurité des actifs, de prévention du blanchiment, ou de gestion des conflits d’intérêts. Mais son articulation précise avec le cadre existant reste à définir.
Trouver le juste équilibre entre protection et innovation
Au final, le défi pour le régulateur européen est de taille : comment encadrer efficacement ce nouveau mode de financement participatif basé sur les cryptos, sans pour autant freiner l’innovation portée par la technologie blockchain ?
Car il est indéniable que le recours aux crypto-actifs ouvre des perspectives inédites pour démocratiser l’accès à l’investissement et fluidifier le financement de l’économie. Réduction des coûts, transparence accrue, possibilité de fractionner les actifs “à l’infini”, automatisation des processus via les smart-contracts… Les promesses sont nombreuses.
Mais cette révolution ne doit pas se faire au détriment de la protection des épargnants, qui doivent être pleinement conscients des risques spécifiques liés aux cryptomonnaies (volatilité, piratage, perte de clés privées…). D’où l’importance d’un cadre réglementaire adapté, à la fois protecteur et propice à l’innovation.
Les points clés à retenir :
- Les plateformes de crowdfunding en cryptos bousculent les modèles d’investissement traditionnels
- Le règlement PSFP encadre les opérations de financement participatif classiques, mais son application aux cryptos soulève des questions
- La qualification juridique des jetons (valeurs mobilières ou simples actifs numériques) est déterminante
- Le futur règlement MiCA sur les crypto-actifs pourrait utilement compléter le dispositif
- L’enjeu : trouver le bon équilibre entre protection des investisseurs et soutien à l’innovation blockchain
L’essor des plateformes de financement participatif en cryptomonnaies nous invite ainsi à repenser en profondeur notre rapport à l’investissement et au financement de l’économie. Un passionnant défi, à la croisée du droit, de la technologie et de la finance, qui sera assurément l’un des enjeux majeurs des prochaines années. Reste à construire le cadre le plus adapté pour libérer tout le potentiel de cette révolution, sans sacrifier la sécurité des investisseurs. Un équilibre délicat, mais nécessaire pour bâtir la finance décentralisée et inclusive de demain.