Imaginez la scène : pendant des années, un invité bruyant et mal vu tambourine à la porte d’une des plus vieilles et prestigieuses maisons de la finance traditionnelle. On lui claque la porte au nez, on le traite de spéculateur, de mode passagère. Et puis, un beau matin de décembre 2025, la porte s’entrebâille. Pas complètement, juste assez pour laisser passer… une assiette. L’invité ? La cryptomonnaie. La maison ? Vanguard, 9 000 milliards de dollars sous gestion. Et l’assiette ? Les ETF crypto uniquement.
Ce n’est pas une révolution. C’est un compromis. Mais dans l’univers conservateur de la gestion d’actifs, c’est un séisme.
Vanguard ouvre (un peu) la porte aux cryptomonnaies
Le 1er décembre 2025, Vanguard Group a annoncé qu’à partir du mardi 2 décembre, ses clients pourront enfin acheter et vendre des ETF et fonds communs détenant du Bitcoin, de l’Ethereum, du Solana et du XRP directement sur la plateforme du géant américain.
Attention : il ne s’agit pas d’acheter du BTC ou du SOL en direct. Vanguard reste ferme : pas de trading de cryptomonnaies pures. Seuls les produits réglementés – les ETF et certains fonds mutuels exposés à ces actifs – seront autorisés.
En clair : la crypto a enfin le droit de s’asseoir à la table des adultes… mais avec une serviette autour du cou et en passant par la case « produits financiers traditionnels ».
« Les ETF adossés aux cryptomonnaies ont prouvé qu’ils fonctionnaient comme prévu lors des périodes de forte volatilité. »
Vanguard, communiqué interne relayé par Eric Balchunas
De « jamais » à « pourquoi pas » : chronologie d’un revirement
Retour en août 2025. Salim Ramji, le nouveau PDG de Vanguard, fraîchement arrivé de BlackRock, accorde une interview à ETF.com. Le message est clair comme du cristal :
« Nous ne copierons pas les concurrents juste parce qu’ils le font. Nous restons fidèles à nos principes : actions, obligations, cash. Point. »
Quatre mois plus tard, le même PDG valide l’ouverture aux ETF crypto. Que s’est-il passé entre-temps ?
Les trois facteurs qui ont fait plier Vanguard :
- La performance irréprochable des ETF spot Bitcoin et Ethereum depuis leur lancement (aucun incident majeur, flux records)
- La pression commerciale : des milliards de dollars partis chez Fidelity, Schwab et Morgan Stanley qui, eux, avaient déjà dit oui
- L’arrivée de Salim Ramji, ex-BlackRock, qui connaît parfaitement le succès des IBIT et consorts
Que change concrètement cette décision pour vous ?
Si vous êtes client Vanguard (et il y en a des millions), voilà ce qui arrive dès demain :
- Vous pourrez acheter les grands ETF spot : BlackRock IBIT, Fidelity FBTC, ARK 21Shares, Bitwise, etc.
- Idem pour les ETF Ethereum (BlackRock ETHA, Fidelity FETH…)
- Les ETF Solana et XRP récemment approuvés seront également accessibles
- Pas de frais de transaction supplémentaires spécifiques (Vanguard reste fidèle à sa philosophie low-cost)
- Mais toujours pas de wallet, pas de staking, pas de transfert de cryptos
En résumé : vous avez désormais une exposition réglementée, encadrée, « propre » aux cryptomonnaies… sans jamais toucher réellement aux actifs sous-jacents.
Pourquoi Vanguard parle-t-il officiellement de « compromis » ?
Le terme n’est pas anodin. En interne, selon les sources de Bloomberg et Eric Balchunas, la décision a été présentée comme un « compromise ».
Traduction : on donne un os à ronger aux clients qui réclamaient de la crypto depuis des années, sans pour autant renier complètement la philosophie historique de John Bogle, le fondateur, qui voyait les cryptomonnaies comme une spéculation pure.
C’est un peu comme autoriser le vin à table… mais uniquement en version sans alcool.
Et les concurrents dans tout ça ?
Chez Fidelity, Charles Schwab ou Morgan Stanley, on doit savourer la nouvelle avec un sourire en coin.
Pendant que Vanguard jouait les résistants, ces plateformes ont capté des milliards de dollars d’investisseurs retail et institutionnels désireux d’avoir une exposition crypto dans leurs comptes traditionnels.
Aujourd’hui, Vanguard rattrape son retard. Mais avec son poids (près de 9 000 milliards sous gestion), l’impact pourrait être colossal.
Estimation des flux potentiels (analystes Bloomberg) :
- 5 à 15 milliards de dollars de flux additionnels vers les ETF crypto dans les 12 prochains mois
- Effet particulièrement marqué sur les ETF Solana et XRP, encore peu distribués
- Renforcement de la légitimité institutionnelle des cryptomonnaies
Ce que cela nous dit sur l’adoption institutionnelle
L’histoire de Vanguard est fascinante parce qu’elle résume parfaitement la maturité du secteur crypto en 2025.
Il y a cinq ans, les institutions fermaient la porte à double tour.
Il y a deux ans, elles ont commencé à entrouvrir la fenêtre avec les ETF futures.
Aujourd’hui, même le plus conservateur des géants traditionnels accepte les ETF spot.
Demain ? Peut-être que la prochaine étape sera l’acceptation du staking dans les ETF Ethereum, ou l’arrivée de produits plus sophistiqués.
« Quand Vanguard bouge, c’est que le cycle de maturité est presque achevé. »
Un gérant de hedge fund crypto, anonyme
Et maintenant ?
Cette décision n’est pas une fin. C’est une étape.
Les regards se maintenant se tournent vers les derniers bastions : les caisses de retraite publiques ultra-conservatrices, certains fonds souverains, et surtout… les banques privées suisses et singapouriennes qui traînent encore les pieds.
Mais quand le plus grand gestionnaire low-cost au monde, connu pour sa rigueur presque monacale, accepte les ETF crypto, le message est clair :
La cryptomonnaie n’est plus une mode. C’est une classe d’actifs. Point.
Et même si Vanguard ne lui offre qu’une chaise pliante au bout de la table, c’est déjà énorme.
La suite ? On prend les paris : dans deux ans, autorisera-t-il le staking ? Dans cinq ans, proposera-t-il ses propres ETF ?
Une chose est sûre : le 1er décembre 2025 restera dans les livres d’histoire crypto comme le jour où le dernier grand résistant a craqué.
Et quelque part, Satoshi sourit.
