Imaginez un jouet mignon qui fait fureur pendant quelques mois, se revend dix fois son prix, puis finit oublié au fond d’un placard. C’est exactement ainsi qu’un haut responsable de Vanguard voit Bitcoin aujourd’hui.
Le 12 décembre 2025, alors que le Bitcoin retombait sous la barre symbolique des 90 000 dollars, John Ameriks, un des cadres seniors du géant de la gestion d’actifs, a lâché une phrase qui fait déjà trembler la cryptosphère : Bitcoin serait un « Labubu numérique ».
Quand le deuxième gestionnaire mondial traite BTC de peluche spéculative
Pour ceux qui ne passent pas leurs journées sur Xiaohongshu ou TikTok Shop, Labubu est cette petite figurine monstrueuse et adorable créée par l’artiste Kasing Lung et commercialisée par Pop Mart. En 2025, elle a connu une hystérie absolue en Asie : des files d’attente de plusieurs heures, des reventes à 50 fois le prix initial, puis… un effondrement brutal des cours sur les plateformes secondaires.
Et c’est précisément cette trajectoire que John Ameriks prête au Bitcoin.
« Nous autorisons les clients à détenir ces ETF s’ils le souhaitent, mais nous ne leur donnerons jamais de conseil pour acheter, vendre ou choisir tel ou tel token crypto. »
John Ameriks, Vanguard – Décembre 2025
Le message est limpide : pour Vanguard et ses 12 000 milliards de dollars sous gestion, Bitcoin reste une pure spéculation sans flux de trésorerie, sans rendement composé, sans rien de tangible. Un jouet digital pour adultes.
Un timing qui ne doit rien au hasard
Cette sortie intervient quelques semaines seulement après que Vanguard a finalement accepté de référencer des ETF Bitcoin spot (ceux de BlackRock, Fidelity, etc.) sur sa plateforme. Une décision prise à contrecœur, sous la pression des clients, mais sans jamais franchir le pas de lancer son propre produit.
À titre de comparaison, l’iShares Bitcoin Trust (IBIT) de BlackRock est devenu en un an le fonds le plus rentable de l’histoire du géant, générant des centaines de millions de dollars de frais annuels. Vanguard, lui, préfère laisser cette manne à ses concurrents.
Pourquoi Vanguard refuse toujours de lancer son propre ETF Bitcoin :
- Philosophie historique : uniquement des produits à très bas coût et à vocation long terme
- Absence de revenus intrinsèques (dividendes, intérêts) sur Bitcoin
- Volatilité jugée incompatible avec la gestion patrimoniale de retraités
- Pression réglementaire et risques réputationnels
Un pattern technique qui donne raison (pour l’instant) aux sceptiques
Comme si les mots de John Ameriks avaient besoin d’un écho graphique, le cours du Bitcoin dessine actuellement l’un des patterns les plus dangereux du chartisme : un bearish flag sur le timeframe journalier.
Pour rappel, ce drapeau baissier apparaît après une forte chute (le mât) suivie d’une consolidation en canal légèrement ascendant (le drapeau). La sortie se fait presque toujours par le bas, avec une violence proportionnelle à la hauteur du mât.
Dans le cas présent :
- Mât : la chute de 126 300 $ à 89 000 $ en quelques semaines
- Drapeau : la consolidation actuelle entre 88 000 $ et 94 000 $
- Objectif théorique : environ 75 000 $ (retracement exact de la hauteur du mât)
Au-delà du drapeau, deux autres signaux viennent renforcer le scénario baissier :
- Le prix a cassé à la baisse l’indicateur Supertrend (période 10, multiplicateur 3)
- Le cours évolue désormais sous sa moyenne mobile exponentielle à 50 jours
- Le prochain support majeur des Murrey Math Lines se situe précisément vers 75 000 $
Les contre-arguments des bitcoiners : « Ils disaient la même chose en 2017 »
Il faut bien reconnaître que les grands noms de la finance traditionnelle ont toujours eu un talent particulier pour enterrer Bitcoin… un peu trop tôt.
Warren Buffett l’appelait « du poison pour rats au carré ». Charlie Munger souhaitait que les États-Unis l’interdisent purement et simplement. Jamie Dimon (JPMorgan) le qualifiait de « fraude »… avant que sa banque ne devienne l’un des émetteurs autorisés des ETF Bitcoin.
Et pourtant, à chaque cycle, les mêmes discours reviennent :
- 2017 : « Tulipes »
- 2021 : « Greater Fool Theory »
- 2025 : « Labubu numérique »
« Chaque génération a besoin de son propre nom pour désigner la même chose : un actif qui monte plus vite que ce que les vieux comprennent. »
Un anonyme sur Crypto Twitter, décembre 2025
Et si Vanguard avait (partiellement) raison ?
Même les plus fervents défenseurs de Bitcoin doivent admettre une chose : depuis l’approbation des ETF en janvier 2024, le narratif a changé.
Autrefois actif « anti-système », Bitcoin est devenu un produit financier comme un autre, coté sur les plateformes des plus grands gestionnaires du monde. Et qui dit produit financier dit… cycles. Et qui dit cycles dit… phases d’euphorie suivies de phases de désintérêt.
Le parallèle avec Labubu n’est peut-être pas si absurde :
- Même mécanique de rareté artificielle (supply cap vs éditions limitées)
- Même effet de réseau social (FOMO sur TikTok vs FOMO sur Twitter)
- Même dépendance à l’arrivée continue de nouveaux acheteurs
Les scénarios possibles pour les prochaines semaines
Scénario baissier (probabilité actuelle : 65 % selon les analystes on-chain)
- Casse du bearish flag → accélération vers 75 000 $
- Liquidations en cascade des positions longues à effet de levier
- Retour de la dominance Bitcoin sous 50 % au profit des altcoins (ou du cash)
Scénario haussier (probabilité 35 %)
- Faux breakout baissier suivi d’un violent squeeze
- Retour au-dessus de 100 000 $ qui invaliderait tout le pattern
- Nouvel ATH avant la fin du premier trimestre 2026
Ce que cela nous apprend sur la maturité du marché
Plus que la phrase en elle-même, c’est le fait qu’un gestionnaire aussi conservateur que Vanguard se sente obligé de justifier publiquement sa position qui est révélateur.
Nous sommes clairement passés dans une nouvelle ère : celle où Bitcoin n’est plus seulement débattu dans les forums Reddit à 3 heures du matin, mais dans les conseils d’administration des plus grandes institutions financières mondiales.
Et dans cette ère-là, les comparaisons avec des jouets à la mode ne sont peut-être pas si insultantes qu’elles en ont l’air. Elles font partie du processus de normalisation.
Après tout, l’or a lui aussi été comparé à une « relique barbare » par Keynes. Internet était une « mode passagère » selon certains économistes dans les années 90. Chaque innovation majeure passe par cette phase de ridiculisation avant d’être acceptée.
Alors, Bitcoin est-il vraiment un Labubu numérique destiné à finir dans le placard des actifs oubliés ? Ou assistons-nous simplement à la dernière salve de scepticisme avant l’adoption institutionnelle définitive ?
Le marché, comme toujours, aura le dernier mot. Mais une chose est sûre : en décembre 2025, la question n’est plus de savoir si les institutions parlent de Bitcoin, mais comment elles en parlent.
Et pour l’instant, le ton est loin d’être à l’euphorie.
