Le 30 juin 2024 marque un tournant historique pour le marché des cryptomonnaies en Europe. Après des années de préparation, le règlement sur les marchés de crypto-actifs (MiCA) est officiellement entré en vigueur, ouvrant un nouveau chapitre réglementaire pour l’industrie crypto au sein de l’Union Européenne. Mais quels sont les principaux changements introduits par MiCA et comment vont-ils façonner le paysage crypto européen dans les années à venir ?
MiCA, un cadre réglementaire global pour les cryptomonnaies
MiCA, acronyme de Markets in Crypto-Assets, est le fruit d’un long processus législatif débuté en 2020. Son objectif : établir un cadre réglementaire harmonisé pour l’émission, la négociation et la conservation des crypto-actifs au sein des 27 États membres de l’UE. Jusqu’à présent, chaque pays appliquait ses propres règles, créant une mosaïque réglementaire complexe et fragmentée.
Avec MiCA, l’UE entend favoriser l’innovation et la compétitivité de son industrie crypto, tout en protégeant les investisseurs et en luttant contre les risques de blanchiment d’argent et de financement du terrorisme. Le règlement couvre un large éventail d’actifs numériques, des cryptomonnaies comme le Bitcoin et l’Ether aux jetons d’utilité et de sécurité.
Encadrement strict des stablecoins
L’un des aspects les plus importants de MiCA concerne la réglementation des stablecoins, ces cryptomonnaies adossées à des actifs traditionnels comme le dollar ou l’euro. Suite aux déboires de l’UST de Terra en 2022, les régulateurs craignent que les stablecoins ne menacent la stabilité financière en cas de décrochage massif.
Désormais, les émetteurs de stablecoins devront obtenir une autorisation spécifique et se conformer à des exigences strictes en termes de fonds propres, de réserves et de gouvernance. Les stablecoins référencés à une seule devise officielle (comme l’euro) seront supervisés par l’Autorité bancaire européenne (ABE).
Un “passeport européen” pour les prestataires de services crypto
MiCA introduit également un régime d’autorisation unique pour les prestataires de services sur actifs numériques (PSAN), communément appelé “passeport européen”. Aujourd’hui, un exchange ou un fournisseur de wallet doit obtenir un agrément dans chaque État membre où il souhaite opérer, un processus long et coûteux.
Avec le statut de prestataire de services crypto agréé (CASP), ces acteurs pourront servir des clients dans toute l’UE depuis un seul pays d’enregistrement. En contrepartie, ils devront respecter des règles renforcées en matière de protection des consommateurs, de prévention du blanchiment et de gestion des risques.
Vers une finance décentralisée (DeFi) mieux encadrée
Enfin, MiCA jette les bases d’une réglementation de la finance décentralisée (DeFi), cet écosystème de services financiers basés sur des protocoles et des smart contracts. Si le texte n’aborde pas directement la DeFi, il prévoit que la Commission européenne présente un rapport dédié d’ici 2025.
D’ici là, les acteurs de la DeFi devront évaluer au cas par cas si leurs activités relèvent du champ d’application de MiCA ou d’autres réglementations comme la directive sur les services de paiement (DSP2) ou le règlement sur les dépositaires centraux de titres (CSDR).
Un défi pour les acteurs et les régulateurs
L’entrée en vigueur de MiCA représente un défi majeur pour l’industrie crypto européenne. Les acteurs du marché devront adapter leurs pratiques et leurs systèmes pour se conformer aux nouvelles exigences, un processus qui prendra du temps et des ressources.
De leur côté, les régulateurs nationaux et européens devront coopérer étroitement pour assurer une mise en œuvre harmonieuse et efficace du règlement. La Commission européenne a d’ailleurs annoncé la création d’une taskforce dédiée pour coordonner les efforts de supervision.
Quel avenir pour les cryptos en Europe ?
Malgré ces défis, MiCA offre de nombreuses opportunités pour le marché crypto européen. En réduisant la fragmentation réglementaire et en offrant un cadre juridique clair, il devrait attirer davantage d’investisseurs institutionnels et stimuler le développement de nouveaux produits et services innovants.
Le règlement pourrait également renforcer la position de l’UE comme pôle mondial de la blockchain et des cryptomonnaies, alors que les États-Unis et l’Asie avancent également sur la voie de la réglementation. L’enjeu est de taille : selon certaines estimations, le marché européen des crypto-actifs pourrait peser plus de 1 000 milliards d’euros d’ici 2030.
Une chose est sûre : avec l’entrée en vigueur de MiCA, le marché crypto européen entre dans une nouvelle ère. Les prochains mois et années seront décisifs pour façonner son avenir et déterminer sa place dans le paysage financier mondial.