Les prochaines élections du Parlement européen, qui se tiendront du 6 au 9 juin 2024, s’annoncent cruciales pour l’avenir du secteur des cryptomonnaies au sein de l’Union européenne. En effet, alors que la réglementation MiCA (Markets in Crypto-Assets) a été adoptée l’an dernier, définissant un cadre juridique pour les crypto-actifs, sa mise en application effective dépendra grandement de la composition de la nouvelle assemblée élue. Entre espoirs d’assouplissement et craintes de durcissement, les acteurs de l’écosystème crypto européen retiennent leur souffle.
MiCA, une épée de Damoclès réglementaire pour les cryptos en Europe
Bien qu’apportant une reconnaissance juridique bienvenue aux crypto-actifs, le règlement MiCA fait l’objet de vives critiques au sein de l’industrie. Jugé trop contraignant par beaucoup, il impose de lourdes obligations de conformité aux émetteurs de tokens et aux prestataires de services. Parmi les points les plus controversés :
- L’obligation pour les émetteurs de stablecoins de détenir des réserves équivalant à 100% de la valeur des actifs numériques en circulation
- Des exigences strictes en matière de fonds propres, de gouvernance et de gestion des risques pour les fournisseurs de services sur actifs numériques (PSAN)
- La nécessité pour les PSAN de s’enregistrer auprès des autorités nationales compétentes et de l’ESMA
- Des règles de surveillance drastiques sur les transactions en cryptomonnaies, au nom de la lutte contre le blanchiment d’argent et le financement du terrorisme
Ces contraintes réglementaires font craindre à certains une perte de compétitivité pour l’Europe sur le marché mondial des cryptomonnaies. D’autant que d’autres juridictions, comme le Royaume-Uni post-Brexit ou certains États américains, affichent des ambitions plus libérales en la matière.
Quelles positions des principaux groupes politiques européens sur la question crypto ?
Alors que les sondages prédisent une percée des partis eurosceptiques et une poussée des Verts aux élections de juin, les positions des familles politiques européennes divergent sensiblement sur la régulation des crypto-actifs :
- Le Parti populaire européen (PPE, droite) : favorable à un cadre réglementaire strict, au nom de la protection des consommateurs et de la stabilité financière. Mais ouvert à certains assouplissements.
- Les Socialistes et Démocrates (S&D, gauche) : partisans d’une réglementation forte, mettant l’accent sur la lutte contre les dérives spéculatives et le blanchiment. Réticents aux crypto-actifs.
- Renew Europe (centre, libéraux) : prônant une approche équilibrée entre innovation et régulation. Favorables au développement maîtrisé des cryptos et de la blockchain en Europe.
- Les Verts/ALE (écologistes) : très critiques envers les cryptomonnaies, jugées énergivores et spéculatives. Partisans d’une réglementation extrêmement stricte, voire d’une interdiction.
- Identité et Démocratie (ID, extrême-droite) : hostiles à une réglementation européenne, au nom de la souveraineté des États. Mais pas forcément favorables aux cryptos.
Les rapports de force issus des urnes et les alliances qui se noueront détermineront donc largement l’approche du prochain Parlement européen sur le sujet. Avec un impact potentiellement majeur sur la mise en œuvre de MiCA.
Déjà des signes de défiance des investisseurs envers les produits crypto européens
L’incertitude réglementaire liée à MiCA semble déjà produire des effets négatifs sur l’attractivité des produits d’investissement crypto basés en Europe. Comme le rapporte le Financial Times, les fonds indiciels (ETF/ETP) adossés au bitcoin et émis dans l’UE ont subi d’importantes sorties nettes depuis janvier 2024, totalisant quelque 506 millions de dollars de retraits.
Un contraste saisissant avec le succès des ETF bitcoin “spot” récemment autorisés aux États-Unis, qui ont drainé plus de 1,5 milliard de dollars en quelques semaines. De quoi nourrir les inquiétudes sur la compétitivité européenne en matière de crypto-actifs.
Les élections européennes, moment de vérité pour l’avenir des cryptos en Europe
Au-delà des incertitudes de court terme, les élections du Parlement européen constituent un enjeu crucial pour le futur de l’écosystème crypto sur le Vieux Continent. Comme l’explique Jag Kooner, responsable produits de la plateforme Bitfinex :
Entre une approche trop restrictive qui étoufferait l’innovation et une ouverture mal maîtrisée porteuse de risques, l’Union européenne se trouve face à un délicat exercice d’équilibriste réglementaire. Et ce sont les 705 eurodéputés élus en juin prochain qui en définiront largement les contours.
Des enjeux considérables pour l’avenir de Bitcoin, de l’Ether et de tout l’écosystème crypto et blockchain européen, qui incitent les acteurs du secteur à suivre de très près cette échéance électorale. En espérant que les urnes ne scellent pas le destin des crypto-actifs sur le Vieux Continent…