Le feuilleton judiciaire opposant Binance au Nigeria connaît un nouveau rebondissement tragique. Tigran Gambaryan, cadre de la plateforme d’échange de cryptomonnaies, croupit en prison malgré son état de santé préoccupant. Une situation kafkaïenne qui soulève l’indignation et met en lumière les relations tumultueuses entre les géants des cryptos et les régulateurs africains.
Un cadre entre la vie et la mort
Tigran Gambaryan, Chief Compliance Officer chez Binance, a été arrêté en février dernier avec son collègue Nadeem Anjarwall lors d’un voyage au Nigeria. Officiellement accusés d’évasion fiscale, les deux hommes seraient en réalité victimes d’un vaste bras de fer entre Binance et les autorités locales, déterminées à remettre au pas les plateformes crypto.
Mais cette détention arbitraire a pris un tour dramatique le 24 mai dernier. Tigran Gambaryan s’est effondré en plein tribunal, visiblement très affaibli. D’après Noah Perlman, Chief Compliance Officer de Binance, il souffrirait de malaria. Malgré une décision de justice ordonnant son transfert à l’hôpital, le cadre reste enfermé dans une prison aux conditions sanitaires déplorables, sans accès à des soins adéquats.
Binance impuissant face au Nigeria
Face à cette situation critique, Binance semble démuni. Noah Perlman l’a reconnu dans une interview à CNBC :
Le dirigeant affirme que Binance fait son maximum pour rapatrier Tigran Gambaryan aux États-Unis, mais que la balle est dans le camp du gouvernement américain. Un aveu d’impuissance qui en dit long sur la marge de manœuvre limitée des entreprises crypto face aux États.
Un lourd passif malgré la bonne volonté affichée
Pourtant, Noah Perlman assure que Binance est prêt à coopérer avec les autorités nigérianes et à tourner la page d’éventuelles erreurs passées :
Si nous avons fait quelque chose de mal par le passé, et je ne dis pas que c’est le cas, nous voulons venir à la table des négociations et résoudre le problème.
Notre message au gouvernement nigérian est clair : vous n’avez pas besoin de détenir Tigran.
Malheureusement, cet appel à la raison semble se heurter à une détermination inflexible côté nigérian. Le sort de Nadeem Anjarwall, qui a réussi à s’échapper avant d’être extradé du Kenya, reste lui aussi incertain.
Un symbole des tensions crypto-régulateurs en Afrique
Le calvaire de Tigran Gambaryan et Nadeem Anjarwall est emblématique des relations houleuses entre les géants des cryptomonnaies et les régulateurs africains. Alors que Binance et ses concurrents voient en l’Afrique un eldorado pour recruter la prochaine génération d’utilisateurs, les gouvernements s’efforcent de garder le contrôle sur ces nouveaux acteurs.
Entre la volonté d’attirer des investissements et des technologies d’avenir et la tentation de préserver leur souveraineté monétaire, les États africains envoient des signaux contradictoires. Un flou juridique dont Tigran Gambaryan fait aujourd’hui les frais dans l’enfer des geôles nigérianes.
Son sort est plus qu’un fait divers sordide. C’est un avertissement pour toute l’industrie des cryptomonnaies : en Afrique comme ailleurs, bâtir un « nouveau système financier » reste un défi géopolitique autant que technologique. Un défi qui peut conduire jusqu’au sacrifice de vies humaines.