Qui aurait cru que le délistage d’une crypto pouvait déclencher une bataille judiciaire de cette ampleur ? C’est pourtant ce qui est en train de se jouer pour Kraken et Binance, deux mastodontes des échanges de cryptomonnaies. Retour sur cette affaire hors norme qui pourrait avoir de lourdes conséquences pour l’industrie.
Le Cœur de l’Affaire : Le Délistage Polémique du Bitcoin SV
Tout a commencé en avril 2019 quand ces deux plateformes, parmi les plus influentes du secteur, ont décidé de retirer de leur offre le Bitcoin Satoshi Vision (BSV), un fork du Bitcoin Cash lui-même issu du Bitcoin originel. Une décision lourde de conséquences pour cette crypto et ses détenteurs.
Le Bitcoin SV, fortement soutenu par le controversé Craig Wright qui affirme être Satoshi Nakamoto, le créateur du Bitcoin, a vu son cours s’effondrer suite à ce délistage. En seulement 2 jours, la crypto a perdu 50% de sa valeur. Un choc pour les investisseurs.
Mais pourquoi un tel acharnement contre le BSV ? Il faut remonter à l’origine de l’affaire. Quelques jours avant le délistage, Changpeng Zhao (CZ), le PDG de Binance, avait menacé sur Twitter de retirer le BSV si Craig Wright persistait à se prévaloir du titre de créateur du Bitcoin.
Un Recours Collectif Historique
Mais les investisseurs lésés n’ont pas dit leur dernier mot. Regroupés sous la bannière de BSV Claims Limited, ils réclament aujourd’hui pas moins de 13 milliards de dollars de dommages et intérêts à Kraken, Binance et deux autres plateformes, les accusant de s’être entendus pour manipuler le cours du BSV.
Les points clés du recours :
- Accusation d’entente illégale entre les exchanges pour faire chuter le cours du BSV
- Demande de dommages et intérêts pour les 240 000 détenteurs britanniques lésés
- Procédure “opt-out” : tous les investisseurs concernés seront indemnisés sauf s’ils le refusent explicitement
Lord David Currie, économiste renommé et ex-président de l’autorité de la concurrence britannique, est à la tête de ce recours. Tout un symbole. Le procès, s’il aboutit, pourrait créer un précédent majeur et inciter à une régulation accrue des cryptos.
Les Exchanges Se Défendent
Face à ces accusations, Kraken et Binance nient toute manipulation et invoquent des raisons techniques et éthiques pour justifier leur décision. Selon eux, les investisseurs ont pris un risque en misant sur le BSV en toute connaissance de cause.
Binance notamment estime que les plaignants ont fait “un choix entièrement volontaire” en conservant leurs BSV et qu’ils auraient pu investir dans une autre crypto. Un argument qui ne convainc pas vraiment les intéressés.
Quel Avenir pour le Bitcoin SV ?
Au-delà du procès, c’est l’avenir même du Bitcoin SV qui est en jeu. Alors qu’il figurait parmi les cryptos les plus prometteuses en 2019 (12e en capitalisation), il végète aujourd’hui à la 75e place, loin derrière les leaders du marché.
Pour ses partisans, le BSV reste la version la plus fidèle à la vision originelle de Satoshi Nakamoto, avec des blocs de grande taille permettant plus de transactions. Mais sans le soutien des grands exchanges, son potentiel de croissance semble bien limité. Le procès sera donc crucial pour son avenir.
Un Feuilleton Judiciaire Qui Ne Fait Que Commencer
Le procès en est encore à ses débuts. La première étape est d’obtenir le feu vert de la justice britannique pour lancer ce recours collectif hors norme. Si le Competition Appeal Tribunal donne son accord, l’affaire pourrait durer des années avant qu’un jugement ne soit rendu.
D’ici là, nul doute que ce feuilleton judiciaire sera suivi de près par toute l’industrie crypto. Car au-delà du seul cas du BSV, c’est la question de la responsabilité des exchanges et de leur pouvoir sur le marché des cryptos qui est posée. Un enjeu crucial à l’heure où les régulateurs du monde entier scrutent de plus en plus près ce secteur en plein boom mais encore largement dérégulé.
Affaire à suivre donc. Car quelle que soit l’issue de ce procès fleuve, il y a fort à parier qu’il marquera un tournant dans l’histoire encore jeune des cryptomonnaies. Les géants du secteur sont prévenus : le far west des débuts est bel et bien terminé et l’ère de la régulation a sonné. Reste à savoir quelle forme elle prendra.