Imaginez que l’on sonne à votre porte. Un livreur, casquette vissée sur la tête, un colis à la main. Vous signez sans méfiance. Et l’instant d’après, une arme est braquée sur votre tempe et on vous ordonne de vider vos portefeuilles crypto sous la menace. Ce scénario digne d’un thriller est devenu réalité à San Francisco pour l’ex-compagnon de Sam Altman, le célèbre patron d’OpenAI. Butin : 11 millions de dollars en Bitcoin et Ethereum. Une affaire qui glace le sang et qui pose, une fois de plus, la question brutale : jusqu’où la self-custody reste-t-elle sûre quand on détient des fortunes en cryptomonnaies ?
Quand la richesse crypto attire les pires prédateurs
Cette agression n’est pas un fait divers isolé. Elle s’inscrit dans une vague inquiétante d’attaques physiques ciblant spécifiquement les détenteurs de cryptomonnaies. Aux États-Unis, en Europe, en Asie : les histoires de kidnappings, de cambriolages violents ou de « wrench attacks » (attaques à la clé à molette) se multiplient depuis 2021. Mais rarement avec un montant aussi astronomique et une victime aussi médiatique.
Revenons sur les faits, tels que rapportés par la presse américaine et les autorités locales.
Le déroulé d’une attaque parfaitement orchestrée
Nous sommes dans un quartier huppé de San Francisco. La victime, que nous appellerons Joshua pour préserver son anonymat complet, est un investisseur tech bien connu dans la Silicon Valley. Il a partagé la vie de Sam Altman pendant plusieurs années. Son profil : discret, mais pas assez pour échapper aux radars des réseaux criminels spécialisés.
Le jour J, un homme se présente comme livreur d’une filiale d’UPS. Casquette, gilet réfléchissant, colis factice : tout y est. Joshua signe le bordereau. À peine la porte refermée, l’individu sort une arme de poing, le plaque au sol et le ligote avec du ruban adhésif gris. L’opération durera près d’une heure et demie. Temps suffisant pour :
- Forcer la victime à déverrouiller ses hardware wallets
- Transférer les fonds vers des adresses contrôlées par les malfaiteurs
- Repartir avec l’ordinateur, le téléphone et tous les appareils susceptibles de contenir des seed phrases
Aucun blessé grave n’a été signalé, mais le choc psychologique est immense. Les images de vidéosurveillance, diffusées par la police de San Francisco, montrent un professionnel froid et méthodique. Les enquêteurs parlent déjà d’un groupe criminel organisé, probablement international.
« La conservation personnelle des cryptomonnaies semble une bonne idée… jusqu’à ce qu’elle ne le soit plus. »
Garry Tan, président de Y Combinator
La méthode du faux livreur : la nouvelle arme fatale
Cette technique du « delivery man scam » n’est malheureusement pas nouvelle. Elle a déjà été utilisée à New York, Londres et même Dubaï. Son efficacité est terrifiante : elle exploite la confiance quotidienne que nous accordons aux livreurs Amazon, UPS ou DHL. En 2024-2025, les signalements ont explosé de plus de 400 % selon Chainalysis dans son dernier rapport sur la criminalité crypto.
Les étapes classiques d’une attaque « faux livreur »
- Repérage de la cible via les réseaux sociaux, les conférences blockchain ou les fuites de données KYC d’exchanges
- Surveillance physique du domicile pendant plusieurs jours
- Commande d’un vrai colis à l’adresse pour légitimer la présence
- Intrusion armée dès l’ouverture de la porte
- Forçage à transférer les fonds en direct (souvent sous la menace d’une arme ou de violences sur la famille)
Self-custody ou coffre institutionnel : le débat relancé
Dans la communauté crypto, le mantra « Not your keys, not your coins » a longtemps été sacralisé. Pourtant, cette affaire met cruellement en lumière ses limites quand les montants atteignent plusieurs millions de dollars.
Garry Tan, patron de l’incubateur Y Combinator, n’a pas mâché ses mots dans les colonnes du New York Post :
« Le stockage en coffre-fort chez Coinbase, Kraken ou Fidelity pour la conservation long terme est aujourd’hui la solution la plus sûre. »
Des plateformes comme Coinbase Custody ou Fidelity Digital Assets proposent désormais des services de garde institutionnelle avec :
- Assurance jusqu’à plusieurs centaines de millions
- Clés privées fragmentées géographiquement
- Absence totale d’accès direct pour le client (donc impossible à soutirer sous la menace)
- Procédures de retrait longues et multi-signatures
Pour les puristes du « be your own bank », la pilule est dure à avaler. Mais quand on détient plus de 5-10 millions, le risque physique devient statistiquement non négligeable.
Comment se protéger quand on est une cible potentielle ?
Si vous détenez des montants significatifs en crypto, voici les mesures recommandées par les experts en sécurité (et malheureusement validées par les victimes) :
- Ne jamais révéler publiquement ses avoirs (même pas en story privée)
- Utiliser des adresses « decoy » avec quelques milliers de dollars pour tromper d’éventuels ravisseurs
- Opter pour des multisig 2-of-3 avec une clé gardée par un proche de confiance à l’étranger
- Installer un panic button relié à une société de sécurité privée
- Envisager le custodial institutionnel pour la majeure partie du stack
- Former domestiques et concierges à ne jamais confirmer votre présence
Certaines fortunes crypto vont encore plus loin : déménagement dans des résidences ultra-sécurisées, gardes du corps 24/7, ou même exil dans des pays à faible criminalité violente.
Une criminalité qui s’organise à l’échelle mondiale
Derrière ces attaques, on retrouve souvent les mêmes profils : anciens militaires est-européens, cartels sud-américains, ou réseaux asiatiques spécialisés dans le « pig butchering » reconvertis dans le vol physique. Leur modèle économique est rodé :
Ils achètent des listes de détenteurs crypto sur le darknet (issues de fuites Sim-swapping ou de bases KYC piratées), croisent avec LinkedIn, Instagram, et les dons publics en on-chain, puis passent à l’action.
Le FBI a créé une unité dédiée en 2024. Europol suit une douzaine de cellules actives. Mais la coordination internationale reste complexe.
Et Sam Altman dans tout ça ?
Sam Altman n’a pas commenté publiquement l’affaire. Son ex-compagnon et lui seraient restés en bons termes. Mais l’histoire rappelle que même les cercles les plus influents de la Silicon Valley ne sont pas à l’abri. Quand on fréquente les plus grands noms de la tech, on hérite aussi, parfois, de leur visibilité… et de leurs risques.
Cette agression arrive alors que le Bitcoin flirte avec les 100 000 dollars et qu’une nouvelle génération de millionnaires crypto émerge. Plus les prix montent, plus les cibles grossissent. Une équation inquiétante.
Conclusion : la liberté a un prix
La philosophie originelle du Bitcoin reposait sur l’autonomie totale. Être son propre banquier, sans intermédiaire. Aujourd’hui, pour les gros porteurs, cette liberté ressemble parfois à une vulnérabilité.
L’affaire de San Francisco ne signe pas la fin de la self-custody. Mais elle impose une réflexion froide : à partir de quel montant le jeu n’en vaut plus la chandelle ? À partir de quel niveau de richesse devient-on une cible vivante ?
Une chose est sûre : dans le monde crypto, la sécurité n’est plus seulement technique. Elle est devenue physique, humaine, et parfois… vitale.
Restez prudents. Protégez vos clés. Et surtout, protégez votre vie.

