Imaginez : vous achetez tranquillement quelques euros de Bitcoin ou d’Ethereum sur Coinbase, et un beau matin, l’administration fiscale française frappe à la porte de l’exchange pour tout savoir sur vos transactions. Ce n’est plus de la science-fiction. C’est exactement ce qui se passe en ce moment, et à une échelle qui fait froid dans le dos.
Le 1er décembre 2025, Coinbase a publié son rapport de transparence annuel couvrant la période du 1er octobre 2024 au 30 septembre 2025. Et le chiffre qui fait bondir tous les amateurs de cryptomonnaies en France : une augmentation de 111 % des demandes émanant des autorités françaises. Oui, vous avez bien lu : plus que doublé en un an.
La France, championne d’Europe de la surveillance crypto
Derrière les États-Unis (logique, Coinbase y est domicilié) et l’Allemagne, la France décroche la médaille de bronze mondiale des pays les plus curieux. Et devance désormais largement le Royaume-Uni (+16 %) ou l’Espagne (+27 %). Un podium dont on se serait bien passé.
« Aucun satoshi ne doit échapper au fisc » semble être devenu le nouveau mantra de Bercy.
Ces demandes concernent des assignations, des mandats de perquisition ou des ordonnances judiciaires visant à obtenir nom, adresse IP récente, historique de transactions, moyens de paiement… Bref, tout ce qui permet de relier un portefeuille crypto-portefeuille à une identité bien réelle.
Que dit exactement le Transparency Report 2025 de Coinbase ?
Au total, Coinbase a reçu 12 716 demandes provenant de plus de 60 pays entre octobre 2024 et septembre 2025, soit +19 % sur un an.
Parmi les faits marquants :
- États-Unis : toujours en tête avec plusieurs milliers de requêtes
- Allemagne : légère baisse (-5 %)
- France : +111 % – le bond le plus violent de tous les grands pays
- Royaume-Uni : +16 %
- Espagne : +27 %
Coinbase précise examiner chaque demande avec attention et contester celles jugées trop larges ou mal fondées. Mais quand la requête est valide, l’exchange est légalement tenu de coopérer.
Pourquoi une telle explosion en France ?
Plusieurs facteurs se cumulent :
- La transposition progressive de la directive européenne DAC8 qui oblige les exchanges à déclarer automatiquement les transactions des résidents européens dès 2026.
- Le renforcement des équipes de la DNEF (Direction nationale d’enquêtes fiscales) spécialisées crypto.
- L’arrivée de TRACFIN nouvelle version avec des outils d’analyse blockchain de plus en plus performants.
- Une volonté politique claire : récupérer l’impôt là où il serait « dissimulé ».
Résultat ? Les contrôles fiscaux crypto ont littéralement explosé ces derniers mois. Les cabinets spécialisés reçoivent chaque semaine des demandes d’accompagnement de clients ayant reçu un courrier recommandé commençant par « Dans le cadre de l’article L.10 du Livre des procédures fiscales… ».
Coinbase protège-t-il vraiment ses utilisateurs français ?
L’exchange le jure : pas d’accès direct aux données pour les gouvernements, réponses au cas par cas, contestation quand c’est possible. Mais dans les faits, dès qu’un mandat judiciaire français arrive, Coinbase fournit les informations demandées – comme la loi l’y oblige.
Ce que Coinbase transmet systématiquement :
- Nom et prénom
- Adresse e-mail
- Date de naissance
- Adresse IP la plus récente
- Historique complet des dépôts et retraits
- Solde au moment de la demande
Autrement dit : presque tout.
Et la vie privée dans tout ça ?
Bitcoin a été conçu pour offrir une certaine confidentialité financière. Mais dès qu’on passe par un exchange centralisé comme Coinbase, Kraken ou Binance, cette confidentialité s’effondre. KYC obligatoire, conservation des données, coopération légale : la réalité rattrape vite l’idéal libertarien.
« La vie privée n’est pas un crime. »
Satoshi Nakamoto (attribué)
Pour ceux qui veulent vraiment préserver leur anonymat, les solutions existent : wallets non-custodial, mixers (attention, certains sont désormais illégaux), achats en P2P cash… Mais elles demandent un niveau technique et une discipline que 95 % des utilisateurs n’ont pas.
Que faire concrètement si vous êtes sur Coinbase ?
Quelques pistes réalistes :
- Transférez régulièrement vos cryptos vers un wallet personnel (Ledger, Trezor, Metamask…)
- Utilisez des sous-comptes ou plusieurs wallets pour segmenter vos avoirs
- Évitez de laisser dormir des sommes importantes sur l’exchange
- Préparez vos justificatifs d’origine des fonds (factures d’achat, déclarations fiscales passées)
- Envisagez des solutions plus décentralisées pour les gros montants
Car oui, le contrôle fiscal arrive. Et il arrive vite.
2026 s’annonce encore plus rude
Avec l’entrée en vigueur pleine de MiCA et DAC8, les échanges automatiques d’informations entre exchanges et fiscs européens deviendront la norme. Coinbase, Kraken, Binance & co transmettront directement à Bercy les soldes et transactions de tous les résidents fiscaux français. Sans même attendre une demande.
Autrement dit : la surveillance passe du mode « réactif » (on enquête quand on suspecte) au mode « proactif » (on sait tout, tout le temps).
Conclusion ? Si vous pensiez que 2025 était l’année de la régulation, attachez vos ceintures : 2026 sera l’année de la surveillance totale.
La liberté financière promise par Bitcoin reste intacte… tant qu’on reste hors des radars des exchanges centralisés. Pour les autres, le grand frère veille. Et il a très faim.
À bon entendeur.
