Imaginez un instant : pendant que l’Europe et les États-Unis se perdent encore dans des débats réglementaires sans fin, un petit émirat du Golfe vient tranquillement de poser une pièce maîtresse sur l’échiquier mondial des cryptomonnaies. Abu Dhabi, oui, la capitale des Émirats Arabes Unis, attire désormais les géants du secteur comme un aimant. Et cette fois, c’est Circle, l’émetteur du deuxième stablecoin le plus utilisé au monde, l’USDC, qui vient de frapper un grand coup.
Circle s’installe officiellement à Abu Dhabi : la nouvelle fait l’effet d’une bombe
Le 9 décembre 2025, Circle a annoncé simultanément deux nouvelles explosives qui confirment que les Émirats ne sont plus seulement une destination touristique de luxe, mais bel et bien le nouveau hub stratégique des cryptomonnaies. Une licence complète obtenue auprès de l’Abu Dhabi Global Market (ADGM) et l’arrivée d’une pointure venue directement de Visa pour piloter toute la région MENA. Rien que ça.
Dans le monde parfois chaotique de la crypto, où les régulateurs américains traquent encore les acteurs du secteur, voir une entreprise comme Circle obtenir un feu vert clair et net dans un cadre aussi prestigieux a de quoi faire réfléchir. Et poser la question : les Émirats sont-ils en train de réussir là où beaucoup d’autres pays échouent encore ?
Qu’est-ce que change concrètement cette licence ADGM pour Circle ?
L’Abu Dhabi Global Market n’est pas n’importe quelle autorité. C’est une zone financière internationale qui applique un cadre juridique inspiré du droit anglais, avec des standards parmi les plus élevés au monde en matière de transparence et de protection des consommateurs.
Concrètement, cette licence permet à Circle de :
- Émettre et gérer légalement l’USDC et l’EURC (son stablecoin adossé à l’euro) depuis Abu Dhabi
- Proposer des services de paiement et de transfert en stablecoins aux entreprises locales et régionales
- Opérer sous la supervision directe de la Financial Services Regulatory Authority (FSRA) de l’ADGM
- Bénéficier d’un cadre fiscal extrêmement avantageux (0 % d’impôt sur les sociétés dans la zone franche)
Jeremy Allaire, le charismatique CEO de Circle, n’a d’ailleurs pas caché sa satisfaction :
« La clarté réglementaire est la fondation d’un système financier internet plus ouvert et efficace. Le cadre de l’ADGM fixe une barre très haute en matière de transparence et de protection des consommateurs. Ce sont exactement les standards qui permettent aux stablecoins de confiance d’alimenter les paiements du monde réel à l’échelle d’internet. »
Jeremy Allaire, CEO de Circle
Dr Saeeda Jaffar : quand Visa perd une star et que Circle la récupère
L’autre annonce, presque aussi importante que la licence elle-même, c’est l’arrivée de Dr Saeeda Jaffar au poste de responsable des opérations MENA. Et son CV parle de lui-même.
Ancienne vice-présidente senior et directrice du Conseil de coopération du Golfe chez Visa, elle a passé plus de vingt ans à développer les paiements électroniques dans la région. Elle connaît parfaitement les banques centrales, les régulateurs, les grands commerçants et les fintech locales.
Son recrutement n’est clairement pas un hasard. Circle envoie un message fort : la région Moyen-Orient et Afrique du Nord n’est pas un marché secondaire, c’est une priorité stratégique absolue.
« Je suis ravie de rejoindre Circle à ce moment décisif pour l’industrie des paiements numériques. La région MENA représente un marché clé, et je suis impatiente de travailler avec nos partenaires pour accélérer l’adoption de l’USDC et de l’EURC. »
Dr Saeeda Jaffar
Pourquoi Abu Dhabi attire-t-il autant les géants de la crypto ?
Pour comprendre l’ampleur du phénomène, il faut regarder les faits. En moins de deux ans, les Émirats Arabes Unis sont passés de « destination potentielle » à « hub crypto numéro 1 hors États-Unis ».
Quelques chiffres qui parlent d’eux-mêmes :
- Plus de 1 500 entreprises blockchain enregistrées à l’ADGM et à la DMCC (Dubaï)
- Binance, Crypto.com, Kraken, Bybit, OKX… tous ont obtenu des licences complètes en 2024-2025
- Le fonds souverain Mubadala a investi massivement dans des ETF Bitcoin et Ethereum
- Abu Dhabi a triplé ses positions sur l’ETF Bitcoin de BlackRock en 2025
- Création du premier cadre réglementaire mondial dédié aux DAO en 2024
Ce n’est plus une coïncidence. Les Émirats ont compris avant beaucoup d’autres pays que les stablecoins et la blockchain ne sont pas une menace, mais une opportunité historique.
L’USDC face à Tether : la bataille des stablecoins entre dans une nouvelle ère
Avec cette implantation à Abu Dhabi, Circle se donne les moyens de grignoter encore des parts de marché à Tether (USDT), qui domine toujours outrageusement le secteur avec plus de 60 % de parts de marché.
Mais la donne change. L’USDC bénéficie désormais :
- D’une transparence totale (attestations mensuelles par Grant Thornton)
- D’une conformité réglementaire irréprochable
- D’une présence physique dans les plus grands hubs financiers mondiaux (États-Unis, Europe, Asie… et maintenant Moyen-Orient)
- De partenariats institutionnels solides (Visa, Mastercard, BlackRock, etc.)
Et dans une région où la confiance est reine, ces arguments pèsent lourd.
Et la France dans tout ça ?
Pendant ce temps, en Europe et particulièrement en France, le cadre MiCA entre en vigueur progressivement. Si l’Europe offre enfin une clarté réglementaire, elle reste perçue comme plus lourde et moins agile que les Émirats.
Résultat ? De nombreuses entreprises françaises du secteur regardent avec envie vers Dubaï ou Abu Dhabi. Certaines y ont déjà ouvert des bureaux. Et ce n’est probablement qu’un début.
Ce que cela signifie pour vous, investisseur ou utilisateur
Derrière les grandes annonces, il y a des conséquences très concrètes :
- Plus de rampes on/off en dirhams et en USDC directement dans le Golfe
- Des frais de transfert réduits pour les travailleurs expatriés (ils sont des millions dans la région)
- L’arrivée probable de cartes de paiement USDC dans les pays du CCG
- Une adoption institutionnelle accélérée des stablecoins dans les paiements transfrontaliers
En clair : l’USDC devient un peu plus chaque mois un véritable dollar numérique mondial, accepté et régulé partout où ça compte.
Et quand on sait que Circle a déjà passé la barre des 50 milliards de dollars d’USDC en circulation en 2025, on mesure l’ampleur du phénomène.
Conclusion : les Émirats écrivent l’histoire de la crypto sous nos yeux
Ce double mouvement de Circle – licence ADGM + recrutement d’une star de Visa – n’est pas une simple nouvelle parmi d’autres. C’est un signal fort. Les Émirats Arabes Unis ne se contentent plus d’attirer les capitaux : ils construisent, brique par brique, l’infrastructure financière du futur.
Et pendant que certains pays hésitent encore à reconnaître la révolution des stablecoins, Abu Dhabi, Dubaï et bientôt peut-être Riyad (l’Arabie Saoudite travaille aussi son propre cadre) prennent une longueur d’avance qui pourrait s’avérer décisive.
Une chose est sûre : en ce mois de décembre 2025, le centre de gravité de la cryptomonnaie continue de se déplacer vers l’Est. Et cette fois, il semblerait qu’il soit parti pour y rester longtemps.
