Imaginez un pays où les règles du jeu pour les cryptomonnaies sont floues, obsolètes, laissant la porte ouverte aux arnaques et aux activités illicites. C’est le constat alarmant que vient de dresser le Fonds Monétaire International (FMI) concernant le Kenya. L’institution basée à Washington a en effet publié récemment une assistance technique à destination des décideurs kényans, les exhortant à renforcer urgemment leur cadre réglementaire sur les actifs numériques.
Un cadre réglementaire jugé “obsolète et limité”
Après avoir passé au crible la réglementation kényane sur les cryptomonnaies, les experts du FMI n’y sont pas allés par quatre chemins. Ils l’ont qualifiée d'”obsolète et limitée”, pointant du doigt le fait que le pays s’appuie sur “des règlementations prévues pour les marchés traditionnels”. Un cadre légal qui, de surcroît, serait “juridiquement non contraignant”, ouvrant ainsi la voie à “une hausse des escroqueries liées à la cryptomonnaie”.
Lors de leur mission sur place, les équipes du Fonds auraient également constaté “un degré significatif d’incertitude” et “un manque de consensus criant” au sein même des différents organes de régulation des cryptoactifs. Un flou artistique qui n’est pas sans rappeler la situation de nombreux pays à travers le monde, encore en quête d’un équilibre entre innovation et protection des consommateurs.
Aligner la réglementation sur les normes internationales
Face à ce constat alarmant, le FMI n’a pas manqué de formuler ses recommandations. La principale ? Aligner le futur cadre réglementaire kényan “avec les normes et les standards internationaux”. L’institution cite notamment le Bali Fintech Agenda, piloté conjointement par la Banque Mondiale et le FMI, les recommandations du GAFI (Groupe d’Action Financière) ainsi que le Global Regulatory Framework for Crypto-Asset Activities du Conseil de Stabilité Financière.
Mais pas question pour autant de faire fi des spécificités locales. Comme le soulignent les experts :
Un chantier d’envergure pour les 12 à 24 prochains mois
Concrètement, le Kenya devra, dans les six à douze mois, procéder à un vaste recensement des règles en vigueur et clarifier à la fois le rôle de chaque acteur et le périmètre d’action de chaque organe de régulation. L’objectif étant, dans l’année qui suit, de mettre en place un nouveau cadre juridique plus contraignant, incluant notamment un système d’octroi de licences. De quoi renforcer la surveillance dans le pays et favoriser les échanges avec les instances de régulation des pays voisins.
Un chantier d’envergure donc, qui va nécessiter que les législateurs kényans retroussent leurs manches et se mettent au travail pour se conformer aux nombreuses recommandations du FMI. Un défi de taille, d’autant plus crucial que le Kenya, à l’instar de son voisin éthiopien, cherche à attirer les géants du minage de cryptomonnaies, alléchés par une énergie abondante et peu chère.
Vers une adoption massive des cryptos en Afrique ?
Au-delà du cas kényan, c’est toute la question de l’adoption des cryptomonnaies en Afrique qui se pose. Le continent, qui compte certains des pays les plus prometteurs en termes d’adoption des actifs numériques (Nigeria, Afrique du Sud, Kenya…), fait face à un double défi : d’un côté, ne pas passer à côté de la révolution crypto et des opportunités qu’elle offre en termes d’inclusion financière et de développement économique ; de l’autre, se prémunir contre les risques inhérents à ces actifs encore largement non régulés.
Un équilibre délicat, qui nécessitera de la part des régulateurs africains à la fois fermeté et agilité. Fermeté, pour protéger les consommateurs et l’intégrité du système financier. Agilité, pour ne pas étouffer dans l’œuf un écosystème crypto en pleine effervescence. Un numéro d’équilibriste que le Kenya, sous l’œil attentif du FMI, s’apprête à jouer dans les mois et années à venir. Et qui, s’il est réussi, pourrait bien servir de modèle à tout le continent.
En résumé :
- Le FMI a jugé la réglementation kényane sur les cryptos “obsolète et limitée”
- L’institution conseille au Kenya d’aligner son cadre réglementaire sur les normes internationales
- Un vaste chantier attend les législateurs kényans dans les 12 à 24 prochains mois
- Le défi : protéger les consommateurs tout en favorisant l’innovation et l’adoption des cryptos
- Un enjeu crucial pour le Kenya et, plus largement, pour tout le continent africain