Imaginez que vous viviez dans un pays où votre salaire perd 5 % de sa valeur chaque semaine. Vous recevez l’argent envoyé par votre frère émigré aux États-Unis et, le temps de le retirer, il a déjà fondu de 20 %. C’est le quotidien de millions de familles en Argentine, au Venezuela ou au Liban. Et si, demain, cet argent arrivait directement sur une carte protégée de l’inflation ? C’est exactement ce que Western Union s’apprête à lancer.
Western Union passe enfin le cap des stablecoins
Le 6 décembre 2025, lors de la conférence UBS Global Technology and AI, le directeur financier de Western Union, Matthew Cagwin, a lâché une petite phrase qui a fait l’effet d’une bombe dans la crypto-sphère : l’entreprise prépare une carte prépayée adossée à des stablecoins pour les pays en hyperinflation. Exit les années de méfiance affichée envers Bitcoin et compagnie. Le géant des transferts d’argent, qui pèse plus de 5 milliards de dollars de chiffre d’affaires, vient de faire son grand coming-out crypto.
Et quand on dit « grand », on pèse nos mots. Le projet ne se limite pas à un simple wallet. Il s’agit d’une vraie carte physique (et probablement virtuelle) Visa, utilisable partout, chargée en dollars stables, et protégée de la dévaluation galopante des monnaies locales.
Argentine, Venezuela, Liban : les cibles parfaites
Matthew Cagwin a été très clair : le premier marché visé est l’Argentine. Avec une inflation qui a dépassé les 200 % en 2023 et qui reste supérieure à 100 % annualisée en 2025, le peso argentin fond littéralement. Recevoir des dollars via Western Union et les convertir immédiatement en pesos, c’est perdre une partie de l’argent avant même de l’avoir dépensé.
La nouvelle carte change tout : l’argent envoyé depuis l’étranger arrive en USDPT (le futur stablecoin de Western Union), reste en dollar stable, et peut être dépensé directement chez les commerçants ou retiré en espèces locales uniquement quand l’utilisateur le décide. Une révolution pour les 15 millions d’Argentins qui dépendent des remittances.
« Nous voulons que les gens reçoivent des dollars et puissent les garder en dollars aussi longtemps qu’ils le souhaitent, sans être forcés de les convertir immédiatement dans une monnaie qui perd 5 à 10 % par mois. »
Matthew Cagwin, CFO de Western Union
USDPT : le stablecoin maison qui arrive en 2026
Le nom est déjà choisi : US Dollar Payment Token, ou USDPT. Ce stablecoin sera émis par Anchorage Digital (banque crypto agréée aux États-Unis) et fonctionnera sur la blockchain Solana, réputée pour sa vitesse et ses frais ridicules.
Les caractéristiques techniques confirmées d’USDPT :
- Émetteur : Anchorage Digital (institution régulée)
- Blockchain : Solana (confirmé par Western Union)
- Parité : 1 USDPT = 1 dollar américain
- Réserves auditées en temps réel
- Intégration directe dans le réseau Western Union (plus de 500 000 points de vente dans 200 pays)
Le choix de Solana n’est pas anodin. Avec des transactions à moins d’un centime et une finalité en moins d’une seconde, c’est la blockchain idéale pour des paiements du quotidien dans des pays où chaque centime compte.
Partenariat avec Rain : la carte Visa qui change tout
Pour transformer ces stablecoins en carte utilisable partout, Western Union s’est associé à Rain, une fintech spécialisée dans les cartes crypto. Le principe est simple : l’utilisateur reçoit ses dollars en USDPT dans un wallet lié à la plateforme Rain, et une carte Visa (physique ou virtuelle) est automatiquement alimentée.
Et le plus beau ? Vous pouvez retirer vos stablecoins en cash dans n’importe quel bureau Western Union, sans passer par une banque. Un vrai pont entre le monde crypto et le monde réel, conçu pour ceux qui n’ont pas (ou plus) confiance dans leur système bancaire local.
Le revirement spectaculaire de Western Union
Il y a encore quelques années, Western Union était l’un des plus farouches opposants aux cryptomonnaies. En 2017, son directeur technique comparait Bitcoin à de l’or numérique, « pas une monnaie ». En 2021, le PDG expliquait encore que les cryptos étaient trop volatiles et pas assez régulées.
Que s’est-il passé ? Trois choses :
- La clarté réglementaire aux États-Unis (notamment avec les banques crypto comme Anchorage)
- L’explosion des stablecoins (USDT et USDC dépassent les 200 milliards de capitalisation cumulée)
- La concurrence féroce de Wise, Remitly, et surtout des applications crypto comme Strike ou Chivo Wallet au Salvador
Résultat : Western Union n’avait plus le choix. Soit disparaître doucement, soit embrasser la révolution qu’il combattait. Ils ont choisi la deuxième option, et plutôt deux fois qu’une.
Pourquoi cette carte peut changer la vie de millions de personnes
Dans les pays en hyperinflation, les gens ont déjà massivement adopté les stablecoins. En Argentine, plus de 30 % de la population utilise USDT sur des wallets comme Lemon ou Belo. Au Venezuela, c’est Binance et AirTM qui dominent.
Mais ces solutions restent compliquées pour la grand-mère qui reçoit 200 dollars par mois de son fils à Miami. Avec la carte Western Union, plus besoin de comprendre la blockchain : on reçoit une carte, on paye au supermarché, point final.
Avantages concrets pour l’utilisateur final :
- Protection immédiate contre l’inflation
- Aucun frais de conversion forcée
- Paiement chez tous les commerçants Visa
- Retrait en cash dans le bureau Western Union du coin
- Sécurité d’une institution régulée (pas de wallet auto-hébergé à perdre)
Et la concurrence dans tout ça ?
Western Union n’est pas le premier à avoir eu l’idée. Visa et Mastercard proposent déjà des cartes crypto dans certains pays. Strike permet d’envoyer des dollars au Salvador ou en Argentine pour presque rien. Même PayPal a lancé PYUSD.
Mais Western Union a un atout que personne n’a : son réseau physique. 500 000 agences dans le monde, dont des milliers dans les villages les plus reculés. Là où Strike ou Binance n’ont pas d’agence, Western Union est déjà présent depuis 50 ans.
Ce que cela signifie pour l’adoption massive
L’arrivée d’un acteur comme Western Union dans les stablecoins, c’est un peu comme si La Poste se mettait à accepter Bitcoin demain. C’est le signal que la technologie n’est plus réservée aux geeks ou aux spéculateurs, mais qu’elle devient un outil du quotidien pour les classes populaires des pays en crise.
Et le timing est parfait. Avec Donald Trump qui promet une politique pro-crypto et des pays comme le Pakistan qui annoncent leur propre stablecoin, 2026 pourrait bien être l’année où les stablecoins deviennent aussi banals que la carte bleue.
Une chose est sûre : quand votre grand-mère en Argentine paiera son pain avec une carte Western Union chargée en USDPT sans même savoir ce qu’est une blockchain… c’est là qu’on pourra dire que les cryptomonnaies ont vraiment gagné.
