Imaginez un instant que l’Afrique perde chaque année l’équivalent du PIB de certains pays en raison de transferts de fonds illicites. C’est malheureusement une réalité alarmante, avec 88,6 milliards de dollars qui s’évaporent du continent africain, privant les populations de ressources essentielles pour les infrastructures, la santé et l’éducation. Face à ce fléau, une lueur d’espoir émerge : les technologies blockchain et d’intelligence artificielle (IA) pourraient bien être des armes redoutables pour endiguer ces flux financiers opaques.
La blockchain, un rempart contre les transferts illicites
C’est ce qu’a affirmé Olanipekun Olukoyede, président de la Commission des crimes économiques et financiers (EFCC) du Nigeria, lors d’une conférence panafricaine en Tunisie. Selon lui, ces technologies innovantes peuvent aider à traquer et combattre efficacement les activités illicites qui drainent les ressources de l’Afrique.
Mais le chemin est semé d’embûches. Olukoyede a souligné les défis techniques, juridiques et politiques qui compliquent le traçage, le gel et le rapatriement des fonds illicites. Il appelle à un renforcement des cadres légaux et institutionnels dans tous les pays africains pour une lutte plus efficace contre ces flux financiers illégaux.
Le Nigeria en première ligne
Le Nigeria n’est pas épargné par ce fléau. Olukoyede a révélé que des terroristes utilisent de plus en plus des traders de cryptomonnaies pour financer leurs activités dans le pays. Certains jeunes traders sont exploités à leur insu par des financiers du terrorisme, compliquant les efforts pour suivre et stopper ces flux.
L’EFCC nigériane multiplie les actions. Elle a bloqué 1 146 comptes bancaires impliqués dans des opérations de change non autorisées, de blanchiment d’argent et de financement du terrorisme, dont un nombre important lié à des plateformes de trading de crypto-monnaies peer-to-peer. L’EFCC a également récupéré pour 20 millions de dollars de cryptomonnaies auprès de fraudeurs.
Binance dans le collimateur
La plateforme d’échange de cryptomonnaies Binance et l’un de ses dirigeants font l’objet de poursuites pénales de la part de l’EFCC pour blanchiment d’argent et évasion fiscale. L’EFCC entend bien tenir les acteurs des cryptomonnaies responsables de leurs agissements.
Les cryptos, vecteurs de blanchiment d’argent
Le problème dépasse les frontières du Nigeria. Selon un rapport de l’Office des Nations unies contre la drogue et le crime (ONUDC), les cryptomonnaies, associées à l’essor des casinos en ligne illégaux, ont contribué à la prolifération de la finance souterraine et du blanchiment d’argent en Asie de l’Est et du Sud-Est.
Exemples de l’impact des cryptomonnaies sur le blanchiment d’argent :
- Intégration de milliards de dollars de produits illicites dans le système financier via des échanges et portefeuilles de cryptomonnaies.
- Mélange de fonds et réalisation de transactions de manière anonyme par des groupes criminels organisés.
- Allégations de blanchiment de 35,4 millions de dollars et d’évasion fiscale visant Binance au Nigeria.
Face à ces risques substantiels, les régulateurs se mobilisent. Au Royaume-Uni, la Financial Conduct Authority (FCA) classe les entreprises de cryptomonnaies comme des domaines à haut risque d’exploitation entre 2022 et 2023. Les forces de l’ordre britanniques déploient des conseillers tactiques spécialisés pour saisir les actifs numériques liés aux activités criminelles.
Une mobilisation internationale indispensable
Pour Olanipekun Olukoyede, la lutte contre les flux financiers illicites exige un renforcement des capacités, des systèmes juridiques robustes et une meilleure coordination aux niveaux national, régional et international. Il plaide pour l’utilisation de technologies avancées comme l’analyse de données, la blockchain et l’IA afin d’améliorer le traçage et la récupération des avoirs.
Face à l’ampleur du défi, une mobilisation globale s’impose. Gouvernements, régulateurs, forces de l’ordre et acteurs de l’industrie doivent unir leurs efforts pour exploiter le potentiel de la blockchain et de l’IA dans la lutte contre les transferts de fonds illicites. C’est à ce prix que l’Afrique pourra préserver ses ressources cruciales pour son développement et offrir un avenir meilleur à ses populations.